Cercle d’étude de la Déportation et de la Shoah

L’enseignement de l’histoire de la Shoah en Allemagne

quelques exemples, des livres, films, liens
lundi 8 août 2011

En 2010, sur le millier d’Allemands interrogé par l’institut TNS Infratest, 69% des jeunes de plus de 14 ans sont intéressés ou très intéressés par l’histoire du nazisme, 74% pour la génération des 20-44 ans, 80% pensent que se souvenir et commémorer c’est utile, 59% ressentent de la honte devant les crimes allemands.
http://www.zeit.de/2010/45/Erinnern-NS-Zeit-Jugendliche

Novembre 2017, photo Uli Schmoll, devanture de la librairie de quartier, Giesebrechtstraße, à Berlin

Librairie Giesebrechtstrasse

RFA-RDA

L’enseignement de l’histoire de la Shoah en Allemagne

- Préambule
En Allemagne, il n’y a pas de programme national dans les différentes matières comme en France. Chacun des 16 États Régionaux, (Länder) définit quel sera le programme et les actions à mener pour les jeunes de son Land. De plus, seul un petit nombre d’élèves va au lycée. Les autres ont une formation professionnelle ou vont en apprentissage. Les formations des maîtres et des élèves sont donc inégales selon les régions.

Dans ce contexte, les manuels franco-allemands de terminale et de première sont importants. C’est la première fois qu’il y a un manuel scolaire national en Allemagne où il est question du nazisme et du génocide des juifs. Les éditeurs Nathan en France et Klett en Allemagne ont vendu 40 000 exemplaires du premier tome, dans l´Hexagone et 30 000 de l´autre côté du Rhin (2008). Les Länder ont dû adapter leur programme.

« Ils ne savent rien »
En France, la question de l’enseignement de la Shoah en Allemagne reste méconnue et laisse place à de nombreux fantasmes. Pour beaucoup, « les jeunes Allemands ne connaissent rien » au nazisme, à la deuxième guerre mondiale et aux violences faites aux juifs. Le mot Holocauste en Allemagne désigne ce que en France on nomme depuis le film de Lanzmann, la Shoah.

« Ils n’en parlent pas avec leurs parents ».
Il faut prendre en compte que les parents et les grands parents des jeunes actuels n’ont pas l’âge d’avoir participé à la deuxième guerre mondiale.
Nous étudierons ce qu’il en est de cet enseignement à travers des programmes, des articles de presse et des témoignages sur plusieurs générations en examinant ce qui se faisait en RFA et en RDA, puis aujourd’hui.
Une mémoire différente selon les périodes, depuis la formation de la RFA et le silence des familles, la création de la RDA antifasciste en 1948, puis l’unité allemande avec l’apparition de néonazis.

C’est évident que les familles après 1945 ont gardé le silence.
 Nous ne savions pas, le livre de Peter Longerich [1], montre le refoulement de la population sur les persécutions et le massacre des juifs en Europe.
« En 1960 dans l’émission TV Cinq colonnes à la une, Paul Schallück raconte qu’alors qu’il présentait Nuit et Brouillard à des étudiants allemands, un jeune homme se leva pour dire : " Nous ne pourrons plus jamais croire à la génération plus vieille parce qu’elle nous a caché ce qui s’est passé." Paul Schallück a l’impression d’avoir commis quelque chose de pire encore puisqu’il fut "indifférent" ». [2]
Klaus Theweleit [3], romancier né en 1942, raconte que ses parents (son père était cheminot), étaient nazis dans les tripes, sans jamais être capables de comprendre, voire expliquer ou défendre les théories nazies.

