Cercle d’étude de la Déportation et de la Shoah

Marek Edelman et le soulèvement du ghetto de Varsovie

Un dirigeant de l’insurrection raconte
mardi 19 avril 2016

Marek Edelman, un des leaders du soulèvement du Ghetto de Varsovie en 1943.

Mémoires du ghetto de Varsovie, Un dirigeant de l’insurrection raconte
compte rendu par Marie-Paule Hervieu

Le livre de Marek Edelman [1] édité en 1945 par le Comité central du Bund, parti socialiste juif, est un remarquable témoignage de ce qu’il a vécu, à l’âge de 22, 23 ans alors qu’il était commandant en second de l’Organisation juive de combat (OJC) pendant l’insurrection du ghetto de Varsovie, en avril-mai 1943. Mais c’est aussi un témoignage collectif, parce qu’il ne perd jamais de vue la responsabilité de ses camarades de combat, ainsi que celle de tous les raflés, déportés parce que juifs, après avoir été rassemblés sur l’Umschlagplatz (place des transbordements), et convoyés dans le camp d’extermination de Treblinka, à l’été 1942.

Un jeune militant devenu résistant et insurgé
Ce livre est celui d’un militant politique du parti Bund, et dédié à la mémoire d’Abrasza Blum, chef historique de ce parti « ouvrier » juif fondé en 1897. Avant même de prendre les armes, en 1943, Marek Edelman s’était engagé, dès l’occupation militaire allemande de la Pologne, dans une résistance à caractère politique et idéologique, éditant clandestinement des tracts et des journaux en yiddish et en polonais, par exemple le Journal du peuple, [2] dénonçant la concentration mortifère des Juifs en ghettos, avant même leur déportation, les premiers gazages à Chelmno, la liquidation des ghettos de Pologne, à Lublin, à Bialystok, et pendant l’été 1941, dans la partie occupée de l’URSS.

Marek Edelman est aussi dans une stratégie de refus de toutes les formes de collaboration avec les occupants, les autorités militaires et policières allemandes, que ce soit le Conseil juif (Judenrat) ou la police juive en uniforme, qu’il dénonce et contre lesquels il y aura plusieurs attentats [3]. Pour autant il n’exonère jamais de leur responsabilité criminelle ceux qui, comme les SS ou les officiers de la Wehrmacht, avec leurs auxiliaires ukrainiens [4], et polonais en tenue bleu marine, planifient et organisent, dans la violence, rafles et déportations, contrairement aux gestionnaires juifs qui tentent de faire fonctionner le ghetto et de retarder, voire de limiter les transports… Enfin, le résistant bundiste recherche les voies d’un compromis politique avec d’autres organisations juives, partis et mouvements de jeunesse, pas seulement le SKF, jeunes adolescents scouts, ou le Zukunft (L’Avenir), organisation de jeunesse ouvrière et étudiante du Bund, mais aussi avec des partis et mouvements sionistes de gauche comme Hashomer Hatzaïr (Le jeune garde), association de jeunes socialistes juifs, le ZZV ou union militaire juive, des socialistes et communistes polonais. Le plus remarquable étant la liaison opérée avec la Résistance nationale polonaise, l’AK, qu’elle soit extérieure, à Londres, avec à sa tête le général Wladislaw Sikorski, jusqu’en 1943, ou intérieure avec Waclaw/Henryk Wolanski, dirigeant de la section juive de l’état-major de l’AK. L’Organisation juive de combat a aussi des contacts, à partir de 1942, avec la résistance communiste polonaise dirigée par Witold, le général Franciszek Jozwiak de l’AL, l’armée populaire.
Mais ce que la Résistance juive a de spécifique, et le livre le démontre bien, c’est qu’elle ne lutte pas seulement contre l’occupation militaire allemande et pour la défense des valeurs démocratiques, mais qu’elle est mobilisée contre un régime de terreur, nazi, dont les Juifs sont constitués comme les « ennemis principaux », qui doivent être détruits par fusillades, dans les ghettos et les centres de mise à mort par gazages. L’insurrection d’avril-mai 1943 qui met fin à la lutte engagée, par et dans le ghetto, a donc tous les caractères d’un ultime combat, désespéré mais nécessaire, contre une mort programmée.

