Cercle d’étude de la Déportation et de la Shoah

Markkleeberg-Wolfswinkel, camp annexe de Buchenwald

Camp pour femmes juives hongroises et résistantes françaises, au sud de Leipzig
lundi 25 mai 2020

L’histoire oubliée du camp de Markkleeberg, camp de travail forcé pour des détenues hongroises et des résistantes françaises, dont Jacqueline Fleury.

Plaque à la mémoire des victimes du camp de travail forcé pour femmes de Markkleeberg, camp annexe du KZ-Buchenwald du 31 août 1944 au 13 avril 1945, pour plus de 1000 femmes juives de Hongrie et 250 résistantes françaises.
Âgées de 15 à 30 ans, elles travaillaient dans des conditions inhumaines pour l’industrie allemande de l’armement, elles fabriquaient des pièces pour l’aviation, pour les usines Junkers Flugzeug- und Motorenwerke AG, destinées à la Luftwaffe.
Plaque inaugurée en 1998 avec un texte écrit par Jacqueline Fleury (Défense de la France) [1].
La plaque, apposée du temps de la RDA, qui ne faisait allusion qu’aux antifascjstes, a été retirée.
Cliquer sur l’image pour lire la plaque en allemand.

Plaque à Markkleeberg photo U. Schmoll, mai 2020

Histoire

La construction du camp à Markkleeberg, Equipagenweg, a commencé le 4 octobre 1943, par sept baraques en bois pour des travailleurs forcés de l’est pour les usines d’aviation Junkers. Elles ont été bombardées et détruites en partie le 20 février 1944. Junkers Motorenwerke AG de Dessau a repris l’emplacement avec des baraques en dur, pour y faire travailler des femmes dans le KZ-Außenlager, camp annexe de Buchenwald.

Markkleeberg, {Barackenlager} Am Wolfswinkel / Equipagenweg 21-23, photo US

Les prisonnières étaient utilisées pour la finition de pièces d’avions, dans une ancienne filature de laine. Une autre partie des prisonnières devait casser de la roche dans une fosse profonde et ramener les pierres broyées dans une autre partie du camp. Suite à une suspicion de sabotage à l’usine BMW d’Abteroda, des détenues résistantes françaises venant de Torgau, accusées d’actes de sabotage ou de freiner la production, sont transférées à Markkleeberg le 26 février 1945 pour y faire des travaux très durs. En effet, le directeur de l’usine n’était pas satisfait du travail des Françaises. Après une inspection par la SS, elles ont été envoyées en deux transports, dans le camp de représailles de Markkleeberg.
Une quarantaine de femmes prenaient le train chaque jour sous la surveillance de membres de la SS pour aller travailler dans une ancienne écurie de la brasserie, pour Junkers à Zwenkau.
https://versteckte-geschichte-markkleeberg.de/themen/aussenlager-des-kz-buchenwald

Baraque, photo US

Plan du camp :
https://versteckte-geschichte-markkleeberg.de/data/uploads/themen/aussenlager-kz-buchenwald/anlagen/lagerplan-2.jpg

Celles qui ne pouvaient plus travailler étaient envoyées vers la mort à Auschwitz, et plus tard, à Bergen-Belsen.
Devant l’avance des Alliés, le 13 avril 1945, 1539 travailleuses forcées sont lancées dans des Marches de la mort vers Theresienstadt. Beaucoup décèdent en route, d’épuisement ou abattues. Quelques femmes dont des Françaises parviennent à s’évader. 703 arrivent à Theresienstadt.

Chaque 27 janvier une cérémonie de commémoration a lieu.
Une marche de nuit de 8 km et demi vers Stoetteritz a été organisée cette année 2020, pour rappeler la Marche de la mort, avec des chants et de la musique.
https://www.ortsblatt-leipzig.de/schneeblumen-gedenkweg-von-markkleeberg-nach-stoetteritz/

Jacqueline Fleury, résistante

Née en 1923, survivante des camps annexes de Ravensbrück et de Buchenwald, présidente de l’Association Nationale des Anciennes Déportées et Internées de la Résistance (ADIR), Jacqueline Fleury, déportée pour fait de résistance, a été jetée dans des wagons à bestiaux en partance pour Ravensbrück, et trois autres camps de concentration de travail pour Heeresmuna à Torgau, puis BMW à Abteroda et enfin pour Junkers à Markkleeberg.