En RFA, dans la génération qui a eu 20 ans en 1968, pour les professeurs, c’est « nous ne savions pas ». Souvent le traitement des programmes s’arrêtait à la première guerre mondiale. Les parents se taisaient sur ce sujet. Il ne fallait pas non plus parler de la résistance allemande au nazisme, c’était des traîtres. Mais Anne Frank [4] ou Exodus [5] sont lus par les jeunes. Le film Mein Kampf d’Erwin Leiser, sorti en 1962, a marqué les esprits.
1968 est un tournant important pour les jeunes qui ont demandé des comptes aux pères sur leur passé pendant le nazisme.
Pour la RDA, les fascistes, c’est en RFA. Eux, ils ont lutté contre le national-socialisme. Les bourreaux sont passés à l’Ouest. La lecture de Nu parmi les loups  [6] était obligatoire dans les écoles d’Allemagne de l’Est. Mais en 1989, une enquête menée par l’Institut de Leipzig sur la jeunesse est-allemande, montre que les jeunes ont peu de connaissances sur l’époque nazie.
Le feuilleton américain Holocaust, projeté en Allemagne en 1979, (avant la France), provoque une prise de conscience chez les jeunes qui demandent à en savoir plus à leurs professeurs qui souvent ont un passé nazi sans que cela préoccupe les parents,
et à leurs parents. Des documentaires passent alors à la télévision pour combler le vide de connaissances ressenti par les jeunes. Aujourd’hui, quand on examine les programmes nationaux des chaînes de télévision allemandes et les programmes régionaux, on s’aperçoit que tous les jours, des émissions traitent ce sujet.

Par la suite, des «  projets » (sortes de TPE), sont menés dans de nombreux établissements scolaires. Les jeunes seraient tentés de dire, comme la fille de l’ancien président de la République, Johannes Rau : « C’est toujours la même chose... On parle dans toutes les disciplines de ce sujet si bien qu’à la fin cela énerve. »
Des jeunes Allemands font aussi leur service civil dans les lieux de mémoire. Et puis les touristes, de Robert Thalheim, 2008, est un film sur la Mémoire et le poids du passé, un récit en partie autobiographique sur un jeune accomplissant son service civil à Auschwitz.

- Des témoignages actuels d’élèves et d’enseignants
D’après le questionnaire envoyé à des jeunes Allemands et à des professeurs, on peut dire que le sujet de l’Holocauste est traité par tous les élèves, de collèges, de lycées classiques, de lycées techniques et professionnels. La question est étudiée dans les cours d’histoire, d’allemand, de religion, ou lors du Wandertag, une journée banalisée par mois. L’heure de « religion » ou d’« éthique » dans le Brandebourg, est utilisée pour approfondir la question de l’antisémitisme. Il n’y a pas de cours de philosophie en Allemagne.
Les élèves font des recherches sur le nom de leur lycée par exemple. Sur les dix noms les plus souvent donnés en Allemagne à des établissements scolaires, le nom Sophie et Hans Scholl arrive en tête, suivi de celui d’Anne Frank ou d’Einstein. Ils lisent des livres, voient des films, des vidéos, étudient des photos, écrivent des articles pour des journaux d’élèves, dessinent des BD, (Comics), font des reportages, des articles sur des témoins, réalisent des sites internet, des films, regardent des documentaires à la télévision, visitent des lieux de mémoire.

Un exemple de travail d’élèves sur Auschwitz :
http://web.archive.org/web/20090714142514/http://www.kulturfabrik-vlotho.de/Texte/auschwitz.htm
Un « projet » en Basse Saxe avec des enfants de 12 ans et plus :
Enfants et adolescents sous le national-socialisme, avec l’étude du camp de concentration pour jeunes de Moringen : Damals war es Friedrich
http://www.lernen-aus-der-geschichte.de/?site=pr_import_A008

Un site  : Judenverfolgung im Nationalsozialismus
http://www.planet-schule.de/wissenspool/judenverfolgung/inhalt/links-literatur.html

- Les lieux de mémoire :
Parmi les camps visités par les élèves, il y a souvent proximité géographique avec les lycées fréquentés : les Berlinois vont à Ravensbrück, les Munichois à Dachau, les Hambourgeois à Neuengamme ou à Bergen-Belsen, d’autres citent le Struthof, Flossenbürg, Buchenwald, Langenstein-Zwieberge, Dora, Auschwitz-Birkenau. Des élèves visitent aussi le mémorial de Pirna-Sonnenstein, où dans le cadre de l’opération T4, des malades mentaux, « des vies sans valeur », ont été assassinés.
Le Centre de documentation à Nuremberg, la Maison de la Conférence de Wannsee à Berlin sont aussi fréquentés par les jeunes allemands.
Une étudiante raconte qu’elle est allée à Bergen-Belsen à 13 ans, après avoir lu Anne Frank, et qu’elle était trop jeune pour comprendre. Sa mère, professeur, parle souvent de ce sujet avec elle. Elle trouve que ses élèves de 16 à 20 ans ne savent pas grand chose.

