Cercle d’étude de la Déportation et de la Shoah

Famille WAJCMAN, convoi 76

mercredi 1er décembre 2021

Robert Wajcman, un jeune adolescent de 14 ans et sa mère, Jeannette, âgée de 35 ans.

Ils sont tous les deux survivants.

Jeannette Himmelfarb est née à Paris le 8 octobre 1909. Elle était donc Française. Son père était arrivé en France au début du siècle. Il fuyait la Pologne où il était recherché pour avoir participé à la révolution de 1905 en Pologne (en résonance avec la révolution russe). Il s’est installé dans le faubourg Saint-Antoine où il était ébéniste.

En 1929, Jeannette Himmelfarb se marie avec Maurice Wajcman, originaire de Pologne et récemment immigré. Ils partent habiter à Saint-Ouen où Maurice est brocanteur. Ils ont deux enfants, Robert, né le 8 mai 1930 et Jacques, né en 1934. En 1940, la famille Wajcman connaît, comme beaucoup de familles françaises, l’exode, puis le retour à Paris. Les lois antisémites, l’obligation du port de l’étoile jaune, puis, en 1942, les premières rafles de Juifs étrangers avec femmes et enfants inquiètent la famille. Le père de Robert se réfugie à Bordeaux chez un ancien client. La famille suit fin 1942. Ils s’installent dans le village de Masseret, en Corrèze, à 30 kilomètres de Limoges. Ils sont mêlés à une population de réfugiés lorrains. Ils partagent la vie paysanne et ne souffrent pas des privations que connaît alors la population des villes. En mai 1944, lorsque le maire annonce l’arrivée d’une colonne allemande, la famille s’enfuit. D’abord à Limoges, puis à Lyon. Le 24 mai, Robert et son père se rendent à la gare avec leurs valises. La Gestapo les remarque à un arrêt de bus. Après contrôle de leurs (faux) papiers, ils les arrêtent et les conduisent immédiatement au siège de la Gestapo, boulevard Berthelot. La mère de Robert est arrêtée à son tour. Elle a le temps de cacher le jeune Jacques chez une voisine. Robert et ses parents sont internés à la prison Montluc. Les hommes sont entassés dans « la baraque aux juifs infestée de poux, de puces et de punaises ». On y prélève tous les otages. C’est le cas du père de Robert, fusillé au début du mois de juin. Robert, âgé de 14 ans est révolté. Il est alors pris en charge par deux jeunes résistants, de dix ans ses aînés, Roger Klimovitsky et Henri Kirszenstein. Ce « groupe des Lyonnais » restera soudé par cette première détention douloureuse.

Photographie de Robert Wajcman réalisée à Limoges en 1944. Robert a 13 ans
Fonds privé

Le 21 juin, ils arrivent au camp de Drancy. Ils espèrent encore, « Les Alliés bombardent les voies ferrées, les convois ne pourront pas passer ». Mais Le 30 juin, ils sont conduits à la gare de Bobigny avec 1153 internés destinés à être déportés vers le centre de mise à mort d’Auschwitz-Birkenau. C’est le 76ème convoi de déportés juifs parti de Drancy.

Voyage indescriptible, sous une chaleur torride, en ce début d’été. Robert et sa mère restent ensemble avec la famille de Claude Hirsch, un jeune adolescent de l’âge de Robert. Le 4 juillet, le convoi entre à l’intérieur du camp de Birkenau sur la « rampe d’Auschwitz » où a lieu la sélection. Malgré son âge, Robert entre au camp de Monowitz, où est installée l’usine surnommée « Buna », d’IG Farben-Industrie destinée à fabriquer du caoutchouc synthétique. Il devient le déporté A-16909. Trop jeune pour qu’on lui reconnaisse une spécialité professionnelle, il est affecté à des travaux de terrassement et creuse des tranchées. Il était le seul « môme »du Kommando. Il suit aussi de vagues cours dans une école de maçons destinée aux plus jeunes. « Climaud » ( Roger Klimovitsky) confie Robert au professeur Waitz, médecin déporté, à l’hôpital de Monowitz. Les séjours qu’il fait à l’hôpital permettent à Robert de survivre.
Jeannette Wajcman entre au camp de femmes de Birkenau, numéro matricule A-8717. Elle pousse des wagonnets chargés de pierres, reçoit des coups, se rebelle, mais survit jusqu’à ce qu’elle quitte le camp de Birkenau le 15 novembre dans un « transport » de femmes pour Ravensbrück.

Robert, lui, est évacué dans la nuit du 18 au 19 janvier 1945 jusqu’au camp de Gleiwitz, l’un des Kommandos du camp d’Auschwitz. Il réussit à faire cette marche de 60 kilomètres sous la neige, par un froid terrible et un vent glacial. Un ou deux jours plus tard, il est dirigé vers le camp de Buchenwald dans des « wagons découverts » (qui servaient habituellement au transport du charbon). Après 6 jours de transport dans un froid glacial, sans nourriture, le convoi entre le 26 janvier au camp de Buchenwald. Robert reste très peu de temps au « Petit camp » surpeuplé. Le professeur Waitz le fait affecter rapidement au « Grand camp » où il travaille dans un Kommando « facile ». Il reprend des forces. Mais début avril, alors que les Alliés approchent, les Juifs ainsi que les prisonniers de guerre soviétiques sont raflés. Ils sont entassés à 100 par wagon, dans un convoi qui erre 28 jours entre les troupes anglo-américaines et les troupes russes pour échouer le 7 mai à Theresienstadt. Pour Robert la vie tient à un fil.

Rapatrié fin juin 1945, il doit rester 1 an allongé. Cependant il a la chance de retrouver sa mère qui a été libérée par les Russes au camp de Malchow en mai 1945 et rapatriée à la fin de ce même mois.

Robert Wajcman a intégré l’école Boulle pour devenir ébéniste. Mais les difficultés financières de la famille l’ont empêché de continuer. Il a donc travaillé dans le commerce de brocante de sa mère. Il s’est marié en 1960. Il a eu trois enfants, Fabien, Sylvie et Marielle. Il a aujourd’hui quatre petits-enfants et trois arrière-petits-enfants.

Il fait partie des nombreuses associations de déportés, UDA, Cercle d’étude de la Déportation et de la Shoah, Amicale de Buchenwald, Association des rescapés de Montluc. Depuis maintenant plusieurs années, il témoigne inlassablement dans les établissements scolaires pour faire entendre la voix des derniers témoins du génocide.

Entretiens avec Robert Wajcman (2008, 2021)

DAVCC : AC21P690622.

Chantal Dossin

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