Cercle d’étude de la Déportation et de la Shoah

Être Juif dans le Nord et le Pas-de-Calais 1939-1945

par Jacqueline Duhem
jeudi 22 décembre 2022

Être Juif dans le Nord et le Pas-de-Calais 1939-1945, Danielle Delmaire, Jean-Baptiste Gardon, Monique Heddebaut, Rudy Rigaut, Préface Claire Zalc, Postface Jacques Fredj, Éditions Tirésias-Michel Reynaud, 480 p, 2022

être juif



Enfin un ouvrage qui présente une synthèse sur le sort de la population juive se trouvant dans ces deux départements durant l’occupation allemande. Comme ceux-ci, sur décision personnelle de Hitler, ont été rattachés, déjà avant l’armistice, au commandement militaire allemand de Bruxelles, dirigé par le général von Falkenhausen, leur histoire spécifique durant la guerre n’a quasiment jamais été prise en compte dans les essais historiques consacrés à la France sous l’Occupation. Plus généralement, en se basant en partie sur les documents d’une administration vichyste très partiellement informée de la situation spécifique imposée par l’Occupant aux populations ces deux départements, des historiens ont pu, malgré eux, contribuer à leur oubli dans l’histoire de la France durant la Seconde Guerre mondiale.

Les auteurs ont effectué un minutieux travail de recherche dans les multiples fonds d’archives français et étrangers complétés avec les témoignages des survivants directs ou des familles ainsi que par de nombreuses photographies et listes de noms.

Le livre débute par un chapitre consacré à la recherche des judaïcités des deux départements avant l’été 1940, ce qui permet de nous présenter les Français israélites de la région mais aussi les Juifs étrangers venus s’y installer en particulier de 1920 à 1933. Les chapitres suivants visent à mettre en évidence l’application des politiques anti juives en insistant sur leur précocité dans la zone littorale d’où les Juifs sont expulsés dès le 17 décembre 1940. De plus, des ordonnances du commandement militaire allemand de Bruxelles du 28 octobre 1940 ont interdit le retour des Juifs de Belgique chez eux. Ceux-ci, qui ont participé à l’exode et se sont retrouvés dans le Nord et le Pas-de-Calais, y sont ainsi définitivement bloqués, étant donné la présence de la ligne de démarcation sur la Somme, et deviennent alors la cible d’opérations menées contre les Juifs étrangers par la « Délégation générale du gouvernement français dans les territoires occupés » qui organise la rafle du 18 octobre 1941.



Un chapitre complet détaille non seulement la rafle du 11 septembre 1942, jour de Rosh Hashana, de plus de 500 Juifs soit étrangers, soit « dénaturalisés » par le régime de Vichy et de leurs enfants nés en France mais aussi le sauvetage exceptionnel de 40 à 60 adultes et enfants en gare de Lille-Fives ainsi que leur prise en charge par le Comité clandestin d’aide aux Juifs.



Un autre chapitre est consacré au thème suivant : « Arrêtés, raflés, traqués dans la « guerre totale » (octobre 1942-août 1944) ». Dès l’été 1942 et jusque juin 1944, dans le cadre de la construction du « Mur de l’Atlantique » par l’organisation Todt, une douzaine de camps d’internement sont construits sur le littoral du Pas-de-Calais dont ceux de Condette,Dannes-Camiers, Étaples et Hardelot dans le Boulonnais. De juin à septembre 1942, environ 2000 Juifs de Belgique sont dirigés par convois ferroviaires vers ces camps pour servir de main d’œuvre servile. Cependant environ 1500 d’entre eux vont être déportés à Auschwitz via Malines, le « Drancy belge », dès la fin du mois d’octobre. A cette date, les nazis donnent la priorité à la « Solution finale », mise en application depuis la conférence de Wannsee du 20 janvier 1942, car il faut remplir les convois au départ de Malines vers Auschwitz... Le « Chemin des Juifs », construit en béton par les détenus pour acheminer les matériaux nécessaires à la construction des Blockhaus, est aujourd’hui un chemin de randonnée aménagé en lieu de mémoire. Il relie, à travers la forêt domaniale d’Écault, les dunes du même nom au château d’Hardelot sur la commune de Condette.

Le chemin des Juifs. Ecault

Mais une partie de ce chapitre présente aussi le fait que le Nord et le Pas-de-Calais ont servi aussi, de façon inattendue, de refuge pour des familles ou enfants juifs venant en particulier de la région parisienne après la grande rafle du « Vel’ d’Hiv’ » des 16 et 17 juillet 1942. En effet rien ne prédisposait les deux départements à servir de refuge, vu la très forte présence militaire allemande, la quasi absence de lieux faiblement peuplés et de grandes forêts pouvant abriter des maquis. La présentation de personnes concernées permet de montrer que ce processus a pu se mettre en place par l’intermédiaire de parents, d’amis, de simples relations vivant dans le nord de la France.

Enfin le dernier chapitre traite de la spoliation des biens juifs et de l’épreuve de la restitution après guerre.

En fin d’ouvrage, plus d’une trentaine de pages est consacrée aux sources, à la bibliographie ainsi qu’à un index des noms de personnes.

Stèle Chemin desjuifs. J Duhem

Chemin des Juifs, c’était le nom donné par la population locale sous l’Occupation et après-guerre.

Jacqueline Duhem

DELMAIRE Danielle, GARDON Jean-Baptiste, HEDDEBAUT Monique, RIGAUT Rudy, Être Juif dans le Nord et le Pas-de-Calais 1939-1945, Préface Claire Zalc, Postface Jacques Fredj, Éditions Tirésias-Michel Reynaud, 480 p, 2022

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