Cercle d’étude de la Déportation et de la Shoah

"Les mille et une vies d’Alexander von Falkenhausen" de Jacqueline Duhem

mardi 7 juillet 2020

Un personnage complexe. Adversaire d’Hitler, un nationaliste conservateur attaché à sa fonction de militaire, un chevalier sans peur ni reproche ou un criminel de guerre ?

Les mille et une vies d’Alexander von Falkenhausen de Jacqueline Duhem, Les Lumières de Lille, 2020

Alexander von Falkenhausen

Après l’école des cadets, Alexander von Falkenhausen (1878 - 1966), aristocrate prussien, a servi sous l’Empire allemand, la République de Weimar et le IIIe Reich. Il a participé, entre autres, à la répression contre la révolte des Boxers en Chine, a été attaché militaire au Japon, a combattu dans l’Empire ottoman pendant la Première guerre mondiale...
De retour en Chine comme conseiller militaire de Tchang Kaï-chek, il revient sur ordre, en 1938, en Allemagne, où il prend contact avec des résistants au sein de l’armée.

Rappelé en 1939, le général Alexander von Falkenhausen a gouverné les Pays-Bas, puis la Belgique et le Nord-Pas-de-Calais du 22 mai 1940 au 15 juillet 1944. (Befehlshaber der Militärverwaltung in Belgien und Nordfrankreich). Il a certes signé les décrets sur la spoliation des Juifs, leur déportation, l’arrestation de résistants, l’exécution d’otages (prisonniers politiques), mais d’un autre côté, il a été démis de ses fonctions pour avoir été "trop clément" envers la population [1], raconte-t-il dans ses Mémoires [2].

Après l’attentat du 20 juillet 1944, auquel il ne participa pas, il aurait contacté Günther von Kluge, chef des armées de l’ouest, pour lui demander de se rendre, mais il a comme réponse : « Maintenant que le porc n’est pas mort, je ne peux rien faire (Jetzt, wo das Schwein nicht tot ist, kann ich nichts machen.). »

Sans preuves, il n’est pas jugé, mais il est interné à Buchenwald et Dachau avec des personnalités qui par la suite, sont transférées comme otages dans le Tyrol du sud. Il devient prisonnier de guerre des Américains.

Mais son passé le rattrape. Il est condamné à douze ans de travaux forcés pour sa participation aux mesures antijuives, l’arrestation et la détention de 25 000 juifs, l’exécution d’otages, la déportation de travailleurs belges, par un tribunal à Bruxelles en 1951. Des témoins sont intervenus en sa faveur. Il est libéré au bout de trois semaines après 51 camps et prisons.


On peut commander le livre chez l’éditeur ou en librairie.
Frédéric Lépinay, Les Lumières de Lille, 3, avenue Poincaré, 59700 Marcq-en-Baroeul
www.leslumieresdelille.com

Crimes et criminels de guerre allemands dans le Nord-Pas-de-Calais de Jacqueline Duhem
Les responsabilités du commandement militaire allemand dans les déportations depuis le Nord de la France

On peut écouter un extrait d’une interview du général Von Falkenhausen à la RTBF en 1960
http://euscreen.eu/
Il figure sur le site de la Résistance allemande [3] à Berlin :
https://www.gdw-berlin.de/vertiefung/biografien/personenverzeichnis/biografie/view-bio/alexander-freiherr-von-falkenhausen/

Petit Cahier N°26 – Forces de répression françaises et allemandes en France occupée. 1940-1944, dans les politiques de répression, de fusillades et de déportations des Juifs, Tsiganes, résistants, Édition du Cercle d’étude de la Déportation et de la Shoah, 2018, 172 p.

DUHEM Jacqueline, Crimes et criminels de guerre allemands, de 1940 à nos jours, dans le Nord-Pas-de Calais , éd. Les Lumières de Lille, 2016
STEINBERG Maxime, La persécution des Juifs en Belgique (1940-1945), éd. Complexe, 2004.

Von Falkenhausen, jugé trop mou dans la répression, est démis de ses fonctions et arrêté à son arrivée en Allemagne. Il est remplacé par le SS-Gruppenführer Jungclaus pour lutter contre les actes de sabotage.

N.M.

[1L’administration SS qui voudrait prendre la main sur la région, se plaint sans cesse. Cf. https://www.journalbelgianhistory.be/nl/system/files/article_pdf/article_dejonghe_1984_1_part2.pdf

[2Mémoires d’outre-guerre, Alexander von Falkenhausen, Arts et voyages, 1974, rééd. Jourdan, 2019

[3Il a des contacts avec Ludwig Beck et Carl Goerdeler, avec des opposants à l’Abwehr (Canaris), au ministère des affaires étrangères et avec des membres du Cercle de Kreisau. Il est ami avec Helmuth James Graf von Moltke, Ulrich von Hassell et Carl-Heinrich von Stülpnagel.