L’ Église catholique et la persécution des Juifs pendant l’Occupation en France
Conférence-débat avec Sylvie Bernay, professeure d’Histoire,
Docteure en histoire contemporaine - Université de Paris I - Panthéon - Sorbonne
Sylvie Bernay a présenté un bref résumé de sa thèse qui s’est articulé autour de trois grandes questions :
– dans le contexte de l’entre deux guerres en France, quelle a été la perception par les catholiques des menaces qui planaient sur les Juifs ?
– comment les relations entre Juifs et catholiques ont-elles évolué avec la mise en oeuvre des statuts des juifs ?
– comment s’est opéré le basculement de l’Eglise de France dans l’assistance et le sauvetage des Juifs pendant l’été 1942 ?
Témoignages d’enfants cachés :
Gérard Marcovitz et Armand Morgensztern
Mercredi 9 mars 2011 à 14 h 30
Lycée Condorcet Salle polyvalente 8 rue du Havre 75009 PARIS
« L’Église catholique et la persécution des Juifs pendant l’Occupation en France », Petit Cahier /2e Série ‒ N° 18, conférence de Sylvie Bernay, deux témoignages d’enfants cachés, les points de vue d’autres historiens ; cinq histoires d’hommes d’Église (dont le Père jacques), Justes parmi les nations ; l’affaire Touvier et le rôle de l’Église… |
Thèse de doctorat de Sylvie Bernay :
L’Église catholique et la persécution des Juifs pendant l’Occupation en France, 1940-1944, entre incompréhension et sauvetages.
Sylvie Bernay, laïque consacrée dans la communauté de l’Emmanuel [1], a travaillé sur une quarantaine de fonds d’archives, d’institutions catholiques : nonciature, fonds d’évêques, archevêques et cardinaux ; fonds de congrégations : Jésuites, Dominicains, Capucins, Dames de Sion) ; juives : OSE, Consistoire ; les archives de l’Etat français, le CGQJ, les Justes. CR sur le site « Carnet de l’association française de l’histoire religieuse contemporaine » :
http://afhrc.hypotheses.org/156
Pour en savoir plus
« Signé le 3 octobre 1940, promulgué le 4, le statut des juifs aurait dû être publiquement condamné le 5 par toutes les autorités morales, crosse en main, mitre en tête. Il ne l’a pas été, et je ressens encore aujourd’hui ce silence comme une brûlure... » André Frossard au procès Barbie
L’« église du silence », les « dévouements de l’ombre », ont aidé, caché des personnes. Certains catholiques, par manque de lucidité, se sont laissés prendre au « redressement national » de Pétain ou ont collaboré avec les nazis.
Dans un rapport du 5 juin 1943, les nazis se plaignent du père d’Ouince qui demande que l’Eglise condamne les mesures allemandes contre les Juifs [2]. Ils dénoncent aussi les lettres pastorales.
- Mgr Saliège, archevêque de Toulouse fait lire dans son diocèse une lettre pastorale qui condamne les mauvais traitements concernant les Juifs, le 23 août 1942. Bien qu’interdite, elle fut lue dans de nombreuses paroisses.
« Lettre sur la personne humaine » :
"...Que des enfants, des femmes, des hommes, des pères et des mères soient traités comme un vil troupeau, que les membres d’une même famille soient séparés les uns des autres et embarqués pour une destination inconnue, il était réservé à notre temps de voir ce triste spectacle...
Dans notre Diocèse, des scènes d’épouvante ont eu lieu dans les camps de Noé et de Récébédou. Les Juifs sont des hommes, les Juives sont des femmes. Les étrangers sont des hommes, les étrangères sont des femmes. Tout n’est pas permis contre eux, contre ces hommes, contre ces femmes, contre ces pères et mères de famille. Ils sont nos frères comme tant d’autres. Un chrétien ne peut l’oublier... » Saliège
La lettre de Monseigneur Saliège :
http://toulouse.catholique.fr/23-aout-1942-70-ans-apres-la
- Après les rafles qui ont lieu le 26 et 28 août 1942, l’évêque de Montauban, Mgr Théas fait lui aussi lire une lettre en chaire. Le 6 septembre, c’est au tour du cardinal Gerlier, à Lyon, et Mgr Delay, à Marseille, Mgr Paul Rémond, évêque de Nice. Le pasteur Boegner proteste aussi.
Cinq prélats de l’Église catholique prennent position face aux rafles de juifs
- Après l’échec des négociations pour l’envoi de prêtres en Allemagne, le cardinal Suhard a envoyé auprès des travailleurs requis et ceux du STO, en 1943, clandestinement avec l’accord de Pie XII, des prêtres, camouflés en travailleurs civils [3], pour soutenir les jeunes travailleurs, la « mission Saint Paul ».
