Cercle d’étude de la Déportation et de la Shoah

Inauguration du C.D.I. « Ginette Kolinka »...

Collège de la Rivière, Etel, Morbihan
vendredi 14 mars 2025

Ginette Kolinka et le Collège de la Rivière, une amitié et une fidélité de plus de dix ans

Ginette Kolinka et le Collège de la Rivière, une amitié et une fidélité de plus de dix ans.
Inauguration du C.D.I. « Ginette Kolinka »
Collège de la Rivière, Etel, Morbihan
Mardi 4 février 2025

Fabrice Lebreton, enseignant en histoire-géographie-EMC au Collège de la Rivière s’exprime.

© Fabrice Lebreton, Collège de la Rivière.

Une inauguration pour se souvenir

Le mardi 4 février 2025, Ginette Kolinka a fêté ses cent ans. C’est ce jour que le Collège de la Rivière a choisi pour inaugurer son nouveau Centre de Documentation et d’Information auquel il a donné le nom de cette rescapée de la Shoah.
Cette cérémonie fut l’occasion de dévoiler une plaque commémorative afin que la communauté éducative de l’établissement se souvienne de son action mémorielle auprès des élèves étellois. En effet, de 2010 à 2023, Ginette Kolinka est venue témoigner devant les élèves de 3ème du Collège.

© Nathalie Guillevic-Le Dantec, Collège de la Rivière.





















Ginette Kolinka et le Collège de la Rivière, une amitié et une fidélité de plus de dix ans

C’est tout naturellement que, l’an passé, j’ai proposé à Monsieur Israël, Principal du Collège, que le nom de Ginette Kolinka soit donné à notre nouveau CDI. Le Chef d’établissement a accepté ma proposition et l’a défendue devant le Conseil Départemental du Morbihan, propriétaire des locaux, et devant le Conseil d’Administration du Collège. Tous les deux ont validé ce projet.
Comment ne pas donner son nom à notre nouveau CDI ? Comment pouvait-il en être autrement ? Comment, en effet, ne pas rendre hommage à celle qui, depuis des décennies, inlassablement, consacre son temps et son énergie à témoigner dans les établissements scolaires notamment dans le nôtre ? Comment ne pas lui rendre hommage, le 4 février 2025, quelques jours après la commémoration du 80ème anniversaire de la libération d’Auschwitz-Birkenau où elle a souffert, où son père, son petit frère et un million de juifs ont été assassinés, tout simplement parce qu’ils étaient jugés « racialement inférieurs et impurs » par les nazis ? Comment, jour de ses cent ans, ne pas lui exprimer, de cette façon, notre plus profond respect ?

Communauté éducative et associations patriotiques réunies pour l’occasion.

Le 4 février, près de 80 personnes ont ainsi assisté à cette inauguration. Outre des élèves, des enseignants et des parents d’élèves, étaient présents, la représentante de Monsieur le Recteur de l’Académie de Rennes, Madame Ferradjian, Inspectrice d’Académie-Inspectrice Pédagogique Régionale en histoire-géographie, ainsi que des représentants d’associations patriotiques et mémorielles. Madame Le Sauce, présidente du comité du pays d’Auray de l’Association Nationale des Anciens Combattants et Ami(e)s de la Résistance (ANACR), Monsieur Le Gall, président départemental de l’Association des Amis de la Fondation pour la Mémoire de la Déportation (AFMD) et Monsieur Le Vaillant, responsable local du Souvenir Français, nous ont fait l’honneur de leur présence.
Ginette Kolinka n’était pas des nôtres mais a tenu, dans une courte vidéo réalisée par son fils et diffusée lors cette inauguration, à remercier l’établissement pour cette initiative.

C’est en 2010 que Ginette Kolinka a témoigné pour la première fois dans notre établissement. Jusqu’en 2023, à l’exception de quelques années, nos élèves de 3ème ont eu la chance de la rencontrer. Ce travail mémoriel a été mené avec des collègues de six autres établissements du Morbihan.

Intervention devant les élèves, juin 2022.
© Fabrice Lebreton, Collège de la Rivière.

Nos élèves en gardent un souvenir impérissable. Ces témoignages, qui les ont profondément marqués, sont ceux d’une femme exceptionnelle dont l’action éducative l’est tout autant.

Bientôt, les derniers survivants des camps nazis ne seront plus là, pour dire, avec leurs mots, ce que furent Auschwitz-Birkenau, Ravensbrück, Mauthausen ou autre Bergen-Belsen.
Beaucoup d’entre eux vivent dans la hantise de voir s’éteindre la flamme du souvenir.
Qu’on oublie cette période serait donc, pour eux, la pire des choses.
Ce combat mené depuis 1945 par les déportés pour faire connaitre au monde leur effroyable expérience, ce combat pour alerter l’opinion publique contre tous les discours de haine, ce combat, nous devons le mener en permanence avec les élèves.
Il est essentiel en effet d’effectuer avec eux un travail de mémoire s’appuyant sur un devoir de connaissances et de vérité historique. Aucun rappel à l’Histoire ne doit être négligé : c’est l’esprit de l’inauguration du 4 février dernier qui s’inscrit dans notre volonté commune de ne jamais oublier ces événements.
Ce fut aussi le sens de l’hommage que nous avons rendu, en 2011, à Simone Le Port, résistante et déportée ételloise, dont une plaque, apposée dans le hall du collège, rappelle qu’elle aussi a consacré du temps à témoigner dans les établissements scolaires pour que l’œuvre de la Résistance et la mémoire de la déportation soient connues des élèves.
C’est enfin l’un des objectifs du séjour pédagogique que j’organise, chaque année, depuis plus de vingt ans, pour 53 élèves de Troisième. Pendant une semaine, ils découvrent des hauts lieux des Première et Seconde Guerres mondiales notamment l’ancien camp de concentration nazi du Struthof, près de Strasbourg.



