Cercle d’étude de la Déportation et de la Shoah

Vingt mois à Auschwitz, Pelagia Lewinska, 1945

témoignage d’une femme résistante polonaise, des photos
dimanche 30 juin 2013

Pelagia Lewinska, résistante polonaise, livre son témoignage dès 1945, "Vingt mois à Auschwitz". Avec d’autres femmes, elle entre dans une baraque où on entend des voix de femmes des Tsiganes, des Polonais, des Tchèques, des Russes, des Françaises, dans la crasse.

Pelagia Lewinska décrit les conditions de son arrivée à Auschwitz, les facettes du camp, la barbarie.

Du dehors
Nous ne croyions pas que c’était vrai.
On recevait en masse des faire-part de décès, « comment un tel si jeune, si costaud, si bien portant est-il mort au bout de trois ou quatre semaines, et mort d’une mort naturelle encore ? » on cherchait une explication, personne ne voulait y croire, on se disait qu’ils devaient travailler dans une zone militaire, on se faisait des illusions. Mais il existait encore d’autres explications qui semaient la terreur parmi les gens, on parlait d’une chambre à gaz, d’un four crématoire d’où l’on pouvait retirer les cendres au prix de quelques centaines zloty, écrit Pelagia Lewinska, qu’« on utilisât pas ces hommes solides...qu’on les détruisit physiquement, qu’on les tuât. C’était invraisemblable. On n’en croyait rien. » p. 25

Voyage vers l’inconnu  :
Le 23 janvier 1943 un petit groupe de femmes est tirée de la prison de Cracovie de la rue Montelupi, sous un chant de résistance "c’est l’esprit qui nous commandera", elles arrivent à Oswiecim-Auschwitz avec des gens de Cracovie, Tarnow, Nowy-Sacz.
Il n’y a pas de marche-pied, elles hésitent, c’est trop haut, 1m 30, de la neige glissante, elles sont chassées à coups de crosse. Une puanteur les accueille. Des lampes électriques tous les cinq mètres éclairent la clôture.

Birkenau sous la neige

Au début des camions transportent les détenus de la gare au camp et on les décharge des camions, comme des betteraves. Un embranchement est construit en 1944 aboutissant au crématoire qui ne s’éteignait jamais.

Les bûchers :
"Tu passerai per il camino"
« les cheminées du crématoire ne s’éteignaient jamais et un nuage épais et dense planait au-dessus des bûchers, traînait des kilomètres et enveloppait Oswiecim et ses environs dans un linceul de poussière grise. Une suie noire recouvrait nos corps et nos vêtements quand nous travaillions dans les champs, même à une distance de plusieurs kilomètres. »

Clôture :
Des femmes désespérées se jetant dans les fils électriques, un fossé a été creusé le long de la clôture, les sentinelles tirent sur celles qui s’approchent.

L’eau  : Un unique robinet.
Il y a au camp environ 14 000 femmes !
Il y a aux tinettes, dans le vestibule, autour du bâtiment, une foule de femmes avec des pots, des cuvettes, des cruches, qui s’efforcent à s’approcher de l’unique robinet d’eau. J’ai fait la queue moi aussi... Cette tinette et l’eau ne sont que pour les Allemandes. Les Juives n’ont pas le droit d’y entrer.
« L’intention de l’ennemi était de nous faire dévorer par la crasse ; et bien il faut se laver. » [1]

La boue
On ne peut se nettoyer. Une noire mélasse. Aider quelqu’un à se lever, c’était se décider à rester dans la boue avec lui. Une fosse sert de latrines au début, on risque se noyer dans la boue et les excréments.

Latrines à Birkenau

Nous avons faim, nous avons froid, nous avons besoin de sommeil, notre fatigue est surhumaine...La soif nous tourmente toutes. Le manger, imprégné de salpêtre, brûle les entrailles...La puanteur des corps non lavés nous suffoque...

Les poux !
Les poux étaient partout. Non seulement dans les têtes, dans les sourcils, les couvertures, le linge, toujours le même. Tous les trois mois, épouillage : le linge est mis dans des cuves, mais elles reçoivent des vêtements encore plus sales.