Vaihingen, un travail avec les élèves :
https://www.schule-bw.de/faecher-und-schularten/gesellschaftswissenschaftliche-und-philosophische-faecher/landeskunde-landesgeschichte/module/epochen/zeitgeschichte/ns/wiesengrund/12zeittafel.html

Des liens sur Auschwitz :
http://www.lehrer-online.de/443651.php?sid=93043515334683937722063066306710

- Les livres les plus lus par les élèves et les étudiants :
APITZ Bruno, Nu Parmi Les Loups (Nackt Unter Wölfen) Éditeurs Français Réunis, 1963
BECKER Jurek, Jakob le menteur (Jakob der Lügner), Cahiers rouges, Grasset, 1997 (1 ère éd. Berlin 1969, de nombreuses rééditions commentées pour les élèves)
FRANK Anne, Journal (Tagebuch ), Calmann-Lévy, 1950
KERTESZ Imre, Être sans destin (Mensch ohne Schicksal, 1990), Actes Sud, 1998
KLÜGER Ruth, Refus de témoigner (Weiter leben : Eine Jugend (traduction du titre allemand : Vivre à nouveau, une jeunesse)1992), éd.Viviane Hamy, 1997, 320 p. (en livre de poche 2003)
LEVI Primo, Si c’est un homme ? (Ist das ein Mensch ?), [7] éd. Julliard, Paris, 1987, (1ère éd. Turin, 1947). Presses Pocket, 1990
MERLE Robert, La mort est mon métier, Gallimard, 1952, (Der Tod ist mein Beruf, 1957)
SCHLINK Bernhard, Le liseur (Der Vorleser), Gallimard, 1996
STRASSER Todd, Die Welle (La vague), Ravensburger Buchverlag, 1997 (dont des extraits sont dans les livres de classe) 
WIESEL Elie, La nuit (Die Nacht. Erinnerung und Zeugnis), Les Éditions de Minuit, 1958

- Les films les plus souvent cités
Shoah, DVD, documentaire, Claude Lanzmann, 1985
Nuit et brouillard, documentaire, Alain Resnais, Jean Cayrol, 1956
La vie est belle, fiction, Roberto Benigni, 1998
La liste de Schindler, (fiction), Steven Spielberg, 1994
La cachette, d’après la biographie de Corrie TEN BOOM, « The Hiding-Place » (1971)
Die Welle (la vague), de Dennis Gansel, [Un enseignant d’ histoire illustre ses propos sur l’autocratie en tentant une expérimentation sur ses élèves. Il décide d’appliquer certains principes du nazisme et finira par ne plus pouvoir contrôler la situation.]
et aussi
AUERBACHER Inge, Ich bin ein Stern, Beltz, 1991

- L’Allemagne, le devoir de mémoire, et les aides aux enseignants.
Dans un manuel pour professeurs, les élèves sont invités à faire des recherches sur l’histoire juive et la vie juive dans leur région, consulter les archives, repérer des maisons habitées autrefois par des juifs, interroger des personnes sur le départ des juifs, regarder sur les plaques et les monuments, si des noms juifs ont été effacés (les morts de la première guerre mondiale).
Des livres, des brochures, des vidéos, des livrets pédagogiques, sont mis à disposition des élèves et des professeurs à coût réduit, par exemple Mein Vater, die Deutschen und ich (Mon père, les Allemands et moi) de Jurek Becker, pour être étudiés en classe.
De riches collections de livres pour enfants et adolescents existent. Il y a même un recueil pour enseigner l’Holocauste au jardin d’enfants et à l’école primaire.

