Cercle d’étude de la Déportation et de la Shoah

Enseigner le génocide des juifs et des tsiganes

Exemple de démarche pédagogique
lundi 15 février 2021

L’étude des génocides est à nos yeux essentielle, sur le plan historique, sur le plan civique, sur le plan philosophique. L’étude de la Déportation et de la Shoah a un intérêt universel.

Fiche pédagogique

Enseigner le génocide des juifs et des tsiganes dans le cadre des programmes

La formulation pour les CM2 est : ‘’On aborde [1] le génocide des Juifs ainsi que les persécutions à l’encontre d’autres populations.’’ Le terme « aborder » soulève la question récurrente du temps qu’i faut consacrer à un thème au sein de l’immensité des programmes et donc des choix d’activités relevant de la liberté pédagogique.

Dans les programmes de 3ème,https://cache.media.eduscol.education.fr/file/college/13/9/01_RESS_COLL_3_HIST_Partie1_309139.pdf, il est précisé : « On cherchera de manière prioritaire à faire comprendre à l’élève comment les génocides (arménien, juif et tsigane) ont pu se produire, en les replaçant dans un temps plus long que les deux conflits mondiaux et dans leurs contextes respectifs. »

Pour les Terminales des lycée général et technique spe243_annexe1_1159172.pdf (education.gouv.fr) il est prévu un bloc de 15h maximum, titré « Fragilités des démocraties, totalitarismes et Seconde Guerre mondiale (1929-1945) » comportant trois sous-ensembles dont le chapitre 3 « La Seconde Guerre mondiale » -soit environ 5h d’enseignement en classe ! Pour ce thème il est indiqué entre autres : « On peut mettre en avant : - un conflit mondial : protagonistes, phases de la guerre et théâtres d’opération ; - crimes de guerre, violences et crimes de masse, Shoah, génocide des Tsiganes ; - la France dans la guerre : occupation, collaboration, régime de Vichy, Résistance. » Autant dire que sauf volonté particulière de l’enseignant, la question des génocides des juifs et des tsiganes ne sera que « survolée » et ne laissera aucun souvenir particulier à la plupart des élèves.

Pour les Terminales des lycées technologiques spe243_annexe2_1159174.pdf (education.gouv.fr), c’est un bloc de 9h que l’on trouve : « On peut mettre en avant les crimes de guerre, violences et crimes de masse, les génocides des Juifs et des Tsiganes » ; proposition reprise dans « un sujet d’étude au choix : - La Guerre d’anéantissement à l’Est et le génocide des Juifs. » Ce sujet d’étude « montre comment l’évolution de la guerre à l’Est accélère la mise en œuvre du génocide des Juifs et en modifie les formes. »

Il me faut dès maintenant rappeler l’absolue nécessité de connaître les enjeux masqués par chaque choix des mots, leur orthographe, l’utilisation ou non de majuscules … La Shoah en CM2 : « L’extermination des juifs et des tsiganes », les notions et conseils -

Si on applique strictement les programmes, l’étude des génocides ne sera qu’esquissée. Pourtant elle est à nos yeux essentielle, sur le plan historique, sur le plan civique, sur le plan philosophique d’autant qu’elle est hélas encore d’actualité : cette étude contribue à la compréhension des valeurs humanistes, s’appuyant sur la certitude que notre planète abrite une seule humanité au sein de laquelle chaque personne doit avoir accès aux mêmes droits et devoirs, protections et défenses. Elle permet aussi de réfléchir à ce qui transforme un individu en bourreau.

  • B. Les choix possibles, nécessaires des enseignants
    Même si les programmes ne nous y obligent pas, il nous parait indispensable de consacrer quelques heures à des démarches consacrées aux génocides des juifs et des tsiganes (heures dont une partie peut être puisée en EMC L’enseignement moral et civique (EMC) au Bulletin officiel spécial du 25 juin 2015 qui aborde « Le droit et la règle : des principes pour vivre avec les autres ; Le jugement : penser par soi-même et avec les autres ; L’engagement : agir individuellement et collectivement »). Ces démarches ont non seulement un objectif de connaissances purement historiques mais participent à la construction du parcours citoyen. La préparation au CNRD quand le sujet est spécifiquement consacré à la déportation est aussi une occasion d’approfondissement personnel pour les élèves volontaires.

Chaque enseignant est amené à présenter aux élèves de sa classe dans un premier temps le contexte général : chronologie, cartes, mots-clés, figures historiques-clés, chiffres-clés.

L’appropriation des connaissances sur les génocides sera ensuite d’autant plus aisée qu’elle s’appuiera sur des démarches personnelles utilisant les ressources locales (recommandation pour le cycle 3 mais valable pour des élèves plus grands) : empreintes dans le paysage (plaques, noms de rues ou de bâtiments, cimetières et monuments aux morts …) ; cérémonies, commémorations annuelles ; archives publiques (municipales, départementales) ou personnelles. L’analyse de témoignages oraux ou écrits permet de comprendre un évènement tel qu’il a été vécu. Notre site, mais aussi de nombreux autres, offrent des ressources en ligne multiples.

