Cercle d’étude de la Déportation et de la Shoah

Le Régime de Vichy, année 1940

jeudi 2 janvier 2020

Le régime de Vichy désigne le régime politique dirigé par Pétain du 10 juillet 1940 au 20 août 1944. Vichy met en place un "antisémitisme à la française".

Une étrange défaite
Paul Reynaud qui voulait continuer la lutte, ne parvient pas à constituer un cabinet, il démissionne le 16 juin 1940. La France vaincue, accepte la défaite.

Avec la volonté de cesser un combat " meurtrier et inutile", Pétain, Laval et Darlan veulent l’armistice.

Rappel : Plutôt Hitler que le Front Populaire

  • Le 17 juin, Charles Tillon depuis Gradignan lance un appel : "Peuple des usines, des champs, des magasins et des bureaux, commerçants, artisans et intellectuels, soldats, marins, aviateurs encore sous les armes, unissez-vous dans l’Action".
  • Le gouvernement de Pétain
    Nommé le 17 juin 1940, président du Conseil par le président de la République Albert Lebrun, Pétain demande l’armistice le 17 juin 1940 enregistrée à Bordeaux au lycée Longchamp, l’annexe du lycée Michel Montaigne, devenu le lycée Montesquieu en1948 :
    « Je fais à la France le don de ma personne pour atténuer son malheur »
    Le 18 juin Charles de Gaulle sous-secrétaire d’État à la guerre, refuse l’armistice. Il lance l’appel du 18 juin depuis Londres.
  • Le Massilia
    Les parlementaires reçoivent l’ordre de gagner le Verdon où un paquebot, le Massila est mis à leur disposition pour constituer un nouveau gouvernement en exil. Ils embarquent le 20 juin. Qualifiés de traîtres, Daladier, Mandel, Mendes-France, Zay et d’autres, sont arrêtés et rapatriés en métropole.
    Le Massilia, film de Virginie Linhart

L’armistice

.
L’armistice est signé le 22 juin, à Rethondes, il entre en vigueur le 25 juin 1940.

  • Les accords d’’armistice
    - Les prisonniers de guerre (plus de 1,8 million d’hommes) sont en captivité jusqu’à la signature d’un accord de paix.
    - La moitié nord, la côte atlantique sont sous occupation allemande : c’est la zone occupée, qui couvre les trois cinquièmes du territoire.
    La zone" libre" ou « non occupée » est au sud de la Loire. Les deux zones sont séparées par la ligne de démarcation, frontière intérieure surveillée par l’occupant et les forces de l’ordre françaises.
    - à charge, l’entretien de l’armée d’occupation
    - l’armée française est limitée à 100 000 hommes et les troupes sont désarmées, dans la zone "libre".
    - La souveraineté française s’exerce sur l’ensemble du territoire, mais en Alsace et Moselle, l’Allemagne exerce « les droits de la puissance occupante ».
    -L’Empire colonial français est sous l’autorité du gouvernement français.
    -Les bâtiments de la flotte de guerre française rejoignent leurs ports d’attache du temps de paix.
    - La France doit livrer les réfugiés politiques allemands ou autrichiens présents sur son sol, article 19.
  • un « ordre nouveau »
    Message aux Français du 25 juin 1940, le jour même de l’armistice, Pétain annonce un « ordre nouveau » [1] qui commence. « C’est à un redressement intellectuel et moral que d’abord, je vous convie », ajoute-t-il. C’est "travail, famille, patrie".

Les opposants allemands, tchèques ou autrichiens au régime nazi sont en danger. Les Allemands sont venus chercher dans les camps d’internement en France les républicains espagnols, et les Allemands et Autrichiens : "Livrer sur demande", sur la liste noire des nazis.

L’Italie occupe Menton.

- Mers-el-Kébir, la flotte française se fait bombarder par les Anglais, le 3 juillet 1940.
De Gaulle passe en revue les premiers FFL à Londres, le 14 juillet.
Joseph Piet, dit Pat, lycéen engagé dans la Résistance dès juin 40, déporté

Chef de l’État français

Pétain devient en juillet 1940 chef de l’État français, le président Lebrun se retire.

Le 10 juillet 1940 vote des pleins pouvoirs constituants à Philippe Pétain par l’Assemblée nationale ( la Chambre des députés et le Sénat). 80 parlementaires votent contre les pleins pouvoirs à Pétain. C’est la fin de la Troisième République.
Le gouvernement sous l’autorité du maréchal Pétain, doit promulguer une nouvelle constitution de l’État français. Cette constitution devra garantir les droits du Travail, de la Famille et de la Patrie.
Vote du 10 juillet : 80 votent contre. Les communistes sont déchus de leur mandat, une minorité de gauche sauve l’honneur.
http://www2.assemblee-nationale.fr/decouvrir-l-assemblee/histoire/histoire-de-l-assemblee-nationale/la-republique-dans-la-tourmente-1939-1945

Contre "l’esprit de jouissance", retour aux valeurs chrétiennes, au travail manuel, au travail agricole, aux traditions françaises, à la femme au foyer.