- Des sites internet pour les enseignants :
LeMO : Lebendiges virtuelles Museum Online :
http://www.dhm.de/lemo/
bpb, Bundeszentrale für politische Bildung, Centre fédéral pour la formation politique :
http://www.bpb.de/
Un portail pour publier les travaux des élèves :
http://www.lernen-aus-der-geschichte.de
De nombreux liens sont mis à la disposition des enseignants :
les medias allemands ont un programme sur la deuxième guerre important :
Deutsche Welle, radio TV :
http://www.dw.de/themen/geschichte/s-12313
Dossier ARD :
http://web.archive.org/web/20070803233039/http://kriegsende.ard.de/pages_idx_lib/0,,SPM6268,00.html
Le Spiegel, magazine très actif :
http://web.archive.org/web/20090311135139/http://www.spiegel.de/panorama/0,1518,k-6294,00.html
Avec le soutien de l’hebdomadaire " Die Zeit", Être sans destin de Kertesz et un Dictionnaire pour la jeunesse [8] sur le national socialisme, peuvent être téléchargés gratuitement :
http://www.netz-gegen-nazis.de/seite/buecher-zum-download
Parmi le matériel pour la classe, des survivants ont été filmés :
http://www.weiterleben-im-gespraech.de
Pour en savoir plus sur les travailleurs forcés :
http://www.bundesarchiv.de/zwangsarbeit/
La journée de l’Holocauste fixée par l’ONU au 27 janvier donne lieu à des commémorations dans les établissements scolaires depuis 2005.
Une fiche pédagogique sur la Journée de l’Holocauste :
http://www.lehrer-online.de/auschwitz-erinnern.php?sid=93043515334683937722063066306580

Programmes et critiques
Sur la formation des maîtres :
http://www.bildungsserver.de/
En Allemagne, actuellement, d’un côté, le Conseil juif demande la création d’une matière supplémentaire sur la période nazie, car disent-ils, les enseignants et les élèves ne savent rien, en particulier dans les nouveaux Länder, d’un autre côté, dans le Land de Bavière, le projet d’un nouveau programme réduisant à 7 heures le temps passé à l’étude du national socialisme suscite des commentaires indignés. Le jeune ne pourra pas comprendre comment Hitler est arrivé au pouvoir, la discrimination contre les juifs.
La difficulté pour l’enseignant c’est d’informer sans susciter un sentiment de culpabilité et de rejet chez les jeunes.
On ne peut pas dire qu’il y a ignorance sur la Shoah en Allemagne.

« Auschwitz n’a jamais été un établissement d’éducation d’aucune sorte, et surtout pas d’éducation à l’humanité et à la tolérance. » Ruth Klüger

Documents-témoignages élèves-profs

De Henning Fauser, étudiant [9] :
La réponse à votre question concernant l’enseignement de l’histoire du III. Reich et de la Shoah dans les établissements scolaires allemands est assez compliquée. Au collège et au lycée, nous avons beaucoup parlé de cette époque et aux cours d’histoire et aux cours d’allemand. Parfois, cela incitait des camarades de classe à dire qu’on parlait trop de cette époque selon leur goût. Cependant, dans ma génération, je ressens une grande curiosité de savoir ce qui s’est passé à cette époque. Je dirais que chaque élève de notre région a visité au moins une fois le mémorial et son musée qui se trouve à Langenstein-Zwieberge. (Près de Buchenwald). Je ne peux pas vous dire si c’est la même chose dans d’autres régions de l’Allemagne. Des amis travaillant aux mémoriaux de Dora, Buchenwald et Neuengamme m’ont dit que des groupes d’élèves viennent parfois de très loin.
L’entretien avec des anciens déportés fait partie des projets d’histoire et de mémoire organisés en Allemagne depuis des années.
Par exemple, ma mère organise des « Jours des Rencontres » au mémorial de Langenstein-Zwieberge depuis plus de 15 ans. Pendant ces rencontres à l’occasion de la libération du camp en avril 1945, des anciens déportés témoignent devant des élèves, devant des apprentis ou bien devant des étudiants. De plus, les déportés et leurs familles sont invités par des familles habitant le village de Langenstein qui est situé pas loin du mémorial.
Il y a même un groupe composé d’enfants et petits-enfants de déportés ainsi que d’Allemands de la région qui initie des « actions de mémoire » symboliques à l’occasion de ces rencontres. Entre avril 2007 et avril 2008, les noms de 772 hommes reposant dans les fosses communes du camp ont été écrits sur des « pierres de mémoire ». Au moins 50 groupes d’origine et d’âge différents qui ont visité le mémorial, ont participé à l’écriture des noms de ces déportés, des dates de naissance et du décès sur des pierres émanant des tunnels creusés par les détenus du camp. Des initiatives pareilles sont organisées à beaucoup d’autres lieux de mémoire situés en Allemagne.

