Cercle d’étude de la Déportation et de la Shoah

Famille GRUMBACH

convoi 76
dimanche 6 avril 2025

Famille Grumbach, Michel, 64 ans et Renée, 43 ans

Michel Grumbach est né le 24 décembre 1879 à Soultz, une petite commune du Haut Rhin située entre Colmar et Mulhouse en Alsace, près de la frontière allemande. Il était fils de Théodore Grumbach et de Ricka Moses. Le 10 mai 1911, il a épousé à Huninge, Jeanne “Jeannette dite Netty” Güntzburger, fille d’Isaac et de Julie Ullmann. Le 10 août 1913 naissait une fille, Renée, née également à Soultz. Michel Grumbach est déclaré sans profession sur sa fiche de Drancy, car âgé de 64 ans, mais il était auparavant dit négociant. La famille vivait à Guebwiller, au 10 rue du Général Gouraud.

Ruth et ses parents, Michel et Jeanette Grumbach photographiés avant-guerre

Renée Grumbach épouse, le 6 novembre 1935, à l’âge de 22 ans, Edgar Meyer, qui était marchand de bestiaux. Ils s’installent à Strasbourg, au 1 rue du Travail.

En 1939, Renée se réfugie chez ses parents, qui, comme des milliers de civils alsaciens, doivent quitter l’Alsace en septembre 1939, suivant le plan d’évacuation des populations civiles à l’approche de l’armée allemande. A cette période, les deux tiers de la population juive d’Alsace sont évacués (17 800 personnes sur une population estimée à 25 000). 4 000 Juifs alsaciens sont partis par leurs propres moyens entre octobre 1939 et mai 1940. Pour « la vieille France », disaient-ils.

Pour les Grumbach ce sera, entre autres, Thonon-les-Bains, sur les bords du lac Léman. Ils pensaient peut-être rejoindre la Suisse, comme un certain nombre de Juifs présents dans cette ville. C’est là qu’a été prononcé le divorce de Renée Grumbach et Edgar Meyer. Cela explique l’enregistrement au camp de Birkenau de Renée sous son nom de Meyer, qui restait, pour les Allemands, son nom d’épouse.

Finalement, les parents et leur fille, qui ont changé plusieurs fois de domicile en raison de la traque des Juifs, se réfugient à Noiretable, une petite commune, située dans le département de la Haute-Loire, où se cachent de nombreuses familles venues d’Alsace. Ils y arrivent le 15 mai 1944 et logent, pour quelques jours, à l’hôtel Couzon du village, situé rue des Granges.

Le 23 mai 1944, un détachement de la Gestapo, accompagné de miliciens, venus de Lyon, arrivent dans la matinée à Noiretable. Entre 10 et 11 heures, ils envahissent l’hôtel Couzon, se font conduire par les employés de l’hôtel dans les chambres, sous la menace d’une arme, dans le but d’arrêter les familles juives qui s’y trouvaient. Renée et son père sont alors arrêtés. Jeanne Grumbach, sortie en attendant que le repas soit servi, a échappé à l’arrestation.

Deux autres familles, la famille Hirsch ainsi que Charles Cycanowitz sont arrêtés ce même jour à Noiretable. Au total, en mai 1944, dans les villages alentours de Noiretable, trois grandes vagues d’arrestations menées par la Gestapo ont conduit à 102 déportations dont à peine ⅓ sont revenus.

Les 6 personnes ainsi arrêtées à Noiretable sont conduites dans la traction avant d’un marchand de vins réquisitionnée pour le transport des futurs détenus, tout d’abord au siège de la Gestapo de Lyon, avenue Berthelot, puis à la prison Montluc. Les hommes, dont Michel Grumbach, sont internés dans la « baraque aux juifs, infestée de poux, de puces et de punaises ». Ils y passent un mois dans des conditions d’insalubrité et de dénuement qui ont déjà pu épuiser Michel Grumbach, âgé de 64 ans.

Ils sont ensuite transférés au camp de Drancy où ils entrent le 21 juin avec plus de 100 personnes arrêtées dans la région autour de Lyon. Ils reçoivent leur premier numéro matricule 24272 et 24273. La fiche du carnet de fouille dit que Michel Grumbach remet au chef de la police du camp la somme de 10975 francs, puisque chaque interné devait remettre argent et objets de valeur à son arrivée au camp. Le 30 juin, ils sont conduits à la gare de Bobigny avec 1153 internés destinés à être déportés vers le centre de mise à mort d’Auschwitz-Birkenau. C’est le 76ème convoi de déportés juifs parti de Drancy. Dans une une lettre oblitérée de Seine-et-Marne du 3 Juillet et parvenue à sa famille, Michel Grumbach, qui ne connaît pas, à ce moment, le but du voyage, parle d’un départ pour Metz.

Le voyage qui dure quatre jours, par une chaleur torride, est particulièrement épuisant pour ces familles entassées dans des wagons à bestiaux plombés. Le 4 juillet, le convoi entre à l’intérieur du camp de Birkenau sur la « rampe d’Auschwitz » où a lieu la sélection. Les travaux de Serge Klarsfeld ont permis d’apprendre que 223 femmes sur 495 et 398 hommes sur 654 sont déclarés « aptes » pour le travail. Ce sont généralement les plus jeunes. Le nombre de déportés désignés pour ce travail d’esclave, plus de la moitié, est beaucoup plus élevé que celui des transports précédents car les camps deviennent, en 1944, un vivier de travailleurs pour l’industrie de guerre. L’autre moitié du convoi, les malades et les enfants, dits « inaptes » au travail, sont gazés dès l’arrivée.

On sait que Renée Grumbach entre au camp de femmes de Birkenau. Elle est détenue dans la baraque 22 du camp. Elle y est répertoriée sous son nom d’épouse, ″Renate Meyer″. Y figure son numéro matricule, A-8556, son âge et sa nationalité. Ce rapport de Block, le seul conservé au camp de femmes de Birkenau, permet de savoir qu’elle est rentrée au camp et qu’elle était encore vivante le 18 octobre 1944, car dans la colonne remarques, Bemerkung, figure la date du 18 octobre et un numéro de Block 24b. Il est dit dans son dossier de déportée conservé au BAVCC de Caen qu’elle serait décédée le 31 décembre 1944.

Quant à son père, Michel, il n’a pas été trouve trace de son passage au camp de Monowitz où les hommes de ce convoi ont été affectés. Il est probable, compte tenu de son âge, qu’il ait été gazé à l’arrivée.

La mère et épouse, qui avait échappé à l’arrestation, n’a cessé de multiplier les démarches après 1945 pour avoir des nouvelles de sa fille et de son mari. Elle dit que sa fille aurait été vue par des témoins au camp de Bergen-Belsen en mars 1945 ; elle doit s’accrocher à l’idée d’un retour possible.

Première page du dossier constitué par le Ministère des Anciens Combattant s en janvier 1946. Son parcours y est résumé.

Elle est retournée vivre en Alsace après la guerre. Elle s’est éteinte à 98 ans en Suisse. Elle a fait graver sur sa tombe les noms de son mari et de sa fille assassinés à Auschwitz.

La tombe de Netty Grumbach décédée en 1987. Elle a associé les noms de son époux et de sa fille, qui n’avaient pas eu de sépulture après leur assassinat à Auschwitz.

BAVCC Caen : AC21P 459226-AC21P459223- Mémorial de la Shoah-archives Auschwitz- témoignages familiaux

Chantal Dossin

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