Cercle d’étude de la Déportation et de la Shoah

Sauvons les enfants, documentaire

Rafle 11 septembre 1942 et sauvetage à Fives-Lille
lundi 27 mai 2024

Rôle des cheminots, dont des résistants de « La Voix du Nord », de gens « ordinaires » dans le sauvetage d’adultes et d’enfants à Fives.

Projection du documentaire Sauvons les enfants sur la Grande rafle du 11 septembre 1942 du Nord et du Pas-de-Calais, et le sauvetage spontané de juifs à Fives-Lille, suivie d’un débat animé par Thomas Fontaine (Musée de la Résistance nationale), avec Joëlle Alazard (APHG), Tal Bruttmann (FMS) Laurence Schram (Kazerne Dossin) et Laurent Thiery (Fondation de la Résistance), le 15 mai 2024.

 Sauvons les enfants

Association Fives-Lille, Groupe SNCF, Fondation pour la mémoire de la Shoah, Association des professeurs d’histoire-géographie (APHG), FMD...

 Le documentaire

  • 11 septembre 1942

Le 11 septembre 1942, profitant de la fête de Roch Hachana, moment où les familles se réunissent, des personnes juives sont raflées au petit matin, dans le Nord de la France, à Lens, Douai, Valenciennes, Condé-sur-l’Escaut. Des centaines de juifs, des femmes, des enfants [1], des hommes, sont rassemblées devant la gare de Fives-Lille [2].

  • Des survivants, des voisins témoignent.

Par des correspondances de Pologne, d’Allemagne, les juifs savaient ce qui se passait, les bébés et les vieillards ne pouvaient pas partir pour travailler. Dans le quartier de Saint Sauveur, il y avait des immigrés de Pologne. Ils connaissaient la rafle du 16-17 juillet 1942 à Paris.

Lens. Henriette, alors petite fille, se souvient : à 4 heures du matin, on sonne. Des policiers français, des Allemands, les ont amenés dans la cour en face de la gare de Lens. Ils attendent.

Fives. Les Feldgendarmes ont du mal à rassembler les juifs dans l’enceinte de la gare de Fives. Des cheminots, des employés à l’entretien, des habitants du quartier, spontanément, en profitent pour faire sortir des enfants et quelques personnes. Un cafétier, Marcel Sarrazin, prend 4 enfants, un enfant est caché dans la locomotive, un en glisse un sous un bureau, un autre est mis chez la concierge, une infirmière de l’Hôpital Ambroise Paré, dissimule un bébé hurlant, Michel Baran, dans son sac à dos et profite du sifflement d’une locomotive pour quitter la gare. Un Allemand a tourné la tête. Une fenêtre des toilettes permet de sortir des enfants.

Une maquette figure la gare de Fives dont il ne reste rien— elle a été bombardée le 8 novembre 1942—, avec les voies ferrées, la gare de triage, le passage à niveau, des bâtiments annexes, les bureaux, les logements. René Douce, Roger Millien, Louis Saint-Maxent [3], cachent des gens dans la gare, dans les bureaux et les logements. Ils placent deux armoires devant les portes des chambres dans lesquelles étaient des juifs. Les Allemands, en faisant leur ronde, n’ont rien vu. Des bleus de travail, balais, chiffons sont prêtés aux adultes pour sortir de la gare.

Des voitures de 3 e classe arrivent devant la gare, se garent en parallèle au train présent. Le convoi de plus de 500 personnes part dans la nuit vers Malines. La caserne Dossin à Malines (Mechelen) est un camp de rassemblement avant la déportation à Auchwitz.
Caserne Dossin, Malines-Mechelen, camp de rassemblement

  • Un Comité de secours

René Douce, Roger Millien et Louis Saint Maxent mettent en place un comité clandestin d’aide aux juifs de la région lilloise, le Comité de secours, avec l’abbé Deconninck. Il faut des papiers, des tickets de rationnement, des cartes d’alimentation, des logements, du travail. Le sauvetage continue après le 11 septembre 1942. Ainsi, de nombreux Juifs sont sauvés et protégés jusqu’à la Libération, grâce à « l’humanité de cheminots, d’infirmières, de résistants tant communistes que gaullistes, d’ecclésiastiques protestants et catholiques, de Juifs, de policiers, de fonctionnaires d’état civil, de proches et d’amis. » La femme du préfet Carles est au Comité de secours aux juifs. René Douce, résistant, est déporté à Dachau.

