Cercle d’étude de la Déportation et de la Shoah

Arlette Reiman-Testyler

« Les enfants aussi », Arlette, enfant internée, enfant cachée
dimanche 30 août 2009

Arlette Reiman-Testyler témoigne dans les classes avec son mari, Charles Testyler.
Elle insiste sur l’existence des Justes qui ont aidé les Juifs en France.
par Marie-Paule Hervieu

Témoignage d’Arlette Reiman-Testyler, enfant internée, enfant cachée, devant des élèves de 6ème dans la classe de Dominique Dufourmantelle, professeure de lettres au lycée Jacques Decour, le 2 avril 2009.

Charles et Arlette, photo NM

Arlette et Charles, lycée Jacques Decour, 2009

La famille et l’arrestation du père
Elle dit d’abord qu’elle avait leur âge pendant l’occupation, en effet, née à Paris le 30 mars 1933, elle avait 9 ans à la date de son arrestation, le premier jour de la rafle du Vél’ d’hiv’, le 16 juillet 1942, elle rappelle aussi qu’elle travaillait bien à l’école, ce qui comptait énormément pour son père. Elle est la fille de deux immigrés juifs polonais : Abraham Reiman et Malka Zolkwer qui avaient choisi la France, s’y étaient mariés en 1929, avaient eu deux filles, l’aînée, Madeleine en 1931, et la seconde Arlette, dix huit mois plus tard.

Son père était artisan fourreur, dans le quartier du Marais, et tellement attaché à la France qu’il avait décidé de s’engager, à la déclaration de guerre ; mais Juif étranger, en application des lois antisémites du gouvernement de Vichy, il fut convoqué et dut se présenter au commissariat de la rue Beaubourg, le 16 mai 1941, et fut arrêté dans la rafle dite du billet vert. Interné dans le camp de Pithiviers, il fut déporté à Auschwitz, par le convoi n°4, le 25 juin 1942, où il mourut de soif ? en août 1942.

Enfant, elle fut donc confrontée à une législation antisémite qu’elle ne comprenait pas, dont elle ressentait fortement les interdictions de jeux et de sorties, la spoliation des machines qui les privait de moyens d’existence, les arrestations brutales. Elle devait revoir son père plusieurs fois, derrière les barbelés ou dans des granges où il dormait, parce qu’il travaillait à faire les moissons, jusqu’à sa disparition (sa déportation).

La rafle du Vél’ d’hiv’
Sa mère travaillait alors dans un atelier de confection de gilets en peaux de lapin, pour les soldats allemands engagés sur le front russe (une entreprise située rue Martel, dans le Xe), elle disposait à ce titre d’un Ausweis, un laissez-passer. Mais l’épisode le plus mémorable fut celui où elle vit sa mère coudre solidement une étoile jaune sur son vêtement, et envoyer ses filles et leur petite amie, Liliane Pint, se faire photographier, avec leurs étoiles, pour envoyer leur photo à leurs pères, internés à Pithiviers. C’est aussi de l’arrivée dans son école, rue de Montmorency, qu’elle se souvient quand elle entendit la directrice dire « si je dois entendre une seule réflexion, à l’encontre des petites filles portant une étoile, vous êtes toutes punies et renvoyées ».

Mais le 16 juillet 1942, très tôt le matin, elle fut arrêtée chez elle, 114 rue du Temple, par deux agents de la police française venus chercher Abraham Reiman, et à défaut Malka, Madeleine et Arlette. Ayant sur ordre préparé quelques affaires, coupé le gaz et l’électricité et remis les clefs à la concierge, elles furent entassées dans un autobus et conduites au vélodrome d’hiver. Elle raconte les femmes et les enfants à bout de nerfs, les femmes enceintes et les bébés qui ne peuvent plus être changés, l ’odeur, la saleté, le sang, les suicides, des « images dantesques ».

