Cercle d’étude de la Déportation et de la Shoah

Historiciser le mal, fiche de lecture

par Martine Giboureau
dimanche 29 mai 2022

Fiche de lecture des commentaires des historiens de la nouvelle traduction.

"Historiciser le mal"

Cette fiche de lecture propose de donner à lire et à comprendre, un travail très approfondi d’historiens, intitulé Historiciser le mal ‒ Une édition critique de Mein Kampf, livre de 847 pages, édité par Fayard en 2021. La nouvelle traduction des 24 chapitres du livre écrit par Adolf Hitler, suite à l’échec du putsch tendant à renverser la République de Weimar et à son enfermement dans la forteresse de Landsberg, est précédée de longues introductions (27) et assortie de notes (près de 3 000) faisant le point à partir de multiples recherches et publications historiques.

L’équipe scientifique franco-allemande, dirigée par Florent Brayard, directeur de recherche au CNRS, et Andréas Wirsching, directeur de l’Institut für Zeitgeschiste de Munich, co-éditeur, s’est entourée d’un comité scientifique international dans lequel on relève les noms de Denis Peschanski, Renée Poznanski et Henry Rousso.

Si Mein Kampf est devenu un « objet historique », c’est d’abord parce que ce livre a été tiré à 12,5 millions d’exemplaires, distribués ou vendus, soit 1 122 éditions de 1925-1926 jusqu’à l’automne 1944, et qu’il est, d’après l’universitaire anglais Ian Kershaw, « L’exposé le plus clair et le plus ample qu’Hitler eût jamais présenté de ses vues ». Et il ajoute : « Il n’a procédé qu’à des ajustements tactiques sans jamais modifier fondamentalement sa vision du monde ».

Un autre biographe, Joachim Fest, estime que le livre dresse « un portrait fidèle de son auteur, dont le souci constant de ne pas être percé à jour trahit, par là même, sa véritable personnalité », d’où la nécessité de relever les erreurs factuelles, les interprétations fausses ou biaisées de l’histoire allemande ou européenne. Plus encore, c’est que l’analyse critique de ce livre programmatique confronté à l’étude des faits historiques permet de comprendre comment ce chef du parti national-socialiste des travailleurs allemands, devenu le Führer, a, par étapes, réorienté sa stratégie de conquête du pouvoir. Il l’a exercé après avoir emprunté, en les radicalisant, beaucoup de courants de pensée ultra-nationalistes, racistes et antisémites, en neutralisant ses alliés et ses partenaires, en détruisant des adversaires politiques, à commencer par les communistes, et des minorités comme les Juifs et les Tsiganes, transformés en ennemis.

Il a développé un appareil d’État centralisé au service d’une politique criminelle, dérivée d’un antisémitisme obsessionnel. L’étude de la Première Guerre mondiale, revécue comme mémoire héroïque et traumatique, donne à lire l’engagement dans une guerre de revanche et de conquêtes comme une fuite en avant, sans issue autre que la victoire ou l’anéantissement.

Marie Paule Hervieu

Fiche de lecture des commentaires des historiens de la nouvelle traduction et édition de Mein Kampf par Martine Giboureau, mars 2022 :

Fiche de lecture à télécharger

Florent BRAYARD et Andreas WIRSCHING, (sdl), Historiciser le Mal, une édition critique de Mein Kampf, traduction Olivier Mannoni, Fayard, 2021