Des « conditions de vie et de mort inhumaines » dans le ghetto de Varsovie 
359 827 Juifs sont recensés dans la ville de Varsovie en novembre 1939, 240 000 sont concentrés dans le ghetto en septembre 1940 ; 379 879 (avec ceux venus de l’extérieur) sont recensés par le Conseil juif en janvier 1941. 430 000 sont décomptés en mai 1941, 380 000 en juillet 1942, à la veille des déportations massives. Il reste 60 000 personnes en septembre 1942, dont 35 000 légaux et 40 000 en janvier 1943. (1940-1942)

Il y a près de 100 000 morts, soit un habitant sur quatre, entre la fermeture du ghetto par murs et barbelés, le 16 novembre 1940, et le commencement des déportations à Treblinka, le 22 juillet 1942, le ghetto fonctionne alors comme un camp de la mort lente. Aux privations de toute forme de liberté, condition de la survie – toute tentative de sortie clandestine du ghetto, en direction du quartier dit « aryen » étant punie de mort par fusillades [5], s’ajoute la faim liée à la diminution des rations alimentaires (de 1 400 à 800 calories par jour) et au refus de laisser entrer des colis de vivres et toute forme de ravitaillement des populations civiles. En témoignent la quinzaine de cadavres retrouvés chaque matin dans les rues, recouverts de papier journal lesté d’une pierre, et les études cliniques menées sur la faim dans le ghetto de Varsovie en 1942, constatant une baisse de poids moyenne de 20 à 25 %. Une jeune femme ne pèse plus que 24 kilos. Le froid lié aux conditions climatiques, au manque de charbon et de bois de chauffage, à l’absence de vêtements adaptés, tout concourt, avec le manque de médicaments, d’équipements et de personnel médicaux [6], et l’entassement dans des logements de fortune  [7], à créer les conditions d’une propagation des épidémies de typhus puis de tuberculose qui touche près de la moitié de la population en 1942. Il s’en suit que le taux de mortalité est multiplié par trois entre novembre 1939 et juillet 1941.

Le ghetto de Varsovie, restes

Les interdictions professionnelles et la spoliation des trois quarts des entreprises appartenant à des propriétaires d’origine juive empêchent de gagner sa vie – il y a 260 000 indigents – sauf à compter sur le marché noir ou les activités liées à la collaboration. Reste le travail forcé de 70 000 personnes dans les entreprises allemandes du ghetto, les ateliers Toebbens, Schultz et Roehrich, la menuiserie, la fabrique de brosses, où des salariés, embauchés pour travailler 12 heures par jour, sont encadrés par des gardes allemands, seul moyen pour tenter d’échapper à l’extrême pauvreté, puis à la menace des déportations.

La violence des SS et de l’armée allemande, secondée par leurs auxiliaires, est multiforme, de l’humiliation publique d’un Juif religieux à des exécutions sommaires ou d’otages, à titre de représailles ; ainsi Marek Edelman rapporte que, dans la nuit sanglante du 17 au 18 avril 1942, : « Des officiers allemands tirent de chez eux une cinquantaine de militants des mouvements sociaux et les fusillent dans les rues du ghetto » ou encore : « Un gendarme de la Schutzpolizei, dit Frankenstein, a sur la conscience trois cents assassinats en un mois, dont la moitié concerne des enfants ».

