Cercle d’étude de la Déportation et de la Shoah

Les sanglots longs des violons de la mort, Violette Jacquet

Violette Jacquet, Yves Pinguilly et Marcelino Truong et l’orchestre de femmes à Auschwitz
vendredi 20 juin 2008

Par Isabelle Choko, déportée et témoin et par Marie-Paule Hervieu, professeure d’histoire

JACQUET Violette, PINGUILLY Yves et TRUONG Marcelino, Les sanglots longs des violons de la mort. Avoir 18 ans à Auschwitz, Paris, collection Cadet éditée par Oskar Jeunesse, un livre illustré de 38 p.

1 - Par Isabelle Choko, déportée et témoin

Ce récit est une musique. Tous les événements correspondent à des sons.
Il ne ressemble à aucun témoignage classique et son originalité est remarquable.
Je l’ai lu comme on écoute un concert. Un concert unique où chaque son correspond à une tragédie, à un drame.
A la fin, malgré la présence d’une chanson de Charles Trenet, reprise comme au début du livre, la lumière, les sons ne résonnent plus de la même manière. Ils se sont perdus quelque part dans l’abîme.
Violette n’est plus la même non plus, malgré le ciel bleu et la musique.

2 - Par Marie-Paule Hervieu, professeure d’histoire

Violette Jacquet a été beaucoup filmée et enregistrée (par l’Union des Déportés d’Auschwitz, par Claudine Drame, dans l’Album d’Auschwitz d’Alain Jaubert...) mais pour la première fois, avec la collaboration d’Yves Pinguilly, elle publie dans la collection Cadet éditée par Oskar Jeunesse, un livre illustré de 38 pages intitulé « Les sanglots longs des violons de la mort », sous-titré « Avoir 18 ans à Auschwitz ».

Née en Roumanie, mais de langue hongroise, elle est la fille unique de Rosalie et Antoine Silberstein, artisan tailleur dans le quartier havrais du Rond-point et une adolescente heureuse de sa vie de lycéenne, aidant ses parents et apprenant le violon.

Les Silberstein sont une famille juive hongroise, naturalisée française en 1938, non pratiquante, très intégrée, sans expérience de l’antisémitisme avant les débuts de l’occupation militaire allemande. Elle écrit, page 8 : « L’école de la République avait fait de moi une vraie française, une vraie normande même ».

C’est avec le recensement et les mesures de discrimination et de spoliation que Violette Silberstein prend conscience de « la grande traque des Juifs » : le magasin de son père est d’abord désigné comme « entreprise juive » puis vendu de façon fictive, ce qui permettra à la jeune rescapée d’Auschwitz de le récupérer.
Mais à partir de 1942, les Silberstein doivent tenter de se mettre à l’abri, aller à Paris puis à Lille, alors sous contrôle des autorités militaires allemandes de Bruxelles. C’est à ce moment que commence la double originalité de la vie de Violette Jacquet.

D’abord elle est arrêtée, sur dénonciation, avec ses parents, à leur domicile. Ensemble, ils sont emprisonnés à Lille, puis à Bruxelles avant d’être déportés de Malines à Auschwitz par le 21ème convoi le 31 juillet 1943. Ses deux parents, dont sa mère âgée de moins de quarante ans, sont envoyés immédiatement à la chambre à gaz, elle reste seule, avec ses amies, et devient le numéro 51937. Mais elle a une chance, celle d’être choisie par Alma Rosé, chef de l’orchestre des femmes pour devenir 3ème violon. Elle écrit, page 28, « cela voulait dire que chaque jour je mangerais un peu plus que toutes les autres prisonnières d’Auschwitz, que j’aurais assez de soupe pour faire taire mon estomac affamé une heure ou deux. Surtout, on ne me volerait pas sur ma ration de pain, ce que faisaient les chefs des Blocks ordinaires... et puis, je pourrais prendre chaque jour, une douche, et de ce fait éviter certainement quelques-uns des poux ». Elle précise aussi que l’orchestre jouait devant les SS, hiérarchie militaire et soldats, au départ et à l’arrivée des Kommandos de travail, mais jamais pour accompagner les déportés à la chambre à gaz ni pendant les sélections.

Violette Jacquet a écrit un texte pudique et émouvant, dans une langue poétique et colorée. Elle donne à lire et à voir, par de sobres illustrations de Marcelino Truong, des photos et des documents historiques, ce que fut son destin de musicienne qui pense encore que « les mots étaient incapables de dire les souffrances incommensurables subies par des millions d’hommes, de femmes et d’enfants ».

Évacuée d’Auschwitz, libérée par les Anglais à Bergen-Belsen, elle a retrouvé une vie familiale à Paris et en Normandie.
Elle témoigne auprès des jeunes, en particulier des enfants de 8 à 12 ans auxquels elle a choisi de s’adresser ou des adultes. L’on ne peut qu’être touché(e) par l’authenticité et la force de vie de ce témoignage, il est à recommander.
Article paru in Après Auschwitz, N°299, octobre 2006.

Violette Jacquet-Silberstein

JACQUET (Violette), PINGUILLY (Yves) et TRUONG (Marcelino), Les sanglots longs des violons de la mort. Avoir 18 ans à Auschwitz, Paris, collection Cadet éditée par Oskar Jeunesse, un livre illustré de 38 p.

La chaconne d’Auschwitz ( Bach in Auschwitz) de Michel Daeron, 1999, 104 min

Autres femmes de l’orchestre  :
Alma Rosé
Richard Newman, Karen Kirtley : Alma Rosé. Wien 1906 – Auschwitz 1944. Mit einem Vorwort von Anita Lasker-Wallfisch. Weidle. Bonn 2003
Anita Lasker-Wallfisch, La vérité en héritage. La violoncelliste d’Auschwitz, Albin Michel, 1998
http://hmd.org.uk/sites/default/files/files/stories/survivor_stories_anita_lasker_wallfisch_1.pdf
Musik in den Adern. Die Familie Wallfisch, Mark Kidel, 2010
https://twitter.com/twitter/statuses/960937919056957441

Sylvia Wagenberg joue de la flute avec sa soeur Carla
http://www.inge-franken.de/fehrbelliner92/sylvia

Fania Fénelon, Marcelle Routier, Sursis pour l’orchestre, Stock, 1976
L’orchestre de femmes
Sursis pour l’orchestre, film d’après la pièce d’Arthur Miller


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