Cercle d’étude de la Déportation et de la Shoah

Les Héritiers, un film de Marie-Castille Mention-Schaar

lundi 15 septembre 2014

Les Héritiers, un film de Marie-Castille Mention-Schaar, 1h45, sortie 2014,
avec Ariane Ascaride, Ahmed Drame, Amine Lansari.
D’après une histoire vraie racontée par un élève, Ahmed Drame et une rencontre avec un témoin : Léon Zygel.

"Les Héritiers est un long-métrage de fiction, tourné au lycée Léon Blum de Créteil, tiré de faits réels. Il raconte le parcours d’une professeur d’histoire qui décide de faire participer sa classe de Seconde la plus faible au Concours National de la Résistance et de la Déportation (CNRD).
C’est un film sur l’histoire d’un projet éducatif maîtrisé et défendu avec conviction par un professeur compétent, au sein d’une classe située en milieux scolaire et éducatif difficiles."

Tourné au lycée Léon Blum de Créteil, le film montre comment cette expérience transforme les élèves. Ils découvrent, dans le travail commun et les recherches historiques, des trésors d’humanité. Le co-scénariste du film a été élève de cette classe. Comme lui, de nombreux candidats ont été marqués par ce concours.

Léon Zyguel, le témoin du film

"Le déclic, ça a été la rencontre avec Léon Zyguel, quand il nous a raconté sa vie dans les camps, et son arrestation quand il avait notre âge. Il y a vraiment eu un avant et un après Léon." Ahmed Drame

Léon Zyguel est né le 1er mai 1927 à Ménilmontant. Fils d’immigrants juifs polonais, il est le quatrième d’une famille ouvrière de 6 enfants. Son père a été raflé le 20 août 1941 ; Léon, son frère Maurice et sa sœur aînée, Hélène, ont été arrêtés le 29 juillet 1942, dans les Landes, par la Feldgendarmerie. Emprisonnés, transférés à Drancy, amenés à Pithiviers, ils sont déportés, avec leur père, le 21 septembre 1942, par le convoi 35, dans le complexe d’Auschwitz.
Hélène, 20 ans, est gazée à l’arrivée et leur père victime d’une sélection, en janvier 1945. Interné, avec son frère Maurice, dans le camp de Blechhammer, il est soumis au travail forcé dans les chantiers et pour le compte d’I.G.-Farben. Il fait la Marche de la Mort jusqu’au camp de Gross-Rosen, du 21 janvier au 2 février 1945, dans le froid et la faim, et aide son frère à bout de forces. Puis ils sont embarqués dans un train à wagons découverts, jusqu’au camp de concentration de Buchenwald (Allemagne). Rescapé du bombardement des usines Gustloff-Werke, il arrive dans le " Petit camp", le 10 février 1945. Il entre alors dans la Résistance clandestine (Comité des intérêts français) et prend part, en témoin engagé, au soulèvement organisé par le Comité militaire international, aux côtés de Guy Ducoloné, le 11 avril 1945, à la veille de l’arrivée de l’armée américaine et du général Patton.
Il est rentré à Paris le jour de ses 18 ans. Il a retrouvé sa mère et ses quatre frères.
Dans la brochure, Il fallait absolument que je rentre, il écrit « Survivre dans un camp d’extermination était un acte de résistance incroyable, impossible de tenir sans l’amitié et la solidarité ».
"Il témoignera, au Procès Papon, le 6 Janvier 1998, où il déclara : « Je suis resté fidèle au Serment de Buchenwald. Je crois que Maurice Papon, lui, est resté toute sa vie du côté des oppresseurs. »" in
http://www.afmd.asso.fr/Leon-Zyguel.html

Participation de Léon Zyguel au DVD 6 du Cercle, Résister dans les camps nazis (DVD disponible gratuitement auprès du Cercle d’étude écrire au cercle).