Le début des déportations massives, à partir de juillet 1942, dramatise encore la situation, parce que les autorités nazies ont fixé des quotas de 6 000 puis 10 000, 12 000 déportés par jour… Les déportations par trains dans le camp de Treblinka sont précédées de rafles dont les deux principales, du 22 juillet 1942 au 8 septembre, puis le 18 janvier 1943. Les Juifs de tous âges et de toutes conditions, hommes et femmes, sont amenés manu militari sur la place de rassemblement l’Umschlagplatz (voir le plan du ghetto) à partir de la rue Stawki, pour être conduits à la gare de Gdansk.

Dans l’ignorance et la peur de ce qui les attend – l’extermination par le gaz dans le camp de Treblinka, information confirmée à l’émissaire de l’OJC, Zygmunt Frydrych, par un cheminot travaillant sur la ligne Varsovie-Malkinia, disant que les trains de marchandises, chargés de déportés, reviennent à vide de Treblinka et qu’aucun ravitaillement n’y est acheminé – des scènes apocalyptiques se produisent [8].
Certains essaient désespérément de sauver leur vie en échange de trois kilos de pain et d’un kilo de confiture ou d’un travail dans une usine allemande (33 400 personnes) mais ils ne font que retarder l’échéance, c’est bien la destruction des Juifs polonais qui est programmée. Les résistants, comme Marek Edelman, essaient de sauver des vies en avertissant les Juifs concernés, dans le journal en yiddish Der Werker (L’Éveilleur), des massacres de Chelmno, puis des gazages à Treblinka, de la liquidation méthodique des ghettos polonais et lituaniens, ou en informant le gouvernement polonais, en exil à Londres, sur le génocide des Juifs à l’œuvre dans les ghettos et les camps [9], mais ils se heurtent à l’incrédulité, à l’espoir de sauver sa vie en se cachant (365 000 personnes). Marek Edelman [10] qui travaille à l’hôpital pour enfants du petit ghetto, et ses camarades, tentent de repêcher ceux qui peuvent être exfiltrés de l’Umschlagplatz, des malades et des enfants, mais aussi des camarades, hommes et femmes engagés, utiles au combat qui se prépare, ainsi Zosia.

Marek Edelman, par l’intérêt qu’il porte à toutes les formes de résistance, écrit aussi la grandeur que purent avoir certains ou certaines de ses camarades refusant d’abandonner leurs parents, alors qu’ils auraient pu se cacher en quartier « aryen », ainsi Pola Lifszic, cherchant sa mère, de la rue Lezno à l’Umschlagplatz, la retrouvant dans la foule des déportés et l’accompagnant dans le train.

Une insurrection pour l’honneur et pour l’histoire (19 avril 1943-10 mai 1943)
Les premiers actes de résistance armée sont d’abord le fait de jeunes hommes et femmes, membres de partis de gauche [11]regroupés dans l’OJC, à partir d’octobre 1942, soit Hashomer Hatzaïr, socialistes de gauche, sionistes (datant de 1915) représentés par Mordekhai Anielewicz, chef militaire de l’insurrection, Antek (Icchak Cukierman), son adjoint, Bernard Goldsztein, B. Pelc, le Bund, socialiste autonomiste, non sioniste : Marek Edelman, Abrasza Blum, Jurek Blones, des communistes (Michal Rozenfeld/PPR) et des socialistes, des sionistes : ZZV, l’Union militaire juive de Pavel Frankel, Hehaluz : les pionniers sionistes et Poale Sion d’Herz Berlinski.

L’organisation clandestine constituée le 28 juillet 1942 sous le nom de ZOB : Zydowska Organizacja Bojowa ou OJC met sur pied une petite armée de francs-tireurs qui multiplie les accrochages avec l’armée allemande, organise des attentats contre les collaborateurs, responsables de la police juive, politique et économique, et les contremaîtres zélés ou corrompus pour les dissuader de continuer, voire les châtier. Des opérations de sauvetage sont montées en vue de libérer des camarades emprisonnés, puis d’exfiltrer, de cacher, de faire évader ceux qui ont été raflés et sont emmenés dans les trains de déportation.

