Cercle d’étude de la Déportation et de la Shoah

Trois témoins inlassables, Fanny Ségal, Henri Wolff, Rosine Radzynski

lundi 13 juillet 2015

Trois témoins très chers au cœur de tous ceux pour lesquels ils ont témoigné au cours des voyages d’étude à Auschwitz, ou qui les ont reçus dans leurs classes.

Fanny Ségal

Fanny Segal. Photo MB

Fanny Ségal-Celgoh est née le 14 février 1925 à Paris, de parents juifs polonais immigrés. Bonne élève, elle obtient son certificat d’études mais se voit privée du prix de bonne camaraderie parce qu’elle est juive (1937). En 1939, son père est engagé volontaire ; la famille est évacuée dans le Maine-et-Loire et ne rentre à Paris qu’en octobre 1940. Une directrice antisémite l’empêche de reprendre l’école et elle devient « couturière salariée » dans une entreprise fabriquant des pantalons pour la marine de guerre allemande tandis que la boutique de son père est aryanisée.
Juillet 1942, la famille est arrêtée. Fanny et son frères sont libérés du Vél’d’hiv’ parce que Français (Fanny a été naturalisée en 1930). Ses parents déportés, elle assure la survie de la fratrie mais elle est dénoncée par un ancien professeur et arrêtée à nouveau avec son frère le 15 mai 1943.
Déportée le 25 juin 1943 à Birkenau, où elle devient le matricule 46571, avant d’être envoyée à Auschwitz I, elle survit à l’enfer concentrationnaire, puis, en janvier 1945, à la marche de la mort. Elle traverse Berlin en flammes, est transférée à Ravensbrück puis à Hambourg. Libérée, le 2 mai 1945, elle arrive à Paris le 21 : elle pèse 32 kg.
Seule de sa famille à être revenue de déportation, elle retrouve ses deux plus jeunes frère et sœur cachés dans le Maine-et-Loire.

Henri Wolff

Henri Wolff

Le 26 août 1942, comme 7000 autres juifs, Henri Wolff (16 ans) est arrêté avec sa mère, par la gendarmerie française, dans la Creuse.
Le 29 août 1942, départ de Drancy avec le convoi n°26, le voyage dure 3 jours et 3 nuits, une centaine d’enfants, de femmes et d’hommes, sont entassés avec lui dans un wagon à bestiaux.
18 morts et 957 vivants arrivent à Auschwitz, le 2 septembre 1942.
Dans Der Kalendarium, livre de la SS, on peut lire : convoi n° 26, 957 juifs, gazés : 918.
« Pour la première fois ce matin, j’ai regardé le fonctionnement de la chambre à gaz » écrit le docteur SS. Kramer. La mère d’Henri est parmi les victimes.

Henri survit dans l’enfer concentrationnaire et à la volonté nazie de faire disparaître tous les Juifs d’Europe. A Birkenau même, son matricule 62571 lui vaut une certaine respectabilité, celle qu’on accorde aux anciens qui ont réussi à vivre [1] .
C’est de Gross-Rosen, où il a été évacué, qu’il effectue une « marche de la mort » de 1200 km qui le conduit à Flossenbürg et à Dachau. Partis à 2006, il ne sont plus que 70 à l’arrivée.
Le camp a été un enfer. Le retour en France est un calvaire. Malade, déprimé, il connaît une difficile réintégration.

Bien des années plus tard, il est pour les professeurs, qu’il accompagne dans les voyages d’étude à Auschwitz, un témoin passionnant et chaleureux, persuadé que la réconciliation et la paix ne peuvent être fondées sur l’oubli.
http://memoirenet.pagesperso-orange.fr/articlecf09.html?id_article=180
Rosine Radzynski, résistante

Rosine née Rajzla Pytkiewicz, est arrivée à Paris, venant de Varsovie avec sa mère et ses frères, en 1925 ; elle n’avait pas cinq ans.
C’est en juillet 1940 que commence son engagement dans la résistance, au sein de groupes clandestins de la jeunesse communiste. Le 8 novembre 1940, elle participe à la manifestation de protestation contre l’arrestation du professeur Langevin ; et le 11 novembre à la marche sur les Champs-Elysées. Elle distribue des tracts et journaux clandestins.

Dénoncée, Rosine est arrêtée, ainsi que son frère, au domicile familial le 9 mai 1942. Elle est internée à la prison de la Santé et, chose peu fréquente, jugée le 29 mai 1942 par le tribunal de guerre allemand de Paris. Elle est condamnée à dix ans de travaux forcés pour « aide et intelligence avec l’ennemi ». Les hommes de son réseau sont fusillés.

Nacht und Nebel [2], elle quitte la gare de l’Est, le 21 juin 1942, transport en wagon cellulaire où elle ne peut ni s’asseoir ni s’allonger, sans eau et sans nourriture ! Elle est emprisonnée à Aurath (frontière germano-hollandaise), à Lübeck puis près de Breslau. Là, elle doit fabriquer pour la société Siemens des bobinages électriques de moteur pour bombes à retardement. Avec dix autres camarades, Belges et Françaises, elles refusent de faire ce travail, contraire aux conventions de Genève, ce qui leur vaut d’être enfermées, chacune dans un cachot, avec pain sec et eau, sans couverture. Après trois semaines, elles reviennent au Kommando, décidées à trouver une autre forme de résistance !

Le 28 janvier 1945, elle est évacuée et, au cours du transfert, s’évade avec deux camarades. Elle réussit, après un parcours de près de mille kilomètres à retrouver la liberté en Tchécoslovaquie.

Rentrée à Paris le 29 mai 1945, elle a l’immense douleur d’apprendre que ses parents et sa sœur ont été arrêtés le 16 juillet 1942 et assassinés à Auschwitz.
Sam et Rosine Radzynski

La Lettre :

http://www.cercleshoah.org/spip.php?article53

[1Comment peut-on survivre 3 ans à Auschwitz. ? Henri n’a pas de réponse et j’ai regretté la question posée avant les « confidences » d’Henri tout au long de la visite. Cette absence d’explication « pourquoi suis-je revenu moi ? » guide sans doute toute une vie et forge un homme qui vient pour la 7ème voyage de l’année, qui se dépense sans compter au service de la mémoire, qui passe d’un avion à un autre ce 11 Mai 2000 parce que les témoins se font désormais rares et qu’il faut raconter Auschwitz. Evelyne Py.

[2Le décret Nacht und Nebel du 7 décembre 1941, signé par Keitel, ordonne la déportation secrète de tous les ennemis ou opposants du Reich.
A. Les prisonniers disparaîtront sans laisser de trace.
B. Aucune information ne sera donnée sur leur lieu de détention ou sur leur sort."