12 juillet 1940 : Laval vice-président du Conseil.
22 juillet 1940, une commission chargée de réviser toutes les naturalisations accordées depuis 1927 est mise en place. (900 000 entre 1927 et 1940).

Chantiers de la Jeunesse

Création des Chantiers de la Jeunesse, une sorte de « service national civil » qui accueillent, dès août 1940, les 100 000 jeunes de la classe 1940 qui ne peuvent pas être incorporés dans l’armée d’armistice et sont encadrés par des officiers.
"Endoctriner les corps sous le régime de Vichy. le cas des chantiers de la jeunesse (1940-1944)" de Christophe Pécout, 2017
"Ces jeunes accompliront un service civil qui permettra d’assurer leur cohésion morale par la vie en commun, leur développement physique par des exercices sportifs, enfin des travaux d’intérêt général".
"Le SNU est un projet pour les jeunes et pour la France !" ???
L’école de Vichy contre la République
https://www.cairn.info/revue-guerres-mondiales-et-conflits-contemporains-2017-4-page-45.htm

Le régime a l’appui de l’Église catholique.

Les lois d’exclusion des juifs

Complicité de Laval, Bousquet et celle de Pétain dans la Solution finale.

« En persécutant dès 1940 les juifs nationaux, […] en ne tenant aucun compte de la nationalité française des enfants d’apatrides visés à l’été 1942, en tolérant d’emblée les violations des accords Bousquet-Oberg, puis en acceptant, à partir de janvier 1944, de rafler des juifs français, Vichy a été loin, en vérité, de mener une politique de sauvegarde ou de ‘’moindre mal’’. » "L’État contre les juifs" Laurent Joly

27 août 1940, abrogation de la loi interdisant la propagande raciste et antisémite dans la presse.

Contre l’Anti France, les étrangers, les juifs, les francs-maçons, les communistes,
Vichy met en place un régime d’exclusion, et applique de lui-même, une législation antisémite dès le 3 septembre 1940 pour les "juifs de nationalité française".
Est regardé comme juif toute personne issue de 3 grands-parents juifs…Est regardé comme juif, pour l’application de la présente loi, toute personne issue de trois grands-parents de race juive ou de deux grands-parents de la même race, si son conjoint lui-même est juif.

Est juif, " tout individu présumé comme tel ".

27 septembre 40 : Ordonnance allemande sur les mesures contre les Juifs en zone occupée, définissant la qualité de Juif.
La police française fait appliquer les ordonnances allemandes concernant l’obligation pour les juifs de zone occupée d’avoir une carte d’identité portant la mention « juif » et pour les entreprises commerciales juives d’afficher l’inscription « Entreprise juive ». A la suite de la 1ère ordonnance allemande prescrivant le recensement des juifs en zone occupée, un fichier [2] des juifs est établi dans chaque préfecture.

octobre 1940

Avant même toute demande de la part de l’occupant, le régime de Vichy proclame :

  • Loi du 3 octobre 1940 « portant statut des Juifs
    La loi du 3 octobre 1940 prévoit un numerus clausus dans les professions libérales et l’interdiction des métiers de la presse et du cinéma, aux juifs. Ils ont l’interdiction absolue d’exercer de hautes fonctions comme chef d’état, ministre, préfet, diplomate.
  • La loi du 4 octobre 1940 prévoit l’internement des Juifs étrangers dans des camps. Une logique d’exclusion de la France de Vichy.
    Les préfets peuvent assigner à résidence les « étrangers de race juive » (200 000) ou les interner dans des camps comme Beaune-la-Rolande, Pithiviers et Jargeau dans le Loiret, Gurs où les Gauleiter du Pays de Bade et du Palatinat envoient 6500 juifs, ou Saint-Cyprien dans les Pyrénées-Orientales, une cinquantaine de camps, dont Rivesaltes, Le Vernet et Nexon...
  • 4 octobre 1940 le procès de Jean Zay, une caricature de procès.
    Inculpé de désertion, parce qu’il était à bord du Massilia, après un simulacre de procès, Jean Zay est condamné, le 4 octobre 1940 par le tribunal militaire de Clermont-Ferrand à la dégradation militaire et à la déportation à vie à l’Ile du Diable, comme le capitaine Dreyfus. C’est une accusation politique et selon les actes dits "lois de Vichy", Jean Zay n’est pas juif, sa mère est d’une famille protestante.
    Jean Zay, assassiné par la Milice
    Il s’agit pour Vichy de montrer que les responsables de la défaite sont les ennemis intérieurs, identifiés depuis longtemps comme étrangers à la « vraie France ».
    Mandel
  • 24 octobre 1940, entrevue Hitler-Pétain à Montoire.
    La poignée de main Hitler-Pétain

    Poignée de main entre Philippe Pétain et Adolf Hitler le 24 octobre 1940 à Montoire. À l’arrière plan, le Dr Schmidt, interprète de Hitler et sur la droite, von Ribbentrop, ministre allemand des Affaires étrangères.