La question du manque d’armes, pistolets, fusils, grenades et cocktails Molotov, devient déterminante à partir du moment où la volonté et l’urgence les rendent nécessaires, sachant que la résistance nationale polonaise n’opère sa première action militaire qu’en mars 1943. Les premières armes sont cependant livrées par l’AK, l’Armée Krajowka, en décembre 1942 et les premiers affrontements de rue ont lieu le 18 janvier 1943, jour où commence la seconde grande rafle. A. Fajner est tué, B. Pelc, déporté, et l’organisation perd, d’après Marek Edelman, les 4/5e de ses forces sur peut-être 500 ou 600 personnes.

Suite aux pertes humaines et pour s’adapter au combat de rue, par groupes de cinq et dans les trois secteurs, l’OJC est restructurée au printemps 1943 et compte, d’après Marek Edelman, 220 combattants ; dans le secteur de la fabrique de brosses : Jurek Blones, Marek Edelman, J. Bilak ; dans le secteur des ateliers Toebbens, Schultz et Roehrich : A. Fajner, N. Chielmienicki, Pawel/Aron Bryskin, Wewl/W. Rozowski, déporté évadé du train, B. Hochberg qui sera tué ; dans le secteur du ghetto central : M. Anielewicz, B. Goldzstein, B. Pelc, un imprimeur qui sera déporté, David Hochberg, Jurek-Arié Wilner qui sera arrêté, torturé mais qui s’évadera [12].
Les conditions de la lutte se transforment avec les effets de la propagande allemande qui, en dépit de ses promesses, envisage de déporter les ouvriers des ateliers, ceux de la menuiserie Halleman et ceux de la fabrique de brosses dans des camps de travaux forcés de Trawnicki et Poniatow. Une nouvelle livraison d’armes de l’AK, 50 pistolets et 50 grenades, a lieu fin janvier 1943, via Zygmunt Frydrych, puis l’OJC prélève des contributions forcées destinées à payer des armes achetées en contrebande. Un ingénieur chimiste de 20 ans, Michal Klepfisz (M. Klepfisz sera décoré de la croix de guerre, à titre posthume par le général Sikorski.) fait alors venir, dans le ghetto, des matériaux incendiaires et explosifs. Chaque combattant devrait disposer d’un revolver ou d’un fusil, de quatre à cinq grenades et d’autant de cocktails Molotov. L’OJC reçoit aussi l’aide financière de syndicats juifs américains et tente de prélever, non sans risques, des armes de service sur des policiers ou des gardes allemands.

Mémorial au ghetto de Varsovie

Quand l’insurrection commence le 18 avril 1943, à deux heures du matin, elle est une riposte à l’entrée de gendarmes allemands et de policiers polonais, bientôt renforcés par des troupes SS motorisées, des chars d’assaut, de l’artillerie lourde. Le premier affrontement a lieu au croisement des rues Mila et Zamenhof (1 sur le plan), dans le ghetto central, un tank est incendié. Simultanément une bataille de sept heures s’engage rues Nalewski et Gesia (2 sur le plan), à la limite du secteur des brossiers, avec intervention d’avions allemands. Place Muranowski (3 sur le plan) un second tank est brûlé. L’artillerie allemande intervient de l’extérieur à partir de la place Krasinski (4 sur le plan).

Les troupes se retirent vers 14 heures pour revenir en force le lendemain. Dans le secteur des brossiers, un garde puis plusieurs dizaines de SS sont tués par explosion de mines. Les Allemands après des échanges d’armes à feu, se retirent de nouveau pour revenir avec des renforts, c’est alors que l’héroïque M. Klepfisz15 sacrifie sa vie pour permettre à ses camarades de se dégager. Trois officiers allemands demandent une trêve pour évacuer les blessés et les cadavres, sans succès. Le combat continue dans les immeubles d’où les insurgés, hommes et femmes, par exemple Dwora, tirent avec l’énergie du désespoir. Faute d’arriver à bout de l’insurrection, les officiers allemands, le général de brigade SS, Jurgen Stroop, décident d’incendier le ghetto et la grande synagogue, mais des francs-tireurs du secteur des brossiers opèrent la jonction avec leurs camarades du ghetto central, avec l’objectif de se protéger et de se replier dans les abris [13].