Jacqueline Fleury-Marié et Jérôme Cordelier, Résistante, Calman-Lévy, 2019.

  • La marche de la mort de Jacqueline Fleury en « Suisse saxonne », en direction de l’Elbe d’après son témoignage de 1998 et 2017.
    Le 13 avril 1945, 259 Françaises et environ 1300 juives hongroises évacuent le camp de Markkleeberg, encadrées par des SS.
    « Sous le feu des bombardements nos gardes ont peur. Nous devons tirer une charrette avec des malades et les affaires des gardes. Nous arrivons à 30 km de Leipzig. Après Wurzen, Oschatz, Stauchitz, Meißen, nous sommes complètement trempées, transies de froid, on longe l’Elbe, à Niederau, on entend le canon. Nous arrivons près de Dresde bombardée. À Freital le 21 avril, Maman et moi, nous décidons de quitter cet enfer. Des prisonniers anglais nous ont donné du pain. Pirna. 28 avril. Nous avons réussi à nous évader, au niveau de la frontière tchèque. Des prisonniers de guerre français nous ont retrouvées dans une carrière le 9 mai 1945, ils nous ont cachées des Soviétiques, et prévenu des officiers » à la forteresse de Königstein, un Oflag où étaient internés des officiers prisonniers de guerre français, (dont le général Giraud qui s’est évadé de cette forteresse).
    Elles sont évacuées vers la zone américaine, vers Lembach, puis Iéna, et de là, en wagons à bestiaux, elles sont renvoyées en France. Elles arrivent à l’Hôtel Lutetia dans la nuit du 30 au 31 mai 1945.

https://www.lechorepublicain.fr/rambouillet-78120/actualites/alors-que-sort-le-livre-le-proces-de-ravensbruck-une-versaillaise-rescapee-du-camp-temoigne_12239703/
https://asso-buchenwald-dora.com/jacqueline-fleury-nee-en-1923/
« Jacqueline Fleury » dans Marie RAMEAU, Des femmes en résistance : 1939-1945, Paris, éd. Autrement, 2008

https://www.fondationresistance.org/documents/lettre/LettreResistance101.pdf

L’engagement des femmes dans la Résistance : témoignage au Sénat septembre 2020
http://www.senat.fr/

Autres témoignages

  • Sept infirmières de la grotte de Luire dans le Vercors sont épargnées et déportées. Parmi elles, Rosine Crémieux, punie pour avoir refusé de travailler, est transférée en octobre 1944 au kommando d’Abteroda dans une usine BMW de moteurs d’aviation « j’étais tourneuse-fraiseuse de têtes de bielle, initiée par un travailleur français. Très vite j’appris, comme beaucoup de mes compagnes, à légèrement fausser les pièces… » Ses sabotages lui valent d’être envoyée en mars 1945 à Markkleeberg, un camp de représailles.
    http://museedelaresistanceenligne.org/media678-InfirmiA
    Rosine Crémieux, Pierre Sullivan, La Traine-Sauvage, Flammarion, 1999
  • Renée-Claude Bernet, Rescapée 57.961, Paris, R.J. Godet, 1946, 137 p., pl., ill.
    article de Raphaël Spina
    Récit 13 juillet 1944 - 16 mai 1945 : Fort Montluc, Ravensbrück, Torgau, Abteroda, kommando de terrassement à Markkleeberg, en Saxe, Leipzig.