Un témoignage de Léon Zyguel pour l’Académie de Créteil
(vidéo et retranscription)

Grands entretiens : FMS-INA
http://entretiens.ina.fr/video/Shoah/Zyguel

Pour en savoir plus

- Sur le projet, interview de la réalisatrice, de l’actrice, du co-scénariste à l’origine du projet par l’APHG :
http://geographie-histoire.info/dp-film-les-heritiers.pdf
Le thème du CNRD était alors « Les enfants et les adolescents dans le système concentrationnaire nazi. »
- Le sujet du concours pour 2015 :
CNRD 2015 La libération des camps nazis, le retour des déportés

- Les divers sujets du CNRD depuis l’origine :
http://www.cercleshoah.org/spip.php?article222

Un film « optimiste » mais trop « tire-larmes

Réponse de Dominique Sabroux à l’article du Monde sur le film "Les Héritiers » intitulé : un film « optimiste » mais trop « tire-larmes" ; Réponse jamais publiée.

http://www.lemonde.fr/culture/video/2014/12/03/les-heritiers-un-film-optimiste-mais-trop-tire-larmes_4533480_3246.html?xtmc=film_les_heritiers&xtcr=10

Troyes, le 7 décembre 2014

Aux journalistes du Monde, et en particulier Jacques Mandelbaum et Franck Nouchi,
A vous qui pensez percevoir si bien les vérités contemporaines, quand vous ne parlez des lycées que pour les échecs et les violences.

Messieurs,

Professeure d’histoire-géographie, en retraite depuis 4 ans, j’ai constamment assisté à ce soi-disant miracle, raconté dans le film que vous dénigrez en affirmant qu’il ne rend justice ni à l’école ni à la Shoah. J’estime avoir un droit de réponse au nom de la réalité de ce qui est vécu dans les lycées.

Ce récit rend justice
à tous les lycéens qui s’ennuient dans des cours morcelés en disciplines, en heures accumulées sans lien entre elles, et qui recherchent un sens à ce que l’institution et la société leur proposent.

à tous les lycéens constamment dévalorisés, et particulièrement ceux qui sont dans la "mauvaise" section, c’est-à-dire la "mauvaise" classe sociale.

à tous les lycéens qui ont vu, comme moi, « ce miracle » dont vous parlez, qui n’est que l’expérience vécue par des centaines de milliers d’élèves et de professeurs, aujourd’hui comme hier, depuis Célestin Freinet, Maria Montessori, ou tant d’autres qui démontrent l’efficacité d’une éducation constamment « nouvelle ».

à tous les lycéens capables de travailler ensemble, avec énergie, en dehors des cours, les mercredis après-midi, voire les samedis ou dimanches pour une réalisation commune exigeante.

Ce récit rend justice
à tous les professeurs qui se battent contre l’administration ou leurs collègues pour ne pas être esclaves de programmes démentiels, pour ne pas passer leur temps à se plaindre, à s’ennuyer, pour monter en équipes des projets artistiques, culturels, historiques, européens, projets collectifs qui rendent les élèves auteurs, acteurs, créateurs, et capables de devenir des citoyens qui n’auront pas le pessimisme des français actuels.

à tous les professeurs qui refusent les litanies souffreteuses, ils ne comprennent rien, vous perdez votre temps, vous faites de l’extrascolaire, vos élèves accumulent des retards, ils n’auront pas le Bac, vous serez chômeurs, etc…

à tous les professeurs qui s’émerveillent des transformations de leurs élèves au cours de l’année scolaire, et de la réussite de projets collectifs qui leur permettent de développer leurs ressources individuelles. Ahmed Dramé, dans le film comme dans sa vie, est le symbole de la réussite d’un très grand nombre d’élèves que j’ai côtoyés durant ma carrière.

à tous les professeurs qui recommencent chaque année avec de nouvelles classes et de nouveaux projets, étonnants pour des élèves habitués au modèle répétitif véhiculé par l’école, programmes, notes, manuels, sonneries, alors qu’ils sont adolescents, en recherche d’identité et riches de possibilités.

à tous les professeurs qui apprennent à leurs élèves à travailler en groupe, alors que la formation, l’architecture scolaire, les représentations mentales dominantes, et le salaire ne valorisent que le cours magistral.