Les réfugiés passent par exemple du 37 au 7 de la rue Mila. Le 1er mai, journée internationale du travail est saluée dans « ce lieu où un peuple est mort et n’en finit pas de mourir ». L’on manque de tout, d’eau, de nourriture et bientôt de munitions ; le 3 mai, les Allemands découvrent une base d’opérations de l’OJC, 30 rue Franciszkanska (5 sur le plan). La bataille dure encore deux jours mais la moitié des groupes est hors de combat, dans un rapport des forces toujours plus inégal : d’après Georges Bensoussan, [14], 750 combattants juifs contre 2 000 Allemands, Ukrainiens, Lettons et Lituaniens surarmés. Le 8 mai, c’est l’encerclement des derniers réduits et l’utilisation de bombes à gaz contre ceux qui se sont retranchés.

Il n’y a plus alors qu’une alternative : se suicider collectivement dans le QG du 18 rue Mila pour ne pas tomber vivants entre les mains des ennemis, c’est le cas pour M. Anielewicz et sa compagne Mira/Kazimiera Olszewska, Arié-Jurek Wilner, Juif de Wilno arrêté et torturé en mars 1943, interné dans le camp de Grochow, évadé puis caché par des Carmélites dans le quartier « aryen », un couvent où il reprenait des forces après avoir été très abîmé et caché des armes, Lebj/Lutek Rotblat avec sa mère et sa sœur. Ou tenter une sortie par les égouts, avec l’aide d’I. Cukierman et de communistes de l’AL, l’armée populaire, commandés par Witold du PPR, pour ceux qui ont pu se regrouper au 22 rue Franciszanska. Il faut alors éviter la noyade ou l’asphyxie, c’est le cas pour Marek Edelman et ses camarades qui émergent dans le quartier « aryen » le 10 mai (6 sur le plan).
La destruction du ghetto est achevée avec 7 000 tués et 6 000 brûlés vifs ou gazés. Cependant un certain nombre de survivants, dont Marek Edelman, reprendront du service, « armé », pendant l’insurrection de Varsovie à l’été 1944, écrasée en automne 1944 et libérée par l’armée soviétique le 17 janvier 1945.

Un livre pour mémoire
Comme l’écrit Pierre Vidal-Naquet dans sa préface sur le choix de la résistance, des héros tels que Mordekhai Anielewicz ou Emmanuel Ringelblum, hommes hors du commun par leur détermination et leur courage, eurent antérieurement des vies ordinaires, ce qui ne donne que plus de valeur à leur prise de conscience et à leurs actions.

Mémorial des combattants du ghetto

De même le récit de Marek Edelman, continué par les entretiens avec Hanna Krall, ne prend pas seulement en compte des faits d’armes devenus légendaires, il rappelle aussi que, s’il y eut unité de combat, elle n’effaça pas pour autant les différences tactiques et les rivalités politiques et il rend un hommage appuyé à ses camarades du Bund.

La volonté continuée d’informer les opinions publiques, dans le ghetto d’abord, puis en envoyant un émissaire à Londres, enfin en écrivant ce livre de témoignage, démontre que pour ces hommes et femmes engagés, il n’était pas question de laisser faire les déportations puis, à terme, les exterminations, sans réaction collective, usant de tous les moyens, y compris « militaires ». Le suicide, au commencement de la première grande rafle, le 23 juillet 1942 d’Adam Czerniakow, président du Conseil juif, fut mal compris. Il est répété plusieurs fois que les premières réponses au processus génocidaire étaient d’avertir les Juifs concernés, à l’intérieur ou à l’extérieur du ghetto, de faire dissoudre les instruments de la collaboration, et pour les jeunes volontaires, de se battre les armes à la main.