Des noms sur les pierres à Langenstein, photo Henning Fauser

De Carolin, 30 ans, dans le milieu de l’édition
1-Dans quelles classes vous a t-on parlé du national-socialisme et plus particulièrement de l’holocauste ?
Je ne sais plus exactement, au plus tard au lycée : à la 7 ème classe environ. Pas à l’âge de 10, 11 ans, en tout cas.

2- Dans quelles matières ? Est-ce que cela a représenté une part importante du programme scolaire ?
Bien sûr que oui, c’était et c’est toujours très important : en histoire, en allemand (via des lectures, des films, des projets particuliers etc.), en religion et/ou en éthique.
Ce n’est pas pour rien que tout notre peuple en a régulièrement assez de lire/voir/entendre parler de notre histoire « 3ème Reich » ; c’est comme ça parce qu’on n’a pas refoulé notre histoire noire, mais par contre, on a essayé vraiment de la travailler/digérer. Plusieurs médias : Littérature ; des monuments nous rappelant ce qui s’est passé ; de nombreuses associations ; des films au ciné et à la télé ; on fait toujours attention à bien « traiter » les anniversaires importants comme l’attentat contre Hitler etc. C’est quand même mieux qu’en Italie où on n’a pas trop réfléchi sur le passé fasciste du pays.

3- Dans vos manuels scolaires, y avait-il des textes ou des photos sur l’holocauste ? Avez-vous, dans le cadre de l’école, lu des livres ou vu des films et des pièces de théâtre en lien avec ce sujet ?
Oui. On a toujours recours à Die weiße Rose et les frères et sœurs Scholl  ; au Journal d’Anne Frank. Moi personnellement, j’ai beaucoup « aimé » (c’était plutôt très tragique mais magistralement rédigé) Jakob der Lügner(Jakob le menteur) par Jurek Becker.
En histoire, c’est avant tout l’attentat du 20 juillet 1944 ; mais on a aussi beaucoup appris sur la « législation » nazie comme les Nürnberger Rassegesetze (lois raciales de Nuremberg) l’interdiction des associations ; la propagande et les réunions à Nuremberg etc.
Il y a aussi toujours beaucoup d’efforts par le côté des professeurs pour informer et ainsi mobiliser contre le racisme « récent » ; souvent en évoquant comment cela a mal tourné dans le passé. Façon : « Regardez et réagissez » ; on ne peut pas dire de nouveau « Je n’ai rien su. »

4- Avez-vous participé à des « projets » dans le cadre scolaire ? (sites internet, visite de lieux de mémoire – musées, camps de concentration)
Notre classe était à Bergen-Belsen. Chaque classe au lycée va au moins à un des camps de concentration. Le nouveau centre de documentation sur le 3ème Reich à Nuremberg est aussi très fréquenté. Ma mère (prof au collège/Hauptschule) m’a confirmé que c’est pareil pour son école.

5- En dehors du cadre scolaire ?
Il y a des soirées organisées par des gens engagés (par ex. le groupe « Tiers monde ») dans un cadre plus libre que l’Église, qui portent sur le thème racisme/se sentir comme étranger …

6- De quel Land venez-vous ? Quels établissements avez-vous fréquentés ? Connaissez-vous des actions qui ont été menées dans d’autres établissements ?
Bayern ; Gymnasium ;
Hauptschule voir question 4.
Une amie à moi – prof d’allemand au lycée – lit régulièrement  Der Vorleser de Bernhard Schlink avec ses élèves et passe, elle aussi, souvent au Centre de documentation à Nuremberg.

Le centre de documentation-Tribunal de Nuremberg
photo Henning Fauser

-  L’enseignement de la Shoah vu par un professeur allemand, professeur d’histoire, de géographie, d’éducation civique et de musique au lycée Hebel de Lörrach dans le Land de Bade-Wurtemberg.