  • C. Exemple de démarche pédagogique

 1. Quel que soit le niveau, il semble indispensable de commencer par une technique de groupe [2] afin de cerner quelles sont les connaissances, apriori, voire erreurs que les élèves de la classe ont dans leurs têtes à ce moment ‘’T’’ :
Ex photolangage

  • Un élève tiré au sort est « président.e de séance » ; il rappelle le cadre d’un débat, les règles de prises de parole.
  • Deux ou trois élèves, toujours tirés au sort, sont secrétaires : ils notent sur un tableau les notions importantes dites par les autres élèves.
  • Le/la président.e, aidé.e par le professeur, sélectionne en fin de séance la liste de mots-clés, thèmes, questions émergeant de l’échange (en utilisant le vocabulaire adapté à l’âge des élèves). Quelles que soient les formulations, les thèmes à développer doivent être ceux-ci :
  • Pourquoi les juifs, les tsiganes – et si l’enseignant élargit à l’ensemble du XXème siècle, les Arméniens, les Tutsis ?
  • Quelles ont été les étapes des persécutions ?
  • Qu’est-ce qu’un génocide ?

 2. L’enseignant.e lance alors un travail de recherche par groupes de 2 à 4 élèves, s’appuyant le plus possible sur les ressources locales. Chaque groupe a un sujet précis à traiter.

Il est évident, comme le rappelle le programme de troisième, qu’il est particulièrement efficace d’entreprendre une démarche pluridisciplinaire : « L’étude des modes de propagande peut à la fois contribuer au parcours citoyen, ainsi qu’au parcours d’éducation artistique et culturelle (PEAC). EPI possibles : • avec les Arts plastiques : art, communication politique et propagande (analyser et décoder une affiche) ; • avec les Langues vivantes : la guerre vue d’ailleurs… » . J’ajouterais que les collègues enseignant le français/la littérature peuvent proposer des œuvres adaptées à lire intégralement ou dont l’enseignant aura choisi des extraits.

Dans le programme de 3ème, mais cela est vrai pour tous les niveaux, il est rappelé que ce thème permet de travailler différentes compétences, notamment : « pratiquer différents langages » et « s’informer dans le monde du numérique … Sur les deux conflits mondiaux ainsi que sur les différents génocides, il existe nombre de ressources internet permettant d’aborder ces questions par divers biais : le témoignage, les parcours personnels, la mémoire, la photographie, les archives, etc. Il s’agira déjà, pour les élèves, d’utiliser les ressources numériques offertes par ces sites, éventuellement de réaliser des productions (comme des diaporamas) à partir d’elles, mais aussi de distinguer les divers niveaux de langage et d’analyse ainsi que les divers points de vue, ce qui relève de la compétence ‘’ analyser et comprendre un document’’ ».

 3. La restitution est faite oralement par chaque porte-parole des différents groupes devant l’ensemble de la classe + sous forme d’une fiche-leçon à coller après les prises de notes et présentant « ce que je dois retenir ».

Suggestions de sujets pour les différents groupes afin de cerner le thème ‘’le génocide des juifs et des tsiganes – 1933-1945’’ :

  • Pour les enfants de CM2, la présentation de quelques biographies de témoins ayant subi en France la ségrégation, l’exclusion, la déportation, suivant un même schéma permettra de cerner une partie des réalités historiques : - origines familiales, sociales, géographiques - les premiers formes d’hostilité ressenties - décisions des autorités menant à l’exclusion, aux violences subies - ce qui a permis la survie du témoin alors que tant d’autres ont disparu
    Il faut choisir des personnes représentant des groupes particuliers et permettant d’avoir une vision nuancée telles que : -un juif résistant ; - un.e enfant juif.juive ; -un ‘’tsigane’’ … Si localement, il n’y a aucune source permettant une telle recherche, notre site fournit neuf témoignages à télécharger 9 Témoignages d’internés et de déportés juifs à télécharger
    et de très nombreuses biographies : Cercle d’étude de la Déportation et de la Shoah : Témoignages ;
    Les tsiganes ->https://www.cercleshoah.org/spip.php?page=recherche&recherche=+Les+tsiganes]
  • En collège et lycée, il faudra élargir les exemples et penser à présenter des personnalités hors de France, polonaises, belges, néerlandaises, italiennes ...
    Pour des élèves de collèges et de lycées, on doit aussi provoquer une réflexion plus complexe, en élargissant le questionnement aux thèmes suivants :
     le rôle des autorités locales et celui des autorités occupantes
     des lois de Nuremberg à la Solution finale
     les Justes
     résister aux politiques d’exclusion, d’extermination

Là encore, si les ressources locales ne sont pas satisfaisantes, notre site a fréquemment abordé ces thèmes.
Ressources pédagogiques

De nombreux sujets du CNRD développés sur notre site Cercle d’étude de la Déportation et de la Shoah : CNRD peuvent aider les enseignants à formuler les sujets de recherche et permettre aux élèves de trouver des réponses adaptées.

Martine Giboureau ; Février 2021