à tous les professeurs documentalistes, si souvent oubliés, qui donnent à lire et soutiennent les projets des lycéens, à tous les CPE qui réussissent à maintenir respect des règles et des personnes, en écoutant chaque jour les multiples souffrances, violences, rêves, exigences, des lycéens et des personnels.

à tous les professeurs qui « tiennent » leurs élèves, et sont « tenus » par eux, en devenant ensemble un peu plus humains.

Ce récit rend justice
au système scolaire français qui permet, malgré toutes les pesanteurs, contrôles, carcans administratifs, cours prémâchés, la grâce de la liberté pédagogique, sans cesse à défendre.

aux proviseurs, coincés entre leurs convictions républicaines, la nécessité hiérarchique de ne pas faire de vagues, et l’injustice sociale d’un système très élitiste.

Ce récit rend justice
aux déportés juifs qui témoignent inlassablement devant une minorité des jeunes, et grâce à ce film devant une grande partie de la population française. Comme Léon Zyguel, Paul Chytelman, par exemple, continue en 2014, à 92 ans, de témoigner deux fois par semaine dans les collèges et les lycées de l’Aube. Combien sont-ils aujourd’hui, sur les 2500 revenus, capables de transmettre ce message sur les conséquences du racisme et de la haine ? Les journalistes du Monde assistent-ils à ces rencontres ?

aux millions de déportés qui ne sont pas revenus, à qui on a ôté nom, sépulture, histoire, et aux quelques-uns que des spectateurs auront envie de retrouver dans des films ou des livres, Maurice Cling, Simone Veil, Anne Franck, et les autres, pour devenir à leur tour des héritiers capables de transmettre.

Oui, ces récits nécessaires sont des « tire-larmes », et ce film honore le bel objectif de l’UNESCO affirmé en 1946 : les guerres prenant naissance dans l’esprit des hommes, c’est dans l’esprit des hommes que doivent être élevées les défenses de la paix.

Ce récit rend justice
au Concours national de la résistance et de la déportation qui chaque année met des jeunes sur un chemin de construction des savoirs.

à un travail historique expliqué à un large public, sur les traces, l’héritage, la transmission, l’esprit critique face aux documents, aux images.

à la possibilité de vivre ensemble dans la diversité des cultures sans soutenir le non-dit, par lâcheté, et l’enfermement dans le communautarisme. Le lycée réussit encore cet exploit de faire vivre et réfléchir ensemble des dizaines de communautés, et des classes sociales différentes. La société propose-t-elle ensuite d’autres temps et d’autres espaces de rencontres ? Votre article est l’illustration même des clichés sur l’éducation : vous ne devez pas fréquenter souvent les lycées français pour ne parler que des échecs, présents aussi, mais pour ignorer de façon si méprisante ce « miracle » en œuvre quotidiennement.

Merci Anne Anglès, Ahmed Dramé, Marie-Castille Mention-Schaar.
Merci infiniment de nous sortir des clichés sur l’éducation.
Cordialement

Dominique Sabroux

Une histoire de spoliation, pour prolonger cette étude

Trois adolescents du lycée Thiers à Marseille ont un exposé à faire sur la spoliation des biens juifs à Marseille pendant la guerre de 1939-1945. Un des élèves a gagné au CNRD un voyage au camp du Struthof en Alsace.

Michèle Juan i Cortada, À la mémoire d’un ange, Éditions Chèvre-feuille étoilée, sortie, novembre 2014, 180 p.
À la mémoire d’un ange :
http://www.chevre-feuille.fr/a-paraitre/112-ouvrages-a-paraitre/485-a-la-memoire-d-un-ange

À la mémoire d’un ange :
http://www.cercleshoah.org/spip.php?article362

« Vive la Résistance »
http://vivelaresistance.fr/cnrd2014/

Ciné-Histoire a présenté en avant-première le film Les Héritiers de Marie-Castille Mention-Schaar à 14h30 à l’Hôtel de Ville de Paris, 5 rue Lobau, le 24 septembre, en présence de la réalisatrice et du coscénariste.
Avec le soutien de l’APHG et de la Fondation de la Résistance.

NM août 2014


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4 septembre 2014
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