La Shoah est enseignée partout en Allemagne. C’est au programme de collège et de lycée.
C’est aussi dans le programme de l’enseignement professionnel. Ce n’est pas seulement un sujet du cours d’histoire mais aussi du cours d’allemand et de celui de religion, (qui n’existe pas en France).
La Shoah est enseignée dans le contexte de la période nazie et de la deuxième guerre mondiale. Dans toutes mes années d’enseignement, je n’ai jamais senti de réactions « on en a assez ». En général, les jeunes sont très intéressés, mais il faut faire attention.
Les élèves risquent de dire un jour : « on connaît ça déjà » et pour éviter cet effet il faut enseigner la Shoah dans une période limitée. La Shoah s’enseigne mieux dans les classes moins jeunes.

Il faut présenter des informations les plus précises possibles, avec des faits exacts, et en même temps se restreindre à peu d’exemples et aussi à de l’histoire locale, car c’est cela qui intéresse et qui touche.
La ville de Lörrach est située près de Bâle dans une région frontalière entre la France, l’Allemagne et la Suisse. La topographie particulière du lieu a incité des réfugiés juifs à essayer de fuir en Suisse pendant la période nazie. L’endroit était particulièrement surveillé, mais des habitants ont aidé quelques personnes à franchir la frontière.
Je fais aussi venir des témoins et j’organise des expositions dans mon lycée sur les juifs à Lörrach sous le nazisme.
Avec mes collègues, on utilise toujours des films, mais il faut faire attention qu’il y a une multitude de films à la télé sur le sujet qui se veulent historiques mais qui risquent d’abrutir.
D’après les circonstances, je lis avec les élèves quelques chapitres de l’État SS d’Eugen Kogon [10]. Il était interné à Buchenwald et il a été le premier à décrire la vie au camp en détail.
Je montre un film sur le Ghetto de Varsovie  [11] ou sur Auschwitz. Je montre aussi des extraits de Shoah de Claude Lanzmann.
Ensuite il me paraît indispensable de prendre le temps de discuter.
C’est pour cela que j’hésite à faire « une journée Holocauste [12] selon la directive européenne, dans mon établissement le 27 janvier. Je préfère organiser une visite d’un camp. Dernièrement je suis allé au Struthof avec des élèves. Je trouve que la présence sur place est très importante.
Le difficile, c’est d’un côté informer et inciter un certain sentiment de responsabilité mais de l’autre, il faut éviter que les jeunes se sentent déclarés coupables parce que cela crée du rejet.

Du côté suisse :
Gedenkstätte für Flüchtlinge, Inzlingerstrasse 44, 4125 Riehen bei Basel, Schweiz
http://www.gedenkstaetteriehen.ch/

Sur le serveur officiel du ministère de l’éducation du Bade-Wurtemberg, figurent de nombreux documents pour les enseignants : par exemple sur la déportation des juifs de Bade à Gurs :
http://www.schule-bw.de/aktuelles/

Sophie Scholl - Die letzen Tage, BRD 2004, Regie : Marc Rothemund, mit Julia Jentsch, Fabian Hinrichs, Alexander Held, Johanna Gastdorf, André Hennicke
La Rose Blanche, la résistance des étudiants allemands
Edelweißpiraten, BRD 2004, Buch : Kiki von Glasow, Regie : Niko von Glasow, mit Iwan Stebunov, Bela B. Felsenheimer, Jochen Nickel, Anna Thalbach, Jan Decleir, Simon Taal, Jean Jülich
Les pirates de l’Edelweiss
Wilfried Breyvogel, Piraten, Swings und Junge Garde, Dietz Taschenbücher, Bd.39
KLÜGER Ruth, Perdu en chemin (Unterwegs verloren, Paul Zsolnay Verlag, Vienne, 2008) - traduction française Chantal Philippe et Jean-Léon Muller pour les poèmes, Viviane Hamy, Paris, 2010, 233 p.

