Cercle d’étude de la Déportation et de la Shoah

GARTENSTEIN-SAUVARD Sarah

vendredi 1er avril 2022

Sarah Gartenstein-Sauvard, 31 ans en 1944, Survivante

Sarah, dite aussi Sylvie, Gartenstein est née le 10 mars 1913 à Vadu-Ruscu, un village de Bessarabie, région située en Roumanie, à cette époque. Les Juifs y représentent 8% de la population. Les actes antisémites et les pogroms y sont nombreux. Dans ce contexte, Sarah Gartenstein quitte la Roumanie.

Photographie d’avant-guerre non datée de Sarah Gartenstein


On la retrouve le 4 août 1937 à l’ hôpital de Vich, près de Barcelone. Elle est membre du service sanitaire international, chargé de soigner les républicains espagnols blessés, au cours de la guerre d’Espagne. Elle rencontre alors Maurice Sauvard, brigadiste français parti combattre aux côtés des Républicains espagnols dès 1936. Blessé le 1er mai 1937, il est retiré du front et hospitalisé pendant 6 mois. Rétabli, il devient commissaire politique à l’hôpital de Vich. Il fait la connaissance de Sarah Gartenstein avec laquelle il se marie, mariage confirmé en septembre 1939 en France, lorsqu’ils sont rapatriés. Dans le droit fil de leurs engagements, Sarah et Maurice Sauvard, deviennent résistants à Paris, dans le 14ème arrondissement où vivait Maurice Sauvard avant son départ en Espagne. Ils habitent alors au 18, rue Hippolyte Mandron.

Maurice Sauvard devient responsable d’un groupe de jeunes FTP-F du 14ème arrondissement dès 1940. Il effectue des sabotages de véhicules, une attaque à main armée d’un officier allemand au Parc Montsouris. Mais aussi fournit des faux papiers à des réfractaires, diffuse la presse clandestine du parti communiste. Sarah Sauvard a dû participer à ces diffusions car le motif de son arrestation en 1944 est "arrêtée pour propagande patriotique". En attendant, le 16 mai 1942, les Brigades spéciales les arrêtent tous les deux, dans le cadre de l’affaire Bloch-Sérazin. France Bloch est juive et communiste. Elle est accusée d’avoir fabriqué dans son appartement des explosifs. Maurice et Sarah Sauvard figurent parmi ses éventuels complices. France Bloch sera exécutée à Hambourg et 19 des prévenus inculpés seront fusillés le 21 octobre 1942 au stand d’Issy-les-Moulineaux. Les époux Sauvard sont finalement libérés le 16 octobre 1942, après avoir été internés 6 mois à la prison de la Santé.

Mais leur dossier est désormais dans les mains de la Gestapo, notamment celui de Sarah Sauvard, juive d’origine étrangère et soupçonnée de "propagande anti-nationale avec les communistes". Elle est donc retrouvée. Le 10 juin 1944, elle est arrêtée à son domicile sur ordre du service du 4ème bureau de la Gestapo chargé des affaires juives. Elle est internée au camp de Drancy dès le lendemain de son arrestation. Elle reçoit le numéro matricule 23852 et la fiche de son carnet de fouille dit qu’elle remet au chef de la police du camp la somme de 1218 francs, puisque chaque interné devait remettre argent et objets de valeur à son arrivée au camp. Elle reste près de 3 semaines à Drancy jusqu’au moment où les nazis ont rassemblé les 1153 déportés qui vont former l’avant-dernier convoi Drancy-Auschwitz, le 76ème convoi parti de Drancy à la date du 30 juin 1944.

Le voyage qui dure quatre jours, par une chaleur torride, est particulièrement épuisant pour ces familles entassées dans un wagon à bestiaux plombé. Le 4 juillet, le convoi entre à l’intérieur du camp de Birkenau sur la "rampe d’Auschwitz" où a lieu la sélection. Jeune, Sarah Sauvard entre au camp de femmes de Birkenau, comme 223 femmes de ce convoi, alors que 270 sont gazées dès l’arrivée du convoi.

Je n’ai pas recueilli de témoignage la concernant, mais il est noté dans son dossier de déportée qu’elle a été libérée au camp de Ravensbrück. Puis, en mai 1945, un laisser-passer est établi à son nom à Stockholm. Elle a donc fait partie des 600 femmes évacuées du camp de Ravensbrück vers la Suède par la Croix-Rouge le 23 avril 1945. Selon les témoignages de déportées, elles y reçurent un accueil chaleureux des services humanitaires suédois, d’infirmières volontaires qui se sont mises au service de ces femmes épuisées.

Photographie de Sarah Sauvard, apposée sur son laissez-passer, en mai 1945 peu avant son rapatriement.


Sarah Sauvard est rapatriée en France le 25 juillet 1945. Très amaigrie, selon les photographies, mais rescapée. Il est possible, étant pharmacienne, qu’elle ait travaillé au "Revier" du camp, ce qui, selon les dires de toutes les déportées rentrées, représentait une chance de survie. Elle retrouve son mari, ils habitent à la même adresse, dans le 14ème arrondissement. La mère de Sarah Sauvard a rejoint sa fille à Paris où elle vit avec le couple, selon le recensement de 1946.

Maurice Sauvard décèdera en novembre 1947, des suites de son internement, est-il dit. Sarah Sauvard repart en Roumanie en 1948.

Cette jeune Roumaine a ainsi connu, dans un temps assez court les grands évènements de son époque, la guerre d’Espagne, en tant qu’infirmière volontaire, l’exil en France où elle devient résistante et enfin la déportation comme juive dans un centre de mise à mort.

Sources : DAVCC Caen AC27P 7662- Mémorial de la Shoah- Préfecture de Police -

Elles étaient juives et résistantes-Convoi 76, Chantal Dossin, Éditions Sutton, Tours, 2018

Sources : DAVCC AC21P277662

Chantal Dossin

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