 Intervention du Comité scientifique

Les intervenants, photo UH
Joëlle Alazard, Laurent Thiery, Laurence Schram (Malines), Tal Bruttmann Débat animé par Thomas Fontaine.



 Cette histoire a été ignorée, des rescapés ne savaient rien. Des témoins, alors enfants, racontent qu’il ne fallait pas parler, se faire remarquer. Pour beaucoup, ils avaient intégré le mot d’ordre des parents : se taire. Les sauveurs, eux, ils avaient fait leur devoir.
Les sauvés et les sauveurs n’ont pas entretenu la mémoire de cet évènement. Un rapport du chef de gare Jean Mabille, trouvé dans une brocante mentionne cet épisode.

 L’Administration militaire de Lille.
La « zone rattachée » a une organisation particulière, elle dépend du commandement militaire allemand de Bruxelles, pas de la « Gestapo ». Elle ne dépend pas des SS et fonctionne de façon assez autonome, la région doit revenir par la suite à l’Allemagne.

Un quota de 10 000 juifs a été fixé par Bruxelles. Sur 13 000 convoqués pour travailler par l« AJB Arbeitseinsatzbefehle, on a moins de 4 000 juifs. Des juifs ne se sont pas présentés. Le convoi N°1 part de Malines le 4 août 1942 avec 998 personnes et arrive le 5 août à Auschwitz-Birkenau. Les raflés du 11 septembre 1942 sont transférés le 15 septembre en wagon de 3 e classe, à la caserne Dossin en Belgique, où ils passent 2 ou 3 jours et sont déportés par le convoi N°10 à Auschwitz-Birkenau. Ils arrivent le 17 septembre avec 1048 personnes, des juifs belges, polonais, des juifs du Reich. Ils débarquent sur le » quai aux juifs", une partie est sélectionnée pour la chambre à gaz dans les Bunkers, 1 et 2, des fermes proches du camp des femmes.
Il y a 27 survivants en 1945.

 La rafle a des conséquences sur l’opinion. La réaction de l’opinion publique a été importante, Vichy, régime autoritaire, a eu peur de brusquer l’opinion avec les réactions des églises. L’Association des Juifs en Belgique (AJB) est une administration juive créée sur ordre allemand à la fin de 1941 avec comme but officiel d’activer l’émigration. C’est effectivement une association forcée des Juifs, non pas de Belgique, mais pour l’heure provisoirement encore en Belgique [4]. Ils sont contraints d’établir des listes. Ils distribuent les convocations.

 Des Justes
Joëlle Alazard montre comment cette histoire sert à enseigner la Shoah, à expliquer le rôle des Justes. Ce film permet d’armer la réflexion des élèves, leur donner des connaissances contre les idéologies, montrer comment des hommes et des femmes ont réagi spontanément par humanité, courage.
Sur 25 cheminots de la gare de Fives-Lille qui sont parvenus à sortir environ une soixantaine de Juifs, seuls Marcel Thumerel, Marcel Hoffmann et René Douce, sont reconnus Justes.

 Le rôle de la SNCF
En 1940 la SNCF dépend de l’État, et en juillet 1940, elle dépend du gouvernement de Vichy.
Puis, l’article 13 de la Convention d’armistice stipule que les moyens de transport sont mis à disposition et sous contrôle de l’Allemagne.
De nombreux cheminots sont résistants, plus de 2200 victimes [5]
THÉVENET Laurent, « Cheminots Justes parmi les Nations », La revue d’histoire des chemins de fer, hors-série n° 9, février 2023, Paris

Gare Drancy-Le Bourget, puis gare de Bobigny.
« Les gares de déportation des Juifs de France », Thomas Fontaine, dans Tsafon 83/2022
https://journals.openedition.org/tsafon/4729