Nicole Mullier, 7 octobre 2008, juillet 2014

Des écrivains contre les nazis

Heinrich Böll, Mais que va devenir ce garçon ? Seuil et Le silence de l’Ange.
Lüdvig Harig, Malheur à qui danse hors de la ronde, Belfond
Alfred Andersch, Le père d’un assassin, Gallimard
Christine Nöstlinger, Hanneton vole ! livre de poche
Ilse Koehn, Mon enfance en Allemagne nazie, Ecole des Loisirs, (Mischling
2ème degré).
Inge Auerbacher, Je suis une étoile, Virgule
Max von der Grün, Enfance et jeunesse sous le troisième Reich.
Karl Löwith, Ma vie en Allemagne, avant et après 1933, Hachette, (un intello trahi par Heidegger)
Günther Grass, Le chat et la souris
Anna Seghers, La septième croix
Margaret Buber Neuman, De Staline à Hitler
Sally Perel, Mémoires , (film Europa, Europa)
Inge Scholl, La Rose blanche, sur Hans et Sophie Scholl et leurs amis
Horst Krüger, Un bon Allemand, Acte sud
Ingeborg Hecht, Les murailles invisibles, éd. de l’Aube
Victor Klemperer, Mes soldats de papier (Journal 1933-1941), Je veux
témoigner jusqu’au bout (1942-1945)
Seuil
Christa Wolf, Trame d’enfance
Marie Kahle, Tous les Allemands n’ont pas un cœur de pierre, Liana Levi
Hans Fallada, Seul dans Berlin, Denoël
Maria, Gräfin von Maltzan, une Prussienne antinazie, Ullstein Taschenbuch
Voir Les historiens allemands et la Shoah

http://www.zukunft-braucht-erinnerung.de/
De très nombreux documents en allemand sur la ville de Gelsen-Kirchen :
http://www.gelsenzentrum.de/

(liens revus août 2013)

Hélène Camarade, Elizabeth Guilhamon, Claire Kaiser, Le national-socialisme dans le cinéma allemand contemporain, Mondes germaniques, Presses Universitaires du Septentrion, 2013, 288 p.

OESER Alexandra, Enseigner Hitler. Les adolescents face au passé nazi en Allemagne, Paris, Maison des Sciences de l’Homme, 2010.

BRAESE Stephan, GEHLE Holger, KIESEL Doron u. a. (Hrsg.) : Deutsche Nachkriegsliteratur und der Holocaust, Campus, Frankfurt am Main, 1998

et août 2018

Nicole Mullier (N.M.)

[1LONGERICH Peter, Nous ne savions pas. Les Allemands et la solution finale, Héloïse d’Ormesson, 2008.

[2Cité in LINDEPERG Sylvie, Nuit et Brouillard. Un film dans l’histoire, Editions Odile Jacob, 2007, http://www.odilejacob.fr/NuitBrouillardNotes.pdf

[3THEWELEIT Klaus, sociologue, auteur de Männerphantasien (Fantasmes mâles), dont s’est inspiré Jonathan Littell pour Les Bienveillantes et Léon Degrelle.

[4FRANK Anne, Journal (Tagebuch 1950) éditions Calmann-Lévy, 1950.

[5URIS Léon, Exodus, All.1958, Robert Laffont, 1961.

[6APITZ Bruno, Nu parmi les loups, Éditeurs français réunis, 1963.

[7Se questo è un uomo, 1947, Neuausgabe 1958 (dt. Ist das ein Mensch ?, übers. v. Heinz Riedt, Fischer, Frankfurt/M 1961 ; Neuausgabe Hanser, München 1987

[8Hilde Kammer und Elisabet Bartsch "Jugendlexikon des Nationalsozialismus" - Rowohlt, 2007

[9aujourd’hui docteur, Henning Fauser a présenté ses recherches à Sciences Po Paris , 60 ans de haine ? Les rescapés des camps et l’Allemagne depuis 1945 :
http://hdja1945.hypotheses.org/1021

[10KOGON Eugen, L’Etat SS, le système des camps de concentration allemands, Histoire, Le Seuil, 1970 (1ère éd. Frankfort, 1946).

[11Chronik des Aufstands im Warschauer Ghetto, Jolanta Dylewska, 1994, (chronique de la résistance au ghetto de Varsovie) d’après Marek Edelmann, avec des documents filmés pris par les nazis.

[12Journée de la mémoire de l’Holocauste décidée en 2002 par les ministres européens de l’Education. »


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