Cercle d’étude de la Déportation et de la Shoah

Anise Postel-Vinay

dimanche 31 mai 2020

Anise Postel-Vinay, née Girard, résistante, déportée NN à Ravensbrück, est décédée. Elle avait témoigné pour les élèves au lycée Edgar Quinet, puis pour le Cercle d’étude.

Anise Postel-Vinay, photo NM, 2014

Anise Postel-Vinay est née en 1922, dans une famille originaire de l’est de la France, le père est du Jura, la mère d’Alsace, ce sont des catholiques républicains. Elle a été chez les Éclaireurs neutres. Elle décide de faire des études d’allemand. Le 17 juin, Pétain annonce à la radio que, « dans l’honneur », il allait demander l’armistice à Hitler. Que pouvait-on faire ? Le 11 novembre 1940 elle est à la manifestation à l’Arc de triomphe.

Faire quelque chose, mais quoi ? Il fallait aider les Anglais mais sa mère ne veut pas qu’elle parte seule en Angleterre. Dessiner des croix de Lorraine, recopier des tracts, mais comment se rendre vraiment utile ? Sa mère trouve un contact avec la résistance en 1941. Elle a dix neuf ans. Les services secrets britanniques Gloria SMH, His Majesty’s Service, lui donnent une mission d’intérêt militaire : repérer tous les points d’attache de câbles de la ceinture de ballons et de saucisses destinés à protéger Paris du rase-motte d’avions britanniques. Avec un camarade, ils notent sur un grand plan de Paris, tous les signes gravés sur les portes des bunkers.

Arrêtée le 15 août 1942 à Paris, avec un plan du Havre où elle a noté le point de chute de bombes anglaises, envoyée à la Santé, elle prépare son évasion avec un groupe, mais elle est transférée à Fresnes, toujours isolée. Elle ne peut recevoir de colis, elle est NN [1]. Elle est transférée au fort de Romainville. Elle se retrouve dans un wagon de voyageurs destination inconnue, avec d’autres femmes dont Kouri-Germaine Tillion. Arrêt Aix-la-Chapelle.
Elles sont déportées à Ravensbrück, un camp construit sur les bords d’un lac et près de la ville de Fürstenberg dans le Brandenburg. Elles entrent dans « une zone de mort » dit-elle. Mises en quarantaine, elles sont séparées, Kouri a la diphtérie et elle la scarlatine. Les Tchèques racontent Auschwitz. Elle apprend l’exécution de parachutistes du SOE d’une balle dans la nuque. Une Polonaise lui parle des expériences du professeur Gebhardt sur les muscles des jambes des « lapins » de jeunes Polonaises, pour montrer que les sulfamides n’étaient pas nécessaires pour soigner Heydrich, mort de gangrène gazeuse, après l’attentat de Prague. Un matin, elles doivent être gazées, mais la résistance s’organise, les Soviétiques ont fait sauter l’électricité, des caches ont été aménagées. La solidarité existe.

Elle partage le châlit de Germaine Tillion. Germaine se cache, elle est Verfügbar disponible, et Anise est affectée à l’Industriehof, à l’atelier de fourrure. Elle a un début de tuberculose et entre dans l’atelier de jardinage. Elle fait la connaissance de Geneviève de Gaulle oubliée dans un « Bunker ».
Fin 44, de nombreux Blocks sont transformés en infirmerie, des camions viennent chercher des malades. Elles comprennent qu’il y a une chambre à gaz pas loin des crématoires pour éliminer les corps. De longs appels permettent aussi de sélectionner les femmes qu’ils font défiler cinq par cinq pour éliminer les plus faibles. Milena et Buber-Neumann essaient de protéger Germaine Tillion. Elle ne peut empêcher la sélection d’Émilie Tillion, la mère de Germaine.
La fin est de plus en plus dure. Des femmes épuisées arrivent d’Auschwitz. Sur 230 femmes politiques déportées [2] à Auschwitz par le convoi du 24 janvier 1943, il n’en arrive que 49 à Ravensbrück. En avril 1945, elle est libérée : des camions de la Croix rouge suédoise viennent chercher des détenues et emmènent des Scandinaves, puis des Françaises dans leur pays.
Elle épouse André Postel-Vinay, un résistant qui s’est évadé de Saint Anne et a rejoint le général de Gaulle.