Les hautes figures des insurgés du ghetto de Varsovie, plus que d’autres, continuent à alimenter les mémoires par des textes, des films, des statues et des monuments, des noms donnés à des kibboutz en Israël, des commémorations annuelles. Chacun garde l’image du chancelier socialiste allemand, lui-même grand résistant, Willy Brandt s’agenouillant en signe d’hommage et de demande de pardon devant le monument aux morts du ghetto de Varsovie, en décembre 1970.

Marek Edelman est mort en Pologne, après avoir été médecin cardiologue, à l’hôpital de Łódź, et être devenu membre de la direction du syndicat Solidarność.

Mémoires du ghetto de Varsovie, Un dirigeant de l’insurrection raconte, de Marek Edelman et Hanna Krall, traduit du polonais par Pierre Li et Maryna Ochab, préface de Pierre Vidal-Naquet, Paris, Scribe/Liana Levi, 1993 (1ère éd., Warszawa, Bundu, 1945), 190 p.

  • Insurrection de Varsovie, capitale historique de la Pologne, été 1944.
    Au terme de neuf semaines de combats (1er août-2 octobre 1944), 20 000 insurgés et 150 000 à 180 000 civils polonais ont été assassinés par la SS. En réaction à l’insurrection, les Allemands exécutent 40 000 civils, dont des femmes et des enfants, les 5 et 6 novembre 1944. Sur ordre d’Hitler et suivant les instructions expresses d’Himmler, la ville capitale a été méthodiquement détruite. Varsovie a été libérée de l’occupation militaire allemande par l’armée soviétique le 17 janvier 1945.

Marie Paule Hervieu

Les « kashariyot” : Informatrices, coursières, convoyeuses d’armes ou de fonds, logeuses, ravitailleuses et agentes de liaison pour la résistance armée juive, »

Le soulèvement du Ghetto de Varsovie ; le pianiste

Ceux qui restent, David LESCOT, témoignage de deux rescapés du ghetto de Varsovie. Wlodka Blit-Robertson, 8 ans en 1939, décrit la façon dont les militants du Bund l’ont sauvée en 1943, son père était secrétaire général du Tsukunft, mouvement de jeunesse et au conseil municipal de Varsovie. ».
https://www.lemonde.fr/international/article/2023/04/18/quatre-vingt-ans-apres-l-insurrection-du-ghetto-de-varsovie-les-survivants-du-bund-l-organisation-juive-et-socialiste-qui-resista-aux-nazis-se-souviennent_6169962_3210.html

[1Pour les éditions en français, voir : Edelman Marek et Krall Hanna, Mémoires du ghetto de Varsovie – un dirigeant de l’insurrection raconte, préface de Pierre Vidal-Naquet « Le héros, l’historien et le choix », publié en 1993 par les Éditions Scribe/Liana Levi. Texte de Marek Edelman intitulé « Le ghetto lutte » (cité dans cet article avec l’orthographe des noms et prénoms polonais, et l’usage de pseudonymes, caractéristique de la Résistance clandestine) suivi d’entretiens complémentaires avec la journaliste Hanna Krall ayant pour titre « Prendre le bon Dieu de vitesse ». Seconde édition par Liana Levi du seul texte de Marek Edelman, dans la collection « Piccolo-Témoignage » en 2002.

[2Quelques titres : Folkszaitung (Le Journal du peuple) ou, Der Werker (L’Éveilleur), Zait Fragn (Questions du temps), Yungt Shtime (La voix des jeunes) en yiddish, et Biuletyn (Le Bulletin), Za nasza i wasza wolnosc (Pour notre liberté et la vôtre), Nowa mlodziez (Nouvelle jeunesse) en langue polonaise, tirés à plusieurs centaines d’exemplaires et diffusés par vente ambulante et colportage, dans et hors du ghetto, par des militants qui risquaient leur vie (Alter Bas, torturé à mort).

