Evakuierung : L’évacuation du complexe d’Auschwitz
Évacuation, c’est la dissolution des camps. Les détenus doivent sortir en colonnes, encadrés par les SS.
Lorsque l’Armée rouge s’approche d’Auschwitz en janvier 1945, les SS décident d’évacuer le camp, vers l’ouest en colonnes de marche dans un froid glacial, dans la neige, mal vêtus, avec les chaussures en bois, sans provisions, pendant des kilomètres ou en train, en wagons découverts. De nombreux prisonniers s’effondrent et sont abattus par les SS. Des milliers de personnes ont péri de cette manière.
Évacuation le 17 ou 18 janvier 1945, et suivant
- Témoignage de Liliane Lévy-Osberg
Birkenau : le front russe avance. « Le camp est en effervescence ... les appels sont perturbés ... les SS sont de plus en plus nerveux ... des nouvelles insensées circulent de bouche à oreille ... pour nous l’inquiétude se substitue à toute joie possible, à toute espérance ... Comme ça, sans crier gare, on ne part plus à l’usine, on part sur les routes »
Le 17 janvier 1945, le camp se vide ; nous avons eu ordre de partir quelques secondes avant le vrai départ. Tous les kommandos se mettent en marche en même temps : fini le bel ordonnancement ; tous sur la route, les « bien portants », les moins malades, les malades, les musulmans. L’orchestre ne ponctue plus la marche des kommandos loqueteux »
« La crainte, le pressentiment, la peur du devenir nous étreignent ... qu’allons-nous devenir ? Pour quand l’extermination totale ? »
« Tout doit disparaître : les humains, les bâtiments, les crémas. Les preuves, les signes, les indices, les soupçons »
« Nous avons emmené le reste de nos maigres provisions [3 ou 4 morceaux de sucre, une lichette de pain et un dé de margarine] , car nous n’avons reçu aucun viatique. Rien » Liliane Lévy-Osberg
- Témoignage de Henri Graff
« Dix-sept ou dix-huit janvier ... on entend : « Aujourd’hui vous ne partez pas travailler. On vous évacue. On évacue le camp ». Alors, ils avaient mis des tables devant la porte d’entrée. Il y avait plein de boîtes de conserve, plein de pain ... Moi, j’ai pris deux pains et deux boîtes de conserve. J’avais une musette. Je ne sais même plus où je l’ai trouvée, cette musette ... C’était en janvier 45, par -25°, avec une petite liquette sur le dos, une veste qui était comme de la paille, des sabots innommables aux pieds, et on a commencé à marcher. [Ce fut] le début de ce qu’on appelé, plus tard, la « marche de la mort » ... On a fait soixante kilomètres dans la neige ... On a marché pendant trois jours. Trois jours et deux nuits ... [Là a commencé] la soif. La soif provoquée ... par le froid et la sécheresse du climat. Parce que, là-bas, le froid est comme un coup de trique. Il ne fait pas un froid humide [mais] un froid sec, à couper au couteau ... qui dessèche tout ... Cette musette, ces deux kilos de pain et ces boîtes de conserve me pesaient. J’avais beau changer d’épaule ... et j’ai fait comme les autres : j’ai tout jeté. Je n’avais rien à manger. Je n’avais pas faim tellement j’avais soif ... On ramassait la neige, par terre, qui était sale ... Il y avait deux ou trois mille personnes, devant nous, qui l’avaient piétinée. On ramassait la neige, on la suçait ... Sur le moment, c’est glacé, ça fait du bien. Trente secondes après, ça brûle davantage encore ... Et on avait la diarrhée ... On se faisait dessus. On était plein de merde ... A un moment donné, je marchais ... [et] je voyais une immense fontaine pleine de givre avec plein de jets d’eau qui coulaient : j’avais des hallucinations provoquées par la soif. Il n’y avait pas de fontaine. Il n’y avait rien du tout ... Derrière nous, on entendait les coups de feu. Tous ceux qui ne pouvaient pas suivre, qui tombaient, étaient tués par les SS ... Et on est arrivé comme ça devant une petite gare qui s’appelle Gleiwitz. Là on nous a fait monter dans des wagons de marchandises découverts. Ces wagons avaient servi à transporter du charbon. Donc au fond des wagons, il y avait plein de poussière de charbon. Là-dessus il avait neigé ... alors, avec la chaleur des corps, la fonte de la neige mélangée avec de la poussière de charbon, je ne vous dis pas dans quel état on était. Et on est arrivé à Gross-Rosen. » Henri Graff
Marche de la mort, évacuation d’Auschwitz I, janvier 1945
- Témoignage de Robert Marcault
"A bout de force, épuisés, délirants, torturés par le froid, la soif, la faim, la peur, spectres en guenilles dans nos loques rayées, survivants de cette impensable marche de la mort, nous pénétrons dans le camp de Gross-Rosen. L’horreur, la neige sale, les corbeaux, l’odeur des crématoires, la mort, une vision d’apocalypse nous accueille.