étuves du Zentral "Sauna" en BII

La baraque des transportées  :
La baraque est pareille à une énorme grange de 80 mètres de longueur et de 10 mètres de largeur. 800 à 1000 femmes sont dans le bloc.
Après une journée entière de labeur, de pluie, de froid, de boue, on ne pouvait considérer notre séjour dans la baraque comme un repos, mais comme un nouveau martyre.

Il n’y avait pas dans la baraque de place pour rester debout, pour mettre quelque chose, pour s’asseoir ; il n’y avait que des passages étroits et des couchettes pour dormir, des châlits à trois étages.

Cage  :
Des traverses de bois divisent l’espace en cage. Il y a des fois une dizaine de femmes sur une couchette. " Comment se mouvoir, se vêtir se déshabiller, manger, dormir, vivre en général dans ce entassement de corps humains, dans ces ténèbres complètes ? " Le dernier étage touche le toit.

cage-coya

L’appel
Deux fois par jour.
Vers 3 heures du matin, Aufstehen ! Il fut aller chercher le café.
Il est 4 heures, quand nous sortons du bloc pour l’appel. Il ne faut pas bouger dans "la boue, la pluie, le vent, la neige ou le gel". Elles se serrent l’une contre l’autre, les malades tombent, les capables iront travailler.
Le premier appel de Pelagia dure cinq heures. Puis à nouveau trois heures.
Le 5 février 1943, pendant l’appel, une commission spéciale fait sortir des rangs les femmes qui voudraient se soigner. Mais elles sont envoyées au bloc 25 où des camions vont et viennent.
Un Appel général en février 1943 rassemble les femmes sauf dans un quartier où a lieu pendant ce temps une sélection.
Zell-Appell, appel en cellule : des femmes ont essayé de se cacher dans le camp. S’il y a au camp plus de femmes que prévu, il y a une sélection [2]. Avec sa canne à bec de corbin [3], la commandante tire à elle une détenue.

Après la sélection une femme s’écrit : "Femmes polonaises debout ! Continuez à lutter"

Le travail :
A coups de bâton, les colonnes se rendent au travail, links, links.
« Les aryennes vêtues de robes rayées, avec des fichus noués sur la tête, chaussées de sabots...Les Juives étaient vêtues d"uniformes militaires en treillis, hérités des prisonniers soviétiques exterminés. Les vêtements des Juives, qu’ils fussent militaires ou civils portaient au dos des croix peintes. »

Il faut se rendre aux champs, il est 6 heures. On creuse la terre.
Il est dix huit heures, les femmes rentrent du travail.

Tentative d’évasion
Après 10 km à la course dans les marécages, 500 femmes sont rangées devant le Block 25, debout dans le froid et le vent de février. Elles sont rangées à distance l’une de l’autre par les SS pour qu’elles ne puissent se réchauffer.
L’appel a fini le matin. Il y a de la place dans la baraque.

Le camp de la mort lente.
Le camp de concentration allemand, c’est le camp de la mort lente.
Le but : " il s’agissait d’y faire crever systématiquement les gens."
Alors, périr ? ou vivre. "C’était un devoir à l’égard de ceux qui étaient partis."
C’était la lutte morale qui nous coûtait bien plus de peine que la lutte contre les conditions matérielles, qui nous apportaient la mort.

Les haines nationales
Les Allemands se servaient du chauvinisme racial et national pour susciter l’animosité entre les détenus, pas seulement des différences sociales ou d’instruction. Ils avaient l’art de rendre odieuse la vie collective.

LEWINSKA Pelagia, Vingt mois à Auschwitz, éditions Nagel, 47 rue Blanche, Paris 9ème, 1945, 197 p.

La dernière étape, Wanda Jakubowska, 1948
"Je notais tout, l’histoire de Mala la Belge, de Michèle la Française, que j’allais reprendre dans mon film" raconte Wanda Jakubowska.
Wanda Jakubowska, mémoire de Birkenau :
http://www.liberation.fr/culture/0101140106-wanda-jakubowska-memoire-de-birkenau-son-film-la-derniere-etape

Cf. le récit d’Yvette Lévy :
Birkenau : la déshumanisation dès l’arrivée Yvette Lévy

N.M. juin 2014

[1p. 71

[2Les membres de la commission saisissent par le cou leurs victimes avec des cannes.

[3(en forme de bec de corbeau)


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