Arlette Testyler à propos du film La Rafle

La rafle vue par Arlette

Des actes humains
Le 19 juillet 1942, Malka Testyler et ses deux filles sont transportées en bus jusqu’à la gare d’Austerlitz, elles montent dans un wagon à bestiaux fermé avec une lucarne et deux bidons, des femmes se battent pour l’air, pour l’eau jusqu’à ce que la mère d’Arlette rétablisse un certain ordre. Celle-ci a aussi l’idée de donner des nouvelles à des voisins bijoutiers, en jetant un petit mot, enroulé dans un billet, attaché par une mèche de cheveux d’Arlette. Elle rappelle, à plusieurs reprises, qu’il y a eu des Justes, des anonymes qui ont sauvé des vies de personnes juives ou fait preuve d’humanité. Elle dit aussi l’existence d’organisations juives de secours aux enfants, qui se chargeaient de les cacher (OSE, colonie scolaire...).

Internement
A Beaune-la-Rolande, les femmes et les enfants arrivent dans des baraques vidées de leurs internés déportés, elles sont relativement propres, quelques loisirs y sont organisés, elle évoque cependant l’épisode où sa mère voulant laver ses filles dans une bassine d’eau qu’elle faisait tiédir au soleil, vit le récipient renversé d’un coup de pied par un gendarme. Puis comme sa mère, servant d’interprète, avait fait valoir (avec son Ausweis) qu’elle avait travaillé pour l’armée allemande dans un atelier de fourrure et qu’elle disposait de machines « cachées » qui pourraient être « utiles », elle obtient qu’elles soient renvoyées à Paris, et comme elles n’ont pas d’escorte militaire, elles s’échappent du train, arrivent chez une amie, Pauline Pint, mère de la petite Lili, et par son intermédiaire, partent se cacher en Touraine.

Enfant cachée
Arlette Testyler devient, ainsi que sa soeur, une enfant cachée par un couple, Jean et Jeanne Philippeau, une famille très pauvre, lui est savetier, elle s’occupe des cinq enfants qu’ils hébergent (dont quatre enfants juifs), et les prennent en affection. Les problèmes sont multiples : se ravitailler, ne pas se faire repérer, il faut cacher son nom, d’autant que l’armée allemande occupe un bâtiment juste en face de la maison de Vendôme, fréquenter le patronage. Leur mère loue ses services de cuisinière « alsacienne » ou de couturière dans les fermes. Elles apprendront que le curé de la paroisse a été dénoncé mais elles échapperont à l’arrestation, après avoir vécu la fin de l’occupation dans des champignonnières.

Charles Testyler
Juif polonais, il a été enfermé dans le ghetto de Slawkow, à l’âge de 12 ans et demi. Entre 1942 et le 8 mai 1945, il a été interné dans 7 camps de travail : Blechhammer en Haute Silésie qui sera rattaché à Auschwitz III, puis à Brandhofen en Basse Silésie, à Brünnlitz (Zwittau) où l’usine de Schindler a déménagé, dans les Sudètes, en Tchécoslovaquie occupée, puis, à Langenbielau, à Görlitz, à Faulbrück et à Reichenbach, en Basse Silésie, des sous-camps de Gross-Rosen. (N.M.)

Carte des camps et sous camps de Gross-Rosen :
http://memorial-wlc.recette.lbn.fr/article.php?lang=fr&ModuleId=202
http://www.ushmm.org/wlc/media_nm.php?lang=fr&ModuleId=202&MediaId=854

Arlette et Charles Testyler ont écrit, avec François Fouquet, leurs histoires croisées, vécues en France et en Pologne occupées sous le titre «  Les enfants aussi ».
TESTYLER Arlette et Charles, Les enfants aussi ! , Editions Delattre, 2010, 256 p.
http://fouquetsouvenirs.free.fr/Testyler.html
Les enfants aussi ! Témoignages d’Arlette et Charles Testyler
Carte des camps d’internement en France :
http://pagesperso-orange.fr/d-d.natanson/carte_des_camps_en_France.htm
Le Centre de recherche et de documentation sur les camps d’internement et la déportation juive dans le Loiret (CERCIL)
http://www.cercil.fr/

Marie-Paule Hervieu, janvier 2010.

voir Le Café pédagogique, Enseigner la Shoah :
http://www.cafepedagogique.net/lesdossiers/Pages/Shoah2010.aspx

Dans le cadre des « Mardis du Cercil »
Le 11 octobre 2011 à 18h, Les grands témoins du Cercil
Rencontre avec Arlette et Charles Testyler
« Les enfants aussi »

N.M.


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