Les convois partis de Malines :
15. September 1942 Mechelen (Malines) 1048 17. September 1942 Auschwitz
https://www.bundesarchiv.de/gedenkbuch/chronology/viewBelgium.xhtml
Le rôle de la SNCF dans la Déportation

 Exposition : Vies Brisées, Vies sauvées

L’association Lille-Fives 1942, en partenariat avec le Musée de la Résistance de Bondues et La Coupole, présente cette exposition qui circule dans les établissements scolaires grâce à la volonté du petit-fils de Léon Leser membre du Comité lillois de secours aux juifs, Maurice Leser, présent ce 15 mai 2024.
https://www.viesbrisees-viessauvees.fr/
Découvrir l’exposition en ligne : s’inscrire pour se connecter :
https://www.viesbrisees-viessauvees.fr/connexion-expo/
Des travaux intéressants possibles avec des élèves.

 Compléments

Maxime Steinberg Résistance, Internement et Déportation dans le Commandement militaire allemand de la Belgique occupée au Nord de la France
Un travail de mémoire de la Société historique du Pays de Pévèle (abonnés)
Membre de la SHPP, Monique Heddebaut a mené un travail de fond sur la rafle du 11 septembre 1942 à Lille, et sur les enfants juifs cachés dans des orphelinats par des « Justes », notamment dans la Pévèle.
HEDDEBAUT Monique, « Sans armes face à la rafle du 11 septembre 1942 », Revue Tsafon, janvier 2016.
https://www.tsafon-revue.com/?Article-edite-a-part-du-no-70

CÉLERSE Grégory, Sauvons les enfants. Une histoire du comité lillois de secours aux Juifs, Les Lumières de Lille, décembre 2016.
Sauvons les enfants. Une histoire du comité lillois de secours aux Juifs

Le douloureux sauvetage des enfants de Vénissieux.

PC 28. Le sauvetage des enfants juifs pendant l’Occupation. Une forme de résistance civile

Mathilde et Rosette, 2020, film d’Alice Ekman, Convoi n° 15 parti de Malines

*Tableaux Récapitulatifs des Israélites et Tziganes Déportés du Camp de Rassemblement de Malines vers les Camps d’ Extermination de Haute Silésie, hrsg. vom Ministère de la Santé Publique et de la Famille, 01.09.1979, in : Serge Klarsfeld und Maxime Steinberg, Le Mémorial de la Déportation des Juifs de Belgique, Bruxelles 1982.
*Juliane Wetzel, Frankreich und Belgien, in : Dimension des Völkermords. Die Zahl der jüdischen Opfer des Nationalsozialismus, hrsg. von Wolfgang Benz, München 1996, S. 105–131.

PETIT CAHIER -3e série - N°26 en janvier 2018 sur "Polices et gendarmerie françaises, polices et armées allemandes en France occupée (1940-1944), avec en couverture la photo de F.W.Günther, avec des conférences de Laurent Thiery et Jacqueline Duhem, un témoignage de Lili Rosenberg-Leignel et un article de Grégory Célerse.

NM

[1le 4 juillet 1942, Pierre Laval, le chef du gouvernement, étend l’ordre de déportation aux enfants de moins de 16 ans. Les 16 et 17 juillet, à Paris, 13 000 personnes, dont 4 000 enfants, sont arrêtées et conduites au Vél’ d’Hiv’.

[2La gare de Fives est un centre de regroupement pour les juifs de la « zone rattachée » à Bruxelles.

[3La Voix du Nord, fondateurs, Natalis Dumez et Jules Noutour

[4Maxime Steinberg, PC 15, Petit cahier N°15 - Journée d’étude du 15 décembre 2001 : - Résistance, internement et déportation dans le commandement militaire allemand de Belgique occupée et du Nord de la France B. Krouck, M. Steinberg, D. Lemaire.

[5Thomas Fontaine, Collectif Les cheminots victimes de la répression, 1940 et 1945 Mémorial, Éditions Perrin/SNCF, 2017, 1200 p.