Cercle d’étude de la Déportation et de la Shoah

Une Française juive est revenue, Suzanne Birnbaum

Suzanne Birnbaum, rééd. UDA/FMS, 2003, par Laurence Krongelb
samedi 2 octobre 2010

1- lecture par Ginette Kolinka, déportée et témoin
« Il est compliqué pour moi d’étudier un livre de déportée car je le compare toujours avec mon vécu. »
J’ai connu Suzanne à Raguhn ayant été choisie à Bergen-Belsen pour travailler dans cette usine de métallurgie – comme elle j’ai été libérée à Theresienstadt(Terezin).

2- lecture et fiche à l’usage d’élèves de 3ème par Laurence Krongelb, professeure

BIRNBAUM Suzanne, Une Française juive est revenue, (document écrit en 1945), Paris, les Éditions du livre français, 1946, 199 p. (réed. UDA/FMS, 1989, 2003).
Se procurer le livre à l’Union des déportés d’Auschwitz

Une Française juive est revenue

  lecture par Ginette Kolinka

Dans sa préface lorsque Suzanne Birnbaum écrit “ le devoir des survivants est de témoigner pour que ceux qui n’ont pas vécu cette tragédie soient avertis – la méditent – prennent garde ”, je suis tout à fait d’accord avec ces trois « ordres » sans être certaine du résultat…

Son arrestation n’est pas tout à fait la même que la mienne, mais j’ai également eu un mois à peu près de prison (à Avignon puis aux Baumettes à Marseille) avant l’arrivée à Drancy.
Concernant Drancy, je suis d’accord avec elle, ce n’était pas, tout au moins pour nous, les jeunes, terrible ; les plus âgés avaient une autre opinion, je pense qu’ils devaient se faire du souci, moi, comme les autres jeunes, je ne réalisais pas.
Pour ce qui est des jours, des heures, des dates je les ai apprises par des camarades nouvellement arrivées ou à mon retour en lisant des livres : départ le 13 avril 1944 (convoi 71), arrivée le 16 avril [1], nous n’avons rien appris quant à la direction, elle parle de Metz.
Etions-nous soixante ? Ou plus dans le wagon ? Pas d’éclairage, cela j’en suis certaine. Des seaux avec de l’eau ? Une citerne pour les besoins, oui, plutôt une tinette.
Je suis d’accord avec ce qu’elle décrit pour l’arrivée – je crois que ce sont les déportés (tenues rayées) qui nous ont fait descendre des wagons, les officiers hurlaient, nous dictaient les ordres.
A propos du déshabillage, j’ai vécu à peu près le même genre de choses, mais pour moi le couloir, c’était une grande salle. Je suis d’accord avec elle, on est nue pour l’enregistrement, le tatouage et le rasage, ensuite il y a la petite salle où l’on nous rase – c’est exact, nous aussi nous avons ri de nous voir sans cheveux, un rire « jaune » très certainement.
Je parle toujours de cette distribution de vêtements, pour nous : ni châle, ni bas, juste une chemise et une ne robe ou une jupe, ni chiffon, ni chemise, mais on était arrivé en avril. Pour ma part, j’ai eu une chemise et des chaussures.

Le texte de Ginette en entier :

fiche par Ginette Kolinka

 Analyse du livre à l’usage d’élèves de 3ème

Suzanne Birnbaum, Une Française juive est revenue
Par Laurence Krongelb, professeure

Suzanne BIRNBAUM née le 15/07/1903 à PARIS. Déportée à Auschwitz par le convoi n° 66 au départ de Drancy le 20/01/1944.

PRESENTATION DE L’OUVRAGE
Ce document a été écrit en 1945, au retour de déportation. Publié une première fois dès 1946, ce livre est redécouvert grâce à une troisième réédition en 2003.
Son auteure, Suzanne Birnbaum a 40 ans en 1944. Elle vit à Paris où elle tient un petit magasin de couture.
Des miliciens viennent l’arrêter le 6 janvier 1944 uniquement parce qu’elle est juive.
Déportée à Auschwitz-Birkenau, elle y reste jusqu’au mois de novembre 1944. Sans savoir pourquoi, elle quitte alors Birkenau pour Bergen-Belsen, non loin de Hanovre (novembre 1944-février 1945) ; puis, elle fait partie d’un autre transport pour le camp de Raguhn en Saxe (février 1945 - avril 1945). En avril, elle se retrouve à Theresienstadt, en Tchécoslovaquie, où elle est enfin libérée.

LE TRAVAIL CONCENTRATIONNAIRE
Suzanne est grande, 1m70, et forte quand elle arrive à Birkenau. Après la quarantaine, elle est affectée à un Kommando de travail.
Suzanne reste dix mois à Birkenau, de janvier à octobre 1944. Elle est affectée successivement à trois Kommandos.
Réveillée à 3h30 au coup de sifflet et à coups de bâton sur les jambes, par les Stubowas (p. 37), il ne fallait pas espérer une minute de repos jusqu’à l’appel du soir, vers 7 heures (p. 38). Les journées sont éreintantes.
p. 37.
LE KOMMANDO 22, DIT DES MARAIS, extrait