[3Le 20 août 1942, attentat contre Szerinski (il est blessé), puis le 29 octobre 1942 contre J. Lejkin (il est tué), tous deux chefs de la police juive. Le 29 novembre I. First, représentant le Conseil juif dans l’organisation de la déportation à Treblinka, est ciblé.

[4Il y eut aussi des auxiliaires lettons et lituaniens.

[5Par exemple, en mai 1942, 110 internés de la prison centrale du ghetto sont exécutés pour être passés illégalement en côté « aryen –

[6« Cent cinquante malades sont admis par jour dans un service. Ils finissent par être étendus à deux ou trois dans un même lit et envahissent les parquets. On regarde avec impatience le mourant en espérant qu’il laissera rapidement sa place au suivant. Trop peu nombreux, les médecins n’en peuvent plus. Les gens meurent par centaines. Le cimetière ne suffit pas pour tout le monde… », in Edelman Marek et Krall Hanna, Mémoires du ghetto de Varsovie, op. cit., p. 36.7

[7Le ghetto a une superficie de 3,3 km2, soit une densité de 128 000 habitants au km2 dans la Varsovie « juive » et 14 000 dans la ville « aryenne ».

[8« Les gens sont en réserve. Ils attendent quatre à cinq jours avant de monter dans les wagons. Ils occupent la moindre place libre, s’entassent dans les bâtiments, campent dans les salles nues, les couloirs et les escaliers. Une boue immonde et gluante couvre le sol. L’eau ne coule pas aux robinets. Les waters sont bouchés. À chaque pas, le pied s’enfonce dans les excréments humains. L’odeur de sueur et d’urine donne la nausée. », in Edelman Marek et Krall Hanna, Mémoires du ghetto de Varsovie, op. cit., p. 56.

[9À l’été 1942, Jan Karski, en mission pour le compte du gouvernement polonais en exil à Londres, s’introduit à deux reprises dans le ghetto et témoignera. Arthur Szmul Zygielbojm, émissaire de l’OJC, transmettra des informations, en partie relayées par la radio anglaise mais se suicidera après la fin de l’insurrection du ghetto, le 12 mai 1943, pour protester contre l’indifférence générale et l’absence d’intervention des gouvernements alliés.

[10Lui-même sera sauvé de la déportation par un camarade socialiste, devenu policier en service commandé, Mietek Dab, alors qu’il venait d’être arrêté et emmené sur l’Umschlagplatz. Le père de ce dernier fut déporté et le fils rescapé prit le maquis.

[11Même s’il existe déjà une association militaire juive regroupant des sionistes de droite, inspirée par Zeev Jabotinski. À l’inverse, et contrairement à ce qu’il a parfois été dit et repris, la participation de communistes à l’insurrection reste très minoritaire (4 détachements sur 22) d’après les archives présentées par Michel Borwicz dans « La bataille du ghetto de Varsovie », in Les révoltés de la Shoah, Paris, Éditions Omnibus, 2010.

[12Voir le plan des trois secteurs du ghetto, infra, p. 61 et les noms et prénoms complémentaires dans Michel Borwicz, art. cit., p. 540-542.

[13« Le feu chasse les gens de leurs abris, les débusque du gite qu’ils avaient aménagé depuis longtemps, en lieu sûr, dans un grenier ou une cave. Des milliers errent dans les cours, s’exposant à être capturés, détenus ou tués sur le champ par les Allemands. Mortellement exténués, ils s’endorment sous les porches, debout, assis ou couchés, et c’est dans leur sommeil que les frappent les balles allemandes. », in Marek Edelman et Hanna Krall Mémoires du ghetto de Varsovie, op. cit., p. 76.

[14( L’Atlas de la Shoah, Paris, Autrement, 2014, p. 28.)