Une Hongroise juive, Zahava Szász Stessel

Snow Flowers, 2009
  • Zahava, 14 ans arrive avec sa soeur 13 ans d’Auschwitz-Birkenau, à Markkleeberg en août 1944. Parmi ses souvenirs les plus désagréables, c’est d’être restée debout sur la place d’appel dans un froid glacial la nuit de la Saint Sylvestre pendant que le personnel du camp faisait la fête. Le travail est très dur, dans le froid, la faim, les coups. L’espoir de retrouver sa famille, sa foi dans l’humain, le souci de sa soeur malade, les compagnes du camp — sa famille, lui ont donné la force de survivre. Elles se soutenaient avec des chants, en s’aidant, par l’amitié. Elle raconte qu’Elsa a reçu une pomme d’un travailleur allemand. Elle l’a partagée en six. Elle était « ein Mensch », un être humain face à la bestialité nazie.
  • Zahava raconte l’arrivée des Françaises dans ce camp.
  • La marche de la mort, l’évasion
    Devant l’avance des Soviétiques, mortes de fatigue, les femmes ont dû le 13 avril 1945 se lancer sur les routes dans les Marches de la Mort. Les deux sœurs ont pu s’échapper et ainsi rester en vie. Zahava vit à New York.
  • Les élèves du lycée Rudolf-Hildebrand à Markkleeberg
    Zahava Szász STESSEL a écrit un livre en anglais qu’elle souhaitait voir traduit en allemand.




    Zahava Szász STESSEL, Snow Flowers : Hungarian Jewish Women in an Airplane Factory, Markkleeberg, Germany, Madison, NJ : Fairleigh Dickinson Univ. Press, 2009

Les élèves du lycée Rudolf-Hildebrand ont traduit son livre édité en anglais, en allemand :
Zahava Szász STESSEL, Snow Flowers. Ungarisch-jüdische Frauen in einer Flugzeugfabrik, Markkleeberg, Deutschland, Markkleeberg, 2013
Ainsi les habitants de Markkleeberg pourront prendre connaissance de cet épisode de l’histoire de leur ville.
Zahava Stessel ici ! lire des extraits






Schneeblumen, Zahava Szász Stessel, 2021

Nouvelle édition chez Hentrich und Hentrich :
Zahava Szász STESSEL, Schneeblumen, Überleben im KZ Buchenwald-Außenlager Markkleeberg, Hentrich und Hentrich Verlag, Berlin, Leipzig, 2021




Irmgard SEIDEL, « Markkleeberg », in : Wolfgang Benz/Barbara Distel (Hrsg.) : Der Ort des Terrors. Geschichte der nationalsozialistischen Konzentrationslager. Band 3 : Sachsenhausen, Buchenwald. C.H.Beck, 2006

http://www.markkleeberg.de/de/startseite/aktuelles/news/snow_flowers.html

Des idées de cours sur le national-socialisme à Markkleeberg :
https://versteckte-geschichte-markkleeberg.de/unterrichtsmaterial/

Lettres de Jacqueline Fleury et de Zahava Szász Stessel en allemand pour le 70 ème anniversaire de la Libération des camps : elles se sont rencontrées en juin 1998 pour l’inauguration de la plaque.
https://notenspur-leipzig.de/fileadmin/notenspur/content/pdf/Aktionen_nicht_regelmaessig/150413_Schneeblumengedenkweg_Lesetexte_und_verlauf.pdf

Zahava Szasz Stessel se souvient qu’après avoir travaillé dur dans les usines d’armement du camp, ils chantaient, écrivaient des poèmes, composaient et entonnaient les chants des fêtes juives afin de trouver la force de surmonter leurs terribles expériences. C’est pourquoi cette musique résonnera également avec celle des prisonniers français sur le chemin du souvenir.

NM et Ulrich Schmoll

https://de.wikipedia.org/wiki/KZ-Au%C3%9Fenlager_Markkleeberg

La Grande librairie avec Jacqueline Fleury
https://www.france.tv/france-5/la-grande-librairie/

[1Jacqueline Fleury-Marié, Hélène Viannay - « Défense de la France », journal de 5000 exemplaires qui passe à 450 000 à la fin de la guerre