Ne jamais oublier et être toujours vigilants.

« Témoigner et raconter pour ne jamais oublier ». C’est ce rappel aux adultes et aux enfants, la plaque que deux élèves, Salomé et Yann, ont dévoilée.
Ceux qui n’ont pas connu ces heures tragiques de notre histoire doivent savoir et ne jamais oublier les crimes que les nazis ont commis et les raisons pour lesquelles ils les ont perpétrés.
N’oublions jamais et ne baissons jamais la garde.
Ne baissons jamais la garde car les idées qui ont conduit au génocide juif, à l’élimination de Tsiganes et de handicapés, à la déportation d’homosexuels, à celle de résistants…, ces idées qu’on croyait à tout jamais disparues, ressurgissent, hélas, dans le monde notamment en Europe. Ainsi, en France, c’est le développement de la haine, celui d’idées dangereuses défendues par ces falsificateurs de l’histoire, nostalgiques de Vichy, qui retrouvent une audience à la faveur des crises qui secouent notre société. C’est l’augmentation considérable des actes antisémites et racistes, la propagation d’idées obscurantistes prônant la destruction de notre démocratie et des valeurs de notre République.
Face à ces dangers qui nous menacent, il nous faut maintenir une vigilance permanente et rappeler aux élèves ce que furent les camps nazis et les raisons pour lesquelles ils ont été créés. Nous devons toujours avoir à l’esprit les origines de ce terrible mal qui rongea l’Europe dans la première moitié du XXème siècle.
Ce devoir de mémoire nous oblige, par respect pour ceux qui y disparurent et qui y souffrirent.

« Vous devez être des passeurs de mémoire »

« Soyez notre mémoire quand nous ne serons plus là. Soyez les nouveaux passeurs de mémoire. Portez la parole des déportés pour que de telles atrocités ne se reproduisent jamais ». C’est par ces mots que Ginette conclut ses interventions devant les élèves. C’est par ces mots qu’elle leur confie la mission d’être celles et ceux qui, aujourd’hui et demain, raconteront la Shoah afin que cette tragédie ne soit jamais oubliée.

Transmettre la mémoire de la Shoah, ce n’est donc pas avoir les yeux rivés sur le passé. Au contraire ! C’est « rêver d’un autre monde » pour reprendre le titre d’une chanson chère à Ginette Kolinka. C’est avoir la volonté de construire un avenir plus humain, plus juste, plus fraternel, comme elle le souhaite, un avenir où l’intolérance, le racisme, la xénophobie et l’antisémitisme n’auraient plus de place. C’est le sens d’un second message audio-vidéo qu’elle a délivré aux élèves et qui a été projeté lors de l’inauguration.

Avant que la plaque ne soit dévoilée, des élèves de 3ème ont interprété Le Chant des marais.

Les choristes de 3ème interprétant Le Chant des marais
© Jean-Yves Collin, Le Télégramme.

Monsieur le Principal et moi-même avons souhaité, pour cette inauguration, la présence d’élèves pour les raisons évoquées ci-dessus. Nous avons voulu aussi qu’ils soient acteurs de cette cérémonie. C’est la raison pour laquelle, ils ont, à leur tour, à leur manière, rendu hommage à Ginette Kolinka et à toutes les victimes de la barbarie nazie, en interprétant cet hymne européen de la déportation, sous la direction de ma collègue d’éducation musicale, Florence Burel.

A l’issue de cette interprétation très émouvante, Salomé, élève de 5ème, et Yann, élève de 3ème, ont dévoilé une plaque pour se souvenir et ne jamais oublier.

M. Israël, le Principal du collège, Salomé, Yann et M. Lebreton.
© Jean-Yves Collin, Le Télégramme.

« L’oubli signifierait danger et insulte. Oublier les morts serait les tuer une deuxième fois. Et si, les tueurs et leurs complices exceptés, nul n’est responsable de leur première mort, nous le sommes de la seconde ». Chacun de nous doit toujours avoir à l’esprit ces mots d’Elie Wiesel. Puisse la plaque commémorative apposée dans le CDI nous rappeler en permanence que nous avons une immense responsabilité à l’égard de toutes les victimes de la barbarie nazie : celle que leurs noms et leurs souffrances ne sombrent jamais dans les abîmes de l’Histoire.

« Témoigner et raconter pour ne jamais oublier ». C’est ce rappel aux adultes et aux enfants, la plaque que deux élèves, Salomé et Yann, ont dévoilée.

Témoigner et raconter pour ne jamais oublier
© Nadine Faget, Ouest-France.

Fabrice Lebreton

Ginette Kolinka, née Cherkasky
Avignon, Les Baumettes, Drancy, Bobigny, Auschwitz II-Birkenau, Bergen-Belsen, Raguhn, Theresienstadt