journée de travail au Kdo des Marais

« Quelle journée ! Douze heures de marche forcée. Ployant sous les charges impossibles à porter, glissant, tombant, frappées. » (p. 39)
« Tous les quinze jours, il fallait renouveler, remplacer les manquantes, car les trois-quarts des femmes mouraient. » (p. 40)
De tous les Kommandos, il s’agit certainement de l’un des plus pénibles et des plus inutiles aussi. L’objectif est d’édifier un talus avec de la boue transportée dans des « Tragues » (caisses en bois portatives) :
p. 38.
. un premier groupe charge les « Tragues » de boue,
. un deuxième groupe les dépose 200 m plus loin pour édifier un talus,
. un troisième groupe aplatit le talus avec de gros piliers de bois lourds.
Cependant la pluie et la neige détruisent régulièrement ce travail.
Qu’importe, il faut recommencer. L’objectif inavoué n’est-il pas de tuer aussi par épuisement ? !
Suzanne est si fatiguée qu’elle perd tout appétit (p. 41). C’est pourquoi, elle décide « d’essayer l’autre Kommando, celui des « pierres », le Kommando 105 ».
Il est à noter que les femmes de son Block avaient effectivement le choix entre « le marais » ou les « pierres » (p. 37).
p. 41.
LE KOMMANDO 105 LES « PIERRES »
« Il fallait porter du matin au soir des blocs de granit avec lesquels on pavait les routes » (p. 41).
Chaque femme portait « sous le bras, appuyée sur la hanche, une pierre de 6 ou 7 kilos, parfois encore plus lourde. Nous faisions 500 m comme ça. Nous posions et nous repartions en chercher une autre. Cela faisait aussi, au bout d’une journée, 25 ou 30 km de marche » (p. 41).
Travail éreintant là aussi. Les « tripotées de coups » pleuvaient sur celles qui prenaient une pierre trop légère. Constat de Suzanne : « Ce n’était pas mieux que le Kommando des marais » (p. 41).
p. 83.
LE KARTOFFELBUNKER : LE KOMMANDO DES POMMES DE TERRE
Suzanne y passe 5 mois (sur les 10 mois à Birkenau) les moins pénibles de sa captivité (p. 83) bien que la Kapo soit « terrible et la plus brutale de toutes ».
Elle y fait différentes besognes (p. 83-84) :
. décharge les wagons de pommes de terre ou de rutabagas,
. trie les pommes de terre pour les caves de réserves et les silos,
. épluche et coupe les rutabagas pour les faire macérer dans le salpêtre et les conserver,V
. aplanit ou creuse les champs pour y enfouir les provisions d’hiver,
. passe les pommes de terre au tamis :
« les grosses pour les SS, gardiens des camps »,
« les petites et les pourries pour les cochons, c’est-à-dire pour les Juifs ».
En outre, ce Kommando offre un très grand avantage. Il permet d’ « organiser » des pommes de terre, c’est-à-dire de les voler (p. 83).
« Organiser » permet de survivre. Chaque jour gagné est une espérance nouvelle et un pied de nez à l’administration et au système nazis.
Contre 6 ou 8 pommes de terre, on peut échanger : « une ration de pain ou de saucisson, de la marmelade ou de la margarine ou du linge ou des vêtements… du mitigal, précieux contre la gale » (p. 84).
Blockowas et Stubowas sensibles aux « petits cadeaux » se montraient « reconnaissantes » : pas de corvées et une plus « grande » considération.
LES AUTRES KOMMANDOS MENTIONNES DANS LE LIVRE
En effet, dans le camp, il existait bien d’autres Kommandos :
p. 67. LA COUTURE, LE TRICOT, LA WEBEREI (usine de tissage pour l’aviation).
p. 81. LA LEDERFABRIK (cuir)
p. 90. LE « CANADA »
« Il fallait rassembler tous les colis, valises et paquets que les gens, arrivant en convoi de tous les pays, jetaient obligatoirement sur le quai du train. »
« Il y avait également à trier tous les vêtements que laissaient les gens gazés ou non à l’arrivée, que l’on déshabillait. »
« Les femmes et les hommes employés au « Canada » s’arrangeaient pour sortir toutes sortes de choses » (p. 91). Ils pouvaient ainsi les échanger.
p. 91. LE SONDERKOMMANDO
« Des hommes chargés de gazer les convois arrivant » (p. 91). La tâche certainement la plus dégradante et la plus inhumaine. Bien que Suzanne rappelle que ces hommes « organisaient » et pouvaient échanger or et bijoux avec ceux du « Canada », il n’en est pas moins vrai que ces mêmes hommes étaient voués à une mort certaine, les SS effaçant tous témoins de leurs crimes.
La libération du camp de concentration de Theresienstadt a eu lieu le 8 mai 1945 par l’armée rouge.
fiche pédagogique pour des élèves de troisième :

Fiche 3 ème

Film documentaire, Auschwitz, premiers témoignages, d’Emil Weiss :
http://www.emilweiss.com/auschwitz.htm
« Les témoignages de ce film, celui de Dr. Marc Klein sur Auschwitz I et Rajsko, celui de Suzanne Birnbaum et Dr. Robert Levy sur Auschwitz II Birkenau et celui de Dr. Robert Waitz sur Auschwitz III Monowitz ont tous les quatre été écrits dans les jours qui ont suivi leur retour de captivité. »

« La représentation des camps de la mort, de 1945 à nos jours »
http://television.telerama.fr:80/television/la-representation-des-camps-de-la-mort-de-1945-a-nos-jours,64864.php

BIRNBAUM Suzanne, Une Française juive est revenue, (document écrit en 1945), Paris, les Éditions du livre français, 1946, 199 p. (réed. UDA/FMS, 1989, 2003).
Livre disponible à l’Union des déportés d’Auschwitz

N.M. 2010-2011

[1Ginette Kolinka a été déportée avec son père, Léon Cherkasky, son frère, Gilbert, et son neveu, Georges Marcou.


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