Cercle d’étude de la Déportation et de la Shoah

Beate et Serge Klarsfeld, Un combat contre l’oubli, une BD

Pascal Bresson et Sylvain Dorange
jeudi 21 janvier 2021

Différents combats menés conjointement par les époux Klarsfeld, en BD.

Pascal Bresson et Sylvain Dorange, Beate et Serge Klarsfeld Un combat contre l’oubli, La Boîte à Bulles, 2020

BD Les Klarsfeld

Beate : « Sachez, chère amie, que c’est avec la même conscience professionnelle que j’ai lavé le linge sale de ma famille... Et celui de mon pays l’Allemagne ! »

Serge : « Et que je ne suis pas seulement un chasseur de nazis : je suis surtout un chercheur des âmes juives disparues dans la Shoah... »

Beate : « N’oubliez pas ! Celui qui combat peut perdre... Mais celui qui ne combat pas a déjà perdu... »

C’est sur ces messages, adressés à une jeune journaliste venue les interviewer en mars 2020, que se termine cette bande dessinée, « biographie graphique » du couple adaptée de leurs Mémoires.

L’ouvrage se structure en grandes plages chronologiques correspondant à différents combats menés conjointement par les époux Klarsfeld :

  • Les années 1960, années de leur rencontre et de leur mariage en 1963, consacrées d’abord à la dénonciation du chancelier Kiesinger comme ancien nazi et durant lesquelles, en tant qu’Allemande, Beate est en première ligne et prend beaucoup de risques. Les premières planches de la BD montrent Beate arrivant le 7 novembre 1968 au Palais des Congrès de Berlin où elle va réussir à gifler le chancelier en plein congrès de la CDU.
  • Les années 1970 sont marquées par la traque de responsables nazis comme Hagen, Heinrichsohn et Lischka qui vivaient paisiblement en RFA. C’est aussi le début de la traque de Klaus Barbie, devenu citoyen bolivien sous le nom de Klaus Altmann.
  • Les années 1980-1990 voient le couple mener le combat pour faire expulser, inculper et juger les responsables de la Shoah en France avec, bien sûr, de très nombreuses planches consacrées aux différentes péripéties, dignes d’un roman d’espionnage, permettant « l’extradition » de Klaus Barbie de Bolivie et la tenue de son procès à Lyon de mai à juillet 1987. Régis Debray y apparaît comme un acteur majeur du succès de cette traque contre « le bourreau de Lyon » et le responsable de la déportation des enfants d’Izieu.
  • Enfin les années 2000 y sont présentées comme l’aboutissement de leurs recherches avec la tenue du procès de Maurice Papon en 2002 et la condamnation d’Alois Brunner par contumace.

Serge Klarsfeld présente aussi à la jeune journaliste, venue les interviewer en 2020, l’ouvrage «  qui pèse 7 kilos que nous avons publié en 1978, Le Mémorial de la Déportation des Juifs de France  », réédité en 2012 et enrichi avec Le Mémorial des enfants juifs déportés de France.

Le dessinateur Sylvain Dorange a pris le parti d’utiliser des couleurs sombres, en particulier un dégradé de couleur brune, très certainement en référence à la « chasse aux nazis » qui guide la vie du couple Klarsfeld. Le scénariste, quant à lui, a décidé le plus souvent de privilégier les retours en arrière, évitant ainsi un récit trop linéaire. Tous les deux mettent aussi en scène les menaces de mort et les tentatives d’assassinat qu’ont dû affronter Beate et Serge. De nombreuses planches sont aussi consacrées à leur vie de famille avec leur fils Arno né en 1965 et la petite Lida née en 1973.

Dans la préface, Serge Klarsfeld confie que Beate et lui-même se sont « reconnus dans les personnages de Sylvain Dorange et dans les décors qu’ils traversent ». En ce qui me concerne, la seule réserve viendrait justement du personnage représentant Beate peu conforme à son apparence réelle sur les photos de la fin du volume.

En conclusion, cette longue « BD biographique » se lit très aisément et doit être vivement recommandée aux collégiens-lycéens et à leurs professeurs d’Histoire.

Laissons la parole pour finir à Serge Klarsfeld qui achève ainsi sa préface :
«  Nous voici donc dans une BD historique que nos petits-enfants parcourront page par page avant de lire nos mémoires et de se dire que si Papi et Omi n’étaient pas Superman et Superwoman, ils ont fait quand même un sacré boulot. »

Pascal Bresson et Sylvain Dorange, Beate et Serge Klarsfeld, Un combat contre l’oubli, La Boîte à Bulles, Avec le soutien de la Fondation pour la Mémoire de la Shoah et du Mémorial de la Shoah, 2020, 198 pages et un album photos.

Jacqueline Duhem

Beate et Serge Klarsfeld
Photo Dominique Dufourmantelle

27 janvier 2021, jardin des enfants du Vél’ d’hiv’

L’ambassadeur d’Allemagne, Beate et Serge Klarsfeld
Photo Marilou Tremil