Accompagnés des brutalités habituelles, nos corps meurtris, transis de froid, traversent la place d’appel, véritable cloaque, où gisent désarticulés d’innombrables cadavres.
Un matin, dans la nuit noire devant la baraque par un temps glacial de janvier, nous sommes en rang, en colonne par cinq, pour recevoir notre pitance : une mince tranche de pain noir moisi, et après un rapide comptage, la marche à la mort reprend sur la route sans fin. Le calvaire dure encore longtemps, les jours et les nuits se succèdent.
A la fin, on nous fait monter dans des wagons de marchandises découverts, du type de ceux dont on se sert pour le transport des marchandises lourdes, par exemple le sable ou le gravier. Nous sommes si serrés que nous ne pouvons nous asseoir, encore moins nous mouvoir, si bien que les mourants même flasques restent debout, ceux qui glissent étant irrémédiablement écrasés." Robert Marcault
Les marches de la mort, récit de l’évacuation d’Auschwitz vers Buchenwald
- Témoignage d’André Berkover
Le transport en wagons découverts de Gleiwitz à Buchenwald
« Notre convoi s’arrêta en rase campagne, il y avait des forêts. À coups de matraque, ils firent descendre des wagons une partie du convoi, je me trouvais à nouveau dans la neige. Nous avons recommencé à marcher en file, encadrés par les SS... Nouvel arrêt le long d’une forêt, nous formions une colonne de plusieurs centaines de mètres... Les SS ordonnèrent aux « droit commun » se trouvant parmi nous de sortir des rangs. Ils partirent avec eux, puis revinrent... après les avoir armés de fusils mitrailleurs. Nous nous sommes dit : « ça y est, c’est la fin ». Heureusement pour moi, ils commencèrent par nous exécuter par le début de la colonne. Dès les premières salves, nous nous sommes enfuis et éparpillés dans la forêt. Mes godillots me faisaient atrocement souffrir, et ne me permettaient pas de courir, je les ai abandonnés et j’ai continué pieds nus dans la neige pour pouvoir m’échapper. Il faisait toujours entre -15° et -20° avec beaucoup de neige. Juste après être descendus du convoi, nous avions traversé un hameau, je décidai de retourner en direction de ce village afin d’y trouver refuge. »
- Témoignage de Sam Braun
"La sortie du camp de Monowitz en colonnes par cinq, s’est faite « sans musique,
pour la première fois, et, pour la première fois aussi, sans la présence brutale de l’Arbeitälteste » ;
14 ou 15 000 déportés sont jetés sur la route. Sam évoque plusieurs fois le bruit produit par les
milliers de galoches : « une espèce de bourdonnement continu » ; coups de revolver trouant « le
bourdonnement que faisaient nos galoches en traînant sur le sol » ; « un bruit sourd et continu ».
Nous étions effectivement sur une autre planète quand, le 18 janvier 1945, gardés par les SS et les chiens, quittant le camp pour la dernière fois, nous sommes partis en exode qui deviendra très vite, une effroyable Marche de la Mort. Marche hallucinante vers nulle part.
La victoire qui leur échappait, décuplait la violence des SS. Au camp nous avions connu la folie, là, nous étions en pleine démence
Le nombre de compagnons assassinés augmentait sans cesse et leurs cadavres, laissés sur le bord de la route jalonnaient notre passage. Parfois, celui à côté duquel nous marchions depuis des heures, ne pouvant plus avancer, s’affaissait sur la route et mourant était bousculé, presque piétiné par ceux qui suivaient et qui ne l’avaient pas vu. Je ne peux chasser de ma mémoire le jour où ils nous ont entassés sur des wagons de marchandises et demeure encore horrifié par tous les morts ........ou presque morts, sur lesquels nous nous sommes affalés tellement nous étions épuisés." Sam Braun
Le complexe d’Auschwitz est évacué vers les camps de Gross-Rosen, Buchenwald, Mittelbau-Dora, Mauthausen, Ravensbrück, Sachsenhausen, Dachau, Flossenbürg, Neuengamme, Bergen-Belsen et Theresienstadt.
Marches de la mort->http://www.cercleshoah.org/spip.php?article391] est l’expression communément utilisée pour qualifier les évacuations des camps opérés par les nazis à l’approche des armées soviétiques à l’est et américano-britanniques à l’ouest. Les premiers camps évacués en janvier 1945 se situaient en Pologne occupée. Au printemps 1945 ce fut le tour des camps situés à l’ouest du Grand Reich d’être vidés.
Quelques exemples tirés d’articles de Martine Giboureau et du Cercle.