Cercle d’étude de la Déportation et de la Shoah

Homosexuels et lesbiennes dans l’Europe nazie

Mémorial de la Shoah, par Catherine Monjanel
lundi 7 février 2022

Dans l’Allemagne nationale-socialiste, les homosexuels sont perçus comme une menace contre l’idéal de « l’État viril » et la natalité.

Homosexuels et lesbiennes dans l’ Europe nazie

Mémorial de la Shoah, 17 rue Geoffroy l’ Asnier 75004 Paris, jusqu’au 6 mars 2022.

Cette exposition, consacrée à la persécution des homosexuels et lesbiennes en Allemagne et dans les territoires conquis par le Reich, débute par l’exposé des combats menés par Magnus Hirchfedl ( 1868-1935), homosexuel et Juif, qui lutta pour l’abrogation de l’article 175 du code pénal allemand [1], qui punissait très sévèrement les relations homosexuelles. Dans les années 1920, Hirchfedl met en place une stratégie de lutte militante ; conférences, pétitions, tracts, journaux et revues visant à une émancipation et à une reconnaissance des homosexuels et des lesbiennes mais sans succès.

L’arrivée des nazis, en 1933, renforce encore davantage l’étau sécuritaire et policier autour d’eux. Les journaux et revues sont interdits, les clubs fermés, les homosexuels pourchassés et notamment les plus « visibles », tels les travestis et prostitués. Les lesbiennes semblent avoir été « oubliées » dans cette chasse aux sorcières. Les nazis leur ont manifesté une certaine tolérance à la condition qu’elles se fassent discrètes [2]. Néanmoins, les plus « voyantes » ont été déportées mais à l’ inverse de leurs camarades garçons elles ne portèrent pas le triangle rose mais le noir, celui des asociales, sans qu’on connaisse la ou les raisons de ce distinguo.

Il existait pourtant, tant dans la SA que dans la SS un certain nombre d’ homosexuels, le plus célèbre était le capitaine Röhm ( 1887-1934), ami personnel d’ Hitler et chef des sections d’ assaut (SA). Il fut liquidé au cours de la nuit « des longs couteaux » ( plus pour des raisons de stratégies politiques que pour ses mœurs).

La répression puis la persécution s’ accentuent avec la prise de pouvoir de Himmler sur l’appareil sécuritaire du Reich. Les homosexuels sont déportés dans les camps de Dachau et Lichtenburg. Ils subissent de mauvais traitements, sont considérés comme la lie du camp. Certains deviennent les « protégés » des kapos et selon les témoignages d’anciens déportés se montrent aussi brutaux que leurs protecteurs. Les plus chanceux sont libérés au terme d’ une condamnation à temps, d’autres encore après une « rééducation » sont versés dans la Wehrmacht. D’autres encore sont purement et simplement assassinés. Ainsi 180 à 200 homosexuels sont assassinés dans le camp de Klinkerwerk [3] entre juillet et septembre 1942.

De même, dans le livre de Germaine Tillion [4], Ravensbrück, page 331, le témoignage d’ un ancien Blockältester [5]. qui précise que « 40 homosexuels, habillés de neuf et à qui on avait dit qu’ils allaient être versés dans l’ armée […] auraient été utilisés pour des essais de gazage, près de Berlin ». Selon l’ historien Allemand Klaus Müller, 100.000 hommes ont été arrêtés entre 1933 et 1945, 4000 survécurent.

La répression en France ne fut en rien comparable avec celle de l’ Allemagne ou de l’ Autriche. Des sujets français ont été arrêtés et persécutés, mais c’est en Alsace ou en Moselle, territoires annexés et rattachés au Reich, comme Pierre Seel [6] ( 1923-2005) déporté, puis versé dans la Wehrmacht et fait prisonnier par les Russes. La plupart des Alsaciens et Mosellans ont été déportés dans le camp de Schirmeek ou dans celui de Natzweiller-Struthof.

Quant à ceux, hommes ou femmes, tant de la zone occupée que de la zone dite libre, ils n’ont pas été inquiétés. Jean Cocteau, Suzy Solidor, André Gide, Henry de Montherlant, Violette Moriss ( cette dernière stipendiée de la Gestapo), Jean Genet et tant d’autres n’ont jamais été convoqués, tracassés ni même interrogés par la police de Vichy en raison de leur choix de mœurs.

Deux thuriféraires du régime de Vichy ont même été des collaborateurs actifs. Abel Bonnard, ministre de l’Instruction publique du gouvernement Pétain, surnommé dans le petit monde de la collaboration « Gestapette » ou « la belle Bonnard » et Bernard Fay alias « Bernadette », ce dernier, directeur de la BNF et contempteur de la Franc-maçonnerie et des francs-maçons, principal organisateur du Service des sociétés secrètes.

Tous ces gens-là, invertis (pour reprendre la terminologie de l’époque) notoires ont passé toute l’Occupation sans que leur choix de vie sexuelle leur apporta un quelconque ennui.

D’autres pays européens, sous le joug nazi, firent subir des mauvais traitements à leurs nationaux homosexuels, mais l’immense majorité des victimes furent allemandes ou autrichiennes.

Catherine Monjanel.

[1Le paragraphe 175 est l’article 175 du Code pénal allemand (Strafgesetzbuch), qui criminalisait l’homosexualité masculine, de 1871 à 1994

[2Depuis l’antiquité jusqu’ à nos jours, les Lesbiennes ont été les grandes oubliées de l’ Histoire, cela est regrettable mais pour la période 1933-1945, on ne peut que s’en réjouir...

[4Germaine Tillion, Ravensbrück, collection Points, 1988.

[5Chef de Block

[6Pierre Seel, Moi, Pierre Seel, déporté homosexuel, Calman-Lévy, 1994.