Cercle d’étude de la Déportation et de la Shoah

Libération du territoire : la Corse

mardi 22 octobre 2013

« Debout la Corse pour la libération du joug allemand. Vive la France ! Vive la Corse libre ! »
La Corse a été le premier département français libéré

CNRD 2014 : libération du territoire : le cas de la Corse

Si les débarquements du 6 juin et 15 août 1944 marquent la libération de la France « hexagonale » (consulter sur la notion de « territoire » ), la Corse, elle, a été libérée dès l’automne 1943.

I. Situation de la Corse fin 1942

la Corse a connu depuis le début du XXème siècle, les mêmes traumatismes que le reste de la France : 11 000 morts en 14-18 ; clivages politiques entre les adeptes du Front Populaire et la droite + l’extrême-droite entre les deux-guerres ...
Mussolini, arrivé au pouvoir en Italie en 1922, revendique la Corse (ainsi que la Tunisie, la Savoie, Djibouti ...)
4 décembre 1938 : des Corses se mobilisent contre le fascisme et prêtent le serment de Bastia : « ... nous jurons de vivre et de mourir Français  »
10 juin 1940 : Mussolini déclare la guerre à la France ; bombardements italiens sur la Corse
8 juillet 1940 : installation des premières troupes italiennes
11 novembre 1942 : les 80 000 hommes du VIIe Corps d’armée italien s’installent en Corse, puis en juin 1943 arrivée de 14 000 Allemands = double occupation (soit un occupant pour deux Corses, la population étant alors d’environ 200 000 Corses)
la Résistance se renforce à partir de 1942

II. Libération de la Corse (chronologie)

14 décembre 1942 : envoi de la mission Pearl Harbour à bord du sous-marin Casabianca (Voir ci-dessous) en vue de constituer des réseaux de résistance
janvier 1943 : échec de la première tentative d’unification des résistants corses (Fred Scamaroni, 28 ans, mandaté par le général de Gaulle est arrêté, torturé et se suicide avec du fil de fer, le 19 mars 1943 : son réseau est démantelé). Chef du réseau action R2 Corse.
4 avril 1943 : Paul Colonna d’Istria est envoyé par le général Giraud pour fédérer les résistants et permettre le débarquement d’un corps expéditionnaire partant d’Algérie
le Casabianca débarque en plusieurs missions agents, armes, munitions
http://itineraires-liberation-corse.fr/appli/1140
8 septembre : proclamation de l’armistice signé secrètement le 3 septembre entre l’Italie (représentée par le maréchal Badoglio) et les Alliés ; les troupes italiennes cessent le combat mais les Allemands, eux, continuent la guerre alors que le commandant général des forces armées italiennes, Giovanni Magli, se rallie aux résistants corses. Combats à Bastia entre Italiens et Allemands ; fraternisation entre Italiens et Corses.
L’insurrection commence à Ajaccio
9 septembre : les résistants lancent l’insurrection ; le Comité départemental du Front National [1] investit la préfecture à Ajaccio ; les résistants s’emparent aussi sur l’ensemble de l’île des postes de maires, de sous-préfets ; des collaborateurs sont arrêtés, des prisonniers politiques sont libérés ; combats en divers points de l’île les jours suivants.
http://www.youtube.com/watch?v=kOtS6T7jBf4&feature=youtube_gdata
12 septembre : Hitler ordonne l’évacuation de la Sardaigne et de la Corse : nombreux combats ; Bastia est reprise par les Allemands le 13 septembre.
13 septembre au matin : débarquement à Ajaccio du 1er bataillon de choc amené par le Casabianca (opération ’’Vésuve’’ organisée par Giraud)
14 au 17 septembre : arrivée des 1er régiments de tirailleurs marocains, spahis, goumiers, éléments de l’artillerie et du génie, au total plus de 6 000 hommes et 400 tonnes de matériel (armes, jeeps, carburant et vivres ...)
Les troupes du général Henry Martin, appuyées par 12 000 résistants armés par les services spéciaux, mènent une guérilla dans toute l’île contre les blindés du général Von Senger und Etterlin qui traversent la Corse pour rejoindre le front italien face aux Alliés ayant débarqué en Sicile le 10 juillet 1943 et au sud de Naples le 9 septembre ; combats entre autres affrontements au col de San Stafano et le 3 octobre bataille du col de Teghime(Voir ci-dessous) enlevé par les Marocains
30 septembre : raid destructeur de la Luftwaffe sur le port d’Ajaccio
4 octobre : Bastia est libérée mais dévastée par les combats et bombardements.
L’île dépend dorénavant d’Alger.
7 octobre 1943 : tournée de De Gaulle en Corse

III. Libération de la Corse = évocation de deux temps forts

le Casabianca [2]