30 octobre, Pétain annonce la collaboration avec l’Allemagne.
Pétain propose une collaboration d’État car il pense alléger les malheurs de la France et s’attirer les bonnes grâces d’Hitler en lui apportant une aide. Il espère un rapatriement de prisonniers, une place privilégiée au moment où sera signée la paix sur le dos de l’Angleterre.

Laval, vice-président du conseil, est renvoyé fin 1940, car trop ouvertement pro-allemand.

Darlan 10 février 1941, a quatre portefeuilles : la Marine, les Affaires étrangères, l’intérieur et l’information.
Darlan fait partie des artisans de la création, en mars 1941 du Commissaire général aux Questions juives qui sera confié à Xavier Vallat.

Exil

Entre juillet 1940 et août 1941, de nombreuses personnes, malgré les tracas administratifs, essaient de fuir, avec l’aide’organisations de secours aux réfugiés comme l’American Rescue, dirigée par Varian Fry. Marc Bloch soutenu par la Fondation Rockefeller, renonce à partir aux États Unis n’ayant pu obtenir de visa pour ses deux fils ainés.

Notre cohue de réfugiés comprend de grands intellectuels de toutes les classes, qui ne sont plus rien puisqu’ils se sont permis de dire, la plupart doucement, non à l’oppression totalitaire. Nous comptons tant de médecins, de psychologues, d’ingénieurs, de pédagogues, de poètes, de peintres, d’écrivains, de musiciens, d’économistes et d’hommes politiques que nous pourrions insuffler l’âme à un grand pays. Victor Serge

La racaille, comme disaient les gendarmes, comprenait entre autres André Breton et Victor Serge. André Breton, fort mal à l’aise sur cette galère, déambulait de long en large sur les rares espaces vides du pont ; vêtu de peluche, il ressemblait à un ours bleu. Claude Lévi-Strauss sur le Paul Lemerle.

La Résistance
Refus de la défaite, refus de l’armistice, refus de la collaboration, refus de Vichy

CNRD 2020-21 : 1940. Entrer en résistance. Comprendre, refuser, résister

=> Le général de Gaulle déclare le régime de Vichy « illégitime, nul et non avenu » à la Libération, à l’été 1944.

Médiagraphie

AGLAN Alya, La France à l’envers : la guerre de Vichy (1940-1945),Folio_livres, 2020 « l’inversion des normes morales, politiques & collectives »
BARUCH Marc-Olivier, Le Régime de Vichy, La Découverte, coll. Repères, 1996
BLOCH Marc, L’Étrange défaite, 1940, publié en 1946 éditions Franc-Tireur, Folio, 1990
CRÉMIEUX-BRILHAC Jean-Louis, Les Français de l’an 40, Ouvriers et soldats, Gallimard, 1990.
FRY Varian, "Livrer sur demande"...Quand les artistes, les dissidents et les Juifs fuyaient les nazis (Marseille, 1940-1941), Annexe : « Varian Fry journaliste politique (1935–1943) »  : sur un pogrom à Berlin, la politique américaine à l’égard des réfugiés, le massacre des Juifs d’Europe et l’abolition du décret Crémieux en Algérie. Cahier photos et documents. Agone, collection « Éléments », 2017 Marseille, années 40, Mary Jane Gold
JOLY Laurent, L’État contre les juifs, Vichy, les nazis et la persécution antisémite, Grasset, 2018
"L’État contre les juifs"
Laurent JOLY, La falsification de l’Histoire. Eric Zemmour, l’extrême droite, Vichy et les juifs, Paris, Grasset, 2022.
MARRUS Michael R., PAXTON Robert O., Vichy et les juifs, Paris, Calmann-Lévy, 1981
PESCHANSKI Denis, La France des camps. L’internement 1938-1946, Paris, Gallimard, 2002, 456 p.
PESCHANSKI Denis, Vichy, 1940-1944 : contrôle et exclusion, Complexe, questions au XX° siècle
RAJSFUS Maurice, Des Juifs dans la collaboration, l’UGIF 1941-1944, 1981

« Resituer le régime de Vichy, comme les régimes fasciste et nazi dans le temps long de l’histoire des idées en Europe, en remontant en particulier au XIXe siècle et à l’émergence d’une critique du libéralisme et de l’esprit des Lumières. » Zeev Sternhell
https://www.franceculture.fr/histoire/zeev-sternhell-le-fascisme-nest-pas-sorti-des-tranchees-de-1914-il-appartient-a-lhistoire-europeenne

NM

[1Cf. discours du 11 octobre 1940

[2Recensement des juifs « fichier Tulard »