Germaine Tillion a assisté au procès de Ravensbrück en 1946-47 à Hambourg, déçue qu’il ait eu peu d’écho. Occupée par la guerre d’Algérie, elle confie ses notes à Anise et lui demande de réunir témoignages et documents. Il fallait raconter, écrire ce qui s’était passé. Anise s’est occupée aussi du témoignage d’Adélaïde Hautval Médecine et crimes contre l’humanité.

Médiagraphie

POSTEL-VINAY Anise avec Laure ADLER et Léa VEINSTEIN, Vivre, Paris, Éditions Grasset, 2015
POSTEL-VINAY André, Un fou s’évade. Souvenirs de 1941 – 1942, Paris, Éditions du Félin, 1997, réédition 2009.
TILLON Germaine, Ravensbrück, Seuil, 1988.
Le Verfügbar aux enfers, une opérette à Ravensbrück
Germaine Tillion, résistante, déportée, ethnologue
Les armes de l’esprit :
http://clioweb.canalblog.com/archives/2015/05/27/32123186.html
GAULLE-ANTHONIOZ Geneviève de, La Traversée de la nuit, Paris, Seuil, 1998
Geneviève de Gaulle-Anthonioz au Panthéon
Sisters in resistance de Maia Wechsler 2000, 60 min.
Ravensbrück, La mémoire et le silence

HAUTVAL Adélaïde, Médecine et crimes contre l’humanité, Témoignage, Avant-propos de Claire Ambroselli, présentation et postface d’Anise POSTEL-VINAY, Arles, Éditions Actes Sud, "La Fabrique du corps humain", 1991, 106 p.
"Les expériences humaines dans les camps de concentration."
HAUTVAL Adélaïde, Anise Postel-Vinay, Médecine et crimes contre l’humanité : Le refus d’un médecin, déporté à Auschwitz, de participer aux expériences médicales, Le Félin, 2006
PC 25. Docteur Adélaïde Hautval, dite « Haïdi », 1906 – 1988. Des camps du Loiret à Auschwitz et Ravensbrück. Juste parmi les Nations., Conférence-débat du Cercle d’étude du 26 novembre 2014. Adélaïde Hautval, (1906-1988) une biographie

BUBER-NEUMANN Margarete, Prisonnière de Staline et d’Hitler : déportée à Ravensbrück, vol. II, Paris, Seuil, 1988
KOGON Eugen, LANGBEIN Hermann, RÜCKERL Adalbert, Les chambres à gaz, secret d’État, Francfort, 1983, Paris, Éd. de Minuit, 1984.

Au Lycée Edgar Quinet
"Des femmes déportées témoignent", journée de mémoire et d’histoire, Lycée Edgar Quinet, le 27 février 2001, Anise Postel -Vinay, Violette Jacquet, Michèle Agniel, Ida Grinspan.Visite de l’ exposition à l’Hôtel de Sully, "Mémoire des camp".
"Les femmes dans la Résistance et la Déportation", avec Anise Postel-Vinay, résistante, déportée au camp de Ravensbrück, Michèle Agniel, résistante et déportée à Ravensbrück,Torgau, re-Ravensbrück, Königsberg-sur-Oder. Lycée Edgar Quinet, année 97-98
Michèle Agniel, témoignage au lycée Edgar Quinet

Eugénisme De l’eugénisme à la Shoah
Petit Cahier- 13 - Journée d’étude du 16 décembre 2000, L’Eugénisme, l’euthanasie, conférences de Benoit Massin et table ronde, Les expériences médicales dans les camps nazis, avec Katy Hazan, Bernard Delpal, Esther Bensasson, Madeleine Szpitalnik, Anise Postel-Vinay, Stanislas Tomkiewicz, Bertrand Poirot-Delpech

NM

[1Nuit et Brouillard, Nacht und Nebel ou NN : décret du 7 décembre 1941 de l’État-Major de la Wehrmacht, signé par le maréchal Keitel et ordonnant la déportation sans jugement et dans le plus grand secret, en Allemagne, de tous les ennemis (saboteurs, résistants) ou opposants du Troisième Reich, représentant « un danger pour la sécurité de l’armée allemande » et la disparition de tout adversaire de l’État national-socialiste dans le secret absolu, sans laisser filtrer aucune nouvelle.

[2Ce transport, composé 230 femmes, dont Danielle Casanova, Marie-Claude Vaillant-Couturier, Marie Politzer, Hélène Solomon, est le seul convoi de résistantes à avoir été dirigé vers Auschwitz-Birkenau. Charlotte Delbo, résistante, écrivain de la déportation, par Ghislaine Dunant