27 novembre 1942 : les Allemands arrivent dans le port de Toulon au petit matin, cernent les bâtiments militaires, font des prisonniers : la division SS Das Reich est en train d’investir le port.
Le commandant L’Herminier donne l’ordre à l’équipage du Casabianca de larguer les amarres et foncer pour briser la panne qui barre l’entrée de la rade. Trois avions descendent sur le sous-marin et lancent des mines magnétiques qui peuvent interdire la sortie. Il est alors décidé de plonger.
La profondeur est à peine suffisante mais le Casabianca passe au prix de quelques avaries. Pendant ce temps, la Flotte se saborde sous des bombardements allemands : un immense nuage de fumée noire s’élève sur Toulon.
Sans ordre des autorités libres, le Casabianca fait route le 28 novembre vers le Sud et arrive à Alger le 30 novembre. L’Herminier est reçu par Darlan.
Plusieurs missions sont alors accomplies par le Casabianca entre l’Algérie et la Corse, en 1942 – 43 :
13-14 décembre 1942 : débarquement en Corse de 5 agents de renseignement + un poste émetteur + 60 mitraillettes Sten (mission ’’Pearl Harbour’’ ; voir ci-dessus)
5 février 1943 : débarquement d’hommes, armes, matériel
10 mars 1943 : difficultés du fait des conditions météo pour débarquer plusieurs tonnes de matériel
30-31 juillet 1943 : nouvelle livraison de matériel
5-6 septembre 1943 : débarquement d’agents de renseignement, d’armes anti-tanks et embarquement vers Alger de Arthur Giovoni, membre influent de la résistance corse
12-13 septembre 1943 : entrée dans Ajaccio de 109 hommes du Bataillon de choc (avant-garde de l’opération ’’Vésuve’’ préparée depuis Alger par Giraud) amenés par le Casabianca qui apparaît ainsi comme le premier navire libéré à entrer dans un port libéré.

Faire sauter le « bouchon » de Teghime :
Le Montcalm venant d’Alger est entré dans le port d’Ajaccio le 23 septembre 1943 avec à son bord le 2e GTM4 (groupe de Tabors marocains).
Le 25 septembre, un premier fait d’armes des Tabors, aidés par les résistants, permet de tuer huit Allemands et de faire une vingtaine de prisonniers.
Le 28 septembre le 2e GTM est chargé de prendre le col de Teghime (l’objectif final est d’empêcher les Allemands de ré-embarquer à Bastia).
Le 29, les Goums font des reconnaissances et prennent contact avec les Italiens. La stratégie est complexe et sa mise en oeuvre souffre de la pluie battante et/ou du brouillard et du nombre insuffisant de mulets.
L’avancée des différents groupes toutefois se déroule comme prévu jusqu’au 1er octobre où un accrochage entre des Goumiers et les Allemands se révèle meurtrier et oblige à un repli. Le journal de marche du 2e GTM indique : « L’affaire est manquée. La surprise a finalement joué contre nous. Teghime est une trop grosse affaire pour un Tabor seul. »
Le samedi 2 octobre, le 15e Tabor, le 47e Goum, le 74e Goum conjuguent leurs efforts. Les pertes sont lourdes, les Allemands s’accrochent jusqu’au dernier moment mais évacuent finalement la place : le col est pris.
Les soldats récupèrent le 3 octobre : la troupe n’avait pas été ravitaillée depuis le 29, les animaux depuis le 28 septembre.
victoire de Bastia
Le lundi 4 octobre, le capitaine Then et quelques hommes occupent l’hôtel de ville de Bastia dès 6h30. Toutefois, les Bastiais doivent encore subir un bombardement américain (erreur dans la transmission d’informations) ce même lundi à 10h.

La Corse est libérée.

(le quotidien Corse Matin a publié à l’occasion du 70ème anniversaire de cette libération de très nombreux documents qui sont la source essentielle de cet article.

consulter aussi :
« A 10h, nous entrons à Ajaccio au milieu des acclamations. Des drapeaux surgissent de chaque portail. Le cortège se transforme en une irrésistible marée humaine ». Maurice Choury : Tous bandits d’honneur !
http://tousbanditsdhonneur.fr/doku.php?id=index

Roberto Battistini, Corse 1943 : Les Combattants de La Liberté, 2013 :
Les amoureux de la Corse-1943, les combattants de la liberté

Collection « mémoire et citoyenneté » n°35 du Ministère de la défense,
La libération de la Corse ( 9 septembre 1943-4 octobre 1943) : http://www.defense.gouv.fr/content/download/100778/978486/file/MC35.pdf‎

Des documents (photos et films) concernant la libération de la Corse sont consultables sur le site de l’ecpad (Établissement de communication et de production audiovisuelle de la Défense) :
http://www.ecpad.fr/la-liberation-de-la-corse-9-septembre-4-octobre-1943
http://www.ecpad.fr/casabianca-un-sous-marin-francais
Le musée de la résistance nationale fournit des précisions
sur l’occupation italienne :
http://www.musee-resistance.com/spip.php?article216
Sur Jean Nicoli :
http://www.musee-resistance.com/spip.php?article127

Martine Giboureau, octobre 2013

et aussi :

Hélène Chaubin, La Corse à l’épreuve de la guerre, éd Vendemiaire
Commandant L’Herminier, CASABIANCA, France-empire, 1949
Paul Silvani, Et la Corse fût libérée, éd Albiana
Casabianca, film de Georges Péclet, avec Jean Vilar :
http://casadilume.free.fr/Pdf/livret%20casabianca.pdf

Cf. Les juifs en Corse :
DVD (2) : « Aide aux juifs persécutés pendant l’Occupation »

Mémoire en marche sur les traces des tirailleurs sénégalais de 39-45 :
http://julien-masson.fr/memoire-en-marche-2/

[1Le Front National de lutte pour la libération et l’indépendance de la France, est une organisation politique de la Résistance intérieure française créée par le Parti communiste français (1941-1949)

[2Sous-marin lancé en 1935 ; 79 hommes et 5 à 6 officiers ; 92,30m de longueur ; vitesse en surface : 20 noeuds ; vitesse en plongée :10 noeuds ; armement : 11 tubes lance torpilles, 1 canon, une mitrailleuse


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