En « haine de l’évangile », des prêtres, des séminaristes, des clercs, des laïcs, des religieux, et des religieuses, des jocistes, sont victimes d’un décret nazi du 3 décembre 1943 de Kaltenbrunner, chef de l’office central de sécurité du Reich, visant l’action catholique française menée parmi les travailleurs français dans le Reich. Il faut signaler, expulser, arrêter ces prêtres et aussi prendre des mesures contre les ecclésiastiques catholiques allemands qui ont soutenu la JOC, (jeunesse ouvrière chrétienne) et les activités illégales de ces ecclésiastiques français.
- Le père Fernand Singerlé, curé de Venelles et de Meyrargues, entre en résistance, cache des armes sous l’autel, aide des évadés du camp des Milles, sauve des otages de l’exécution, cache une famille juive allemande dans son presbytère et s’engage dans la Deuxième DB.
http://www.venelles.fr/2011/11/inauguration-de-la-plaque-en-hommage-a-labbe-singerle/
- Pie XII
« Nous ne connaîtrons jamais les véritables sentiments de Pie XII envers les Juifs. Mais on peut débattre du problème sur un plan plus général. Si l’on voit simplement dans l’Église catholique une institution politique qui doit calculer l’effet de ses décisions en termes de rationalité instrumentale, les choix de Pie XII peuvent sembler raisonnables au vu des risques encourus. Si, en revanche, l’Église catholique incarne, comme elle le prétend, une position morale, surtout en temps de crise majeure, et, dans ces occasions, doit délaisser le niveau des intérêts institutionnels pour celui du témoignage moral, les choix de Pie XII appellent bien entendu une appréciation différente. Ce que nous ne savons pas et n’avons aucun moyen de savoir – et on touche là au coeur du sujet –, c’est si, pour Pie XII, le sort des
Juifs d’Europe représentait une situation de crise majeure et un dilemme déchirant, ou s’il ne s’agissait que d’un problème marginal qui ne mettait pas au défi la conscience chrétienne. » Saul Friedländer
FRIEDLÄNDER Saul, Pie XII et le Troisième Reich, éd. du Seuil, 1964 (postface d’Alfred Grosser), extrait de la conclusion, p. 305 de la 2e édition revue et complétée, (Pie XII et l’Holocauste. Un réexamen) coll. L’Univers historique, 2010.
biography of Pius XII by British author John Cornwell, published in 1999, claimed the pope was an antisemite who “failed to be gripped with moral outrage by the plight of the Jews”
Des filières d’exfiltration
Der Vatikan und die Rattenlinie Le Vatican et la route des « rats ».
Wie der Vatikan Nazis zur Flucht verhalf
La route des monastères est empruntée par Adolf Eichmann, Martin Bormann, Josef Mengele, Ante Pavelic...
Les filières d’exfiltration des nazis (Ratlines)
Médiagraphie
Bibliographie :
BELAUBRE Yves, La protestation, 23 août 1942, ( Mgr Saliège face à Vichy), collection « Au vif de l’histoire », éd. Nicolas Eybalin, en coéd. avec Scrineo, 2012, 296 p.
BERNAY Sylvie, L’église de France face à la persécution des juifs 1940-1944, CNRS Editions, 2012, 528 p.
http://www.franceculture.fr/emission-l-essai-et-la-revue-du-jour-l%E2%80%99eglise-de-france-face-a-la-persecution-des-juifs-revue-etudes
BLET Pierre, Pie XII et la Seconde Guerre mondiale d’après les archives du Vatican, Paris, Librairie académique Perrin, Paris, 1997. réédition : Librairie académique Perrin, coll. « Tempus » no 102, Paris, 2005, 336 p.
CABANEL Patrick, Histoire des Justes en France, Armand Colin, 2012, 336 p.
http://www.armand-colin.com/upload/Cabanel-Histoire_des_Justes_Introduction.pdf
CLEMENT Jean-Louis, Monseigneur Saliège, archevêque de Toulouse (1929-1956), Beauchesne, 1994, 416 p.
Biographie de Mgr Saliège :
http://www.ordredelaliberation.fr/fr_compagnon/890.html
CLEMENT Jean-Louis, Les évêques au temps de Vichy, loyalisme sans inféodation, Beauchesne, Paris, 1999, 228 p.
CLEMENT Jean-Louis, La collaboration des évêques 1920-1945, Les Indes Savantes, 2011, 280 p.
COINTET Michèle, L’Église sous Vichy, 1940-1945, Perrin, 1998
COMTE Bernard, L’honneur et la conscience : catholiques français en résistance (1940-1944), Editions de l’Atelier, 1998, 304 p.
COMTE Madeleine, Sauvetages et baptêmes, les religieuses de Notre- Dame de Sion face à la persécution des Juifs en France (1940-1944), L’harmattan, 2003, 224 p.
DENIS Jean Pierre, Nos enfants de la guerre, éd. Seuil, 2002, 269 p. (sur le réseau Saliège)
FAVRET-SAADA Jeanne, CONTRERAS Josée, Le christianisme et ses Juifs, 1800-2000, Seuil, Paris 2004, 498 p.
FOUILLOUX Etienne, Eugène cardinal Tisserant, 1884-1972. Une biographie, Paris, Desclée de Brouwer, 2011
FRIEDLÄNDER Saul, L’Allemagne nazie et les Juifs. 1. Les années de persécution (1933-1939), Editions du Seuil, Paris, 1997
FRIEDLÄNDER Saul, Les années d’extermination. L’Allemagne nazie et les juifs, 1939-1945, t..2., Seuil, 2008
FRIEDLÄNDER Saul, Pie XII et le IIIe Reich, Documents, Éditions du Seuil, Paris, 1964, 236 p., rééd. mars 2010, augmentée d’une postface (Pie XII et l’Holocauste. Un réexamen).
GIROUD Nicole, Mission et calvaire de Louis Favre. La filière franco-suisse, Bière, Suisse, éd. Cabedita, Archives Vivantes, 2012, 280 p.
LAMBERT Bernard, Bousquet, Papon, Touvier, inculpés de crimes contre l’humanité. Dossiers d’accusation, Paris, FNDIRP, 1991
MOLETTE Charles, La « Mission Saint-Paul » traquée par la Gestapo, Persécution et déportation des militants de l’apostolat catholique français en Allemagne, François-Xavier de Guibert, Paris, 2003, 355 p.
RÉMOND René, Paul Touvier et l’Église, rapport de la commission historique instituée par le cardinal Decourtray, Fayard, 1992
Valbousquet Nina, Les Ames tièdes. Le Vatican face à la Shoah, La Découverte, 2024.
VINATIER Jean, Le cardinal Suhard - l’évêque du renouveau missionnaire, 1874-1949, Le Centurion, 1983, 447 p.
YAGIL Limore, Chrétiens et Juifs sous Vichy (1940-1944), éd. Cerf, 2005, 766 p.
YAGIL Limore, La France terre de refuge et de désobéissance civile 1936-1944 : l’exemple du sauvetage des juifs, Cerf 2010 et 2011, 3 volumes, 1200 p.
Filmographie :
Amen, Costa Gavras, 2002.
Léon Morin prêtre, Melville
L’Affaire Finaly, David Korn-Brzoza et Noël Mamère, Alain Moreau et David Korn-Brzoza, 2007
Une enfance volée : l’affaire Finaly de Fabrice Génestal, France, fiction, 90 min, 2008, Lizland films, France 2
Liens :
Madeleine Comte
http://www.cbl-grenoble.org/2009/finaly.php
Sauver les enfants, Odette et Moussa Abadi et Mgr Paul Rémond :
http://www.moussa-odette-abadi.asso.fr/fr/remond1.htm
Le Vatican, de l’antisémitisme des années trente au sauvetage-recyclage des bourreaux, 2002 :
http://www.fsa.ulaval.ca/personnel/vernag/EH/F/cause/lectures/Vatican_antis%C3%A9mitisme.htm
L’antijudaïsme traditionnel et l’antisémitisme moderne coexistent à des degrés divers pendant les deux derniers siècles :
Le christianisme et ses Juifs, 1800-2000
rencontres :
http://www.clg-eluard-chatillon.ac-versailles.fr/spip.php?article103
– Les protestants :
"Comme la majorité des Français, la communauté protestante, durant l’été 1940, est « maréchaliste ».
La rupture avec le régime de Vichy apparaît dès l’automne 1940, déclenchée par les lois antisémites officialisées par les instances dirigeantes en mars 1941. Au nom de l’Église Réformée de France, Marc Boegner écrit une lettre de solidarité au grand rabbin Isaïe Schwartz le 26 mars 1941."
Les protestants pendant la Deuxième Guerre mondiale :
http://www.museeprotestant.org/Pages/Salles.php?scatid=146&cim=678&Lget=FR
Bonhœffer, Dietrich und Klaus, Auf dem Weg zur Freihelt, Gedichte und Briefe aus der Haft, Berlin, 1946.
– Colloque APHG :
Les Rencontres Franz Stock, 7-8 octobre 2011 :
http://www.aphg.fr/ProgrammeFranzStockoctobre.pdf